dimanche 29 mars 2009

Mon végétarisme

Mes réflexions m'ont éventuellement amené à adopter le végétarisme. Cette pratique alimentaire était la conséquence logique de ma conception du monde et m'y soustraire m'aurait mis en contradiction avec moi-même. En gros, on peut résumer mon raisonnement en trois points:

J'ai moins besoin de manger le porc que le porc n'a besoin de ne pas être mangé. Pour lui, cela signifierait la mort alors que, pour moi, c'est simplement la perte d'une saveur particulière. Donc, selon une éthique utilitariste, il ne serait pas légitime que je tue ce porc pour le manger si je puis bien vivre en m'en passant. Il y a plus de bonheur dans l'univers si ce porc ne meure pas pour me servir de repas. Les choses seraient différentes si j'étais un animal carnivore. Le loup ne peut survivre sans viande. Même si ce serait théoriquement possible de lui concevoir des substituts, le loup a la capacité de se pourvoir en viande mais pas celle de cultiver un champ de soya. Bref, son besoin «manger un cerf» est nécessaire à sa survie et arrive donc à égalité avec le besoin «ne pas être mangé» du cerf. Dans une telle situation, son égoïsme est légitime.

Selon ce raisonnement, il serait contraire à l'éthique, si je croiserais un porc sur le trottoir, de l'abattre dans le seul but de me délecter de sa chair. Mais qu'en est-il de l'action d'acheter de la viande à l'épicerie? L'animal est déjà mort. Même avec le bouche-à-bouche ou un défibrillateur, je doute que je puisse ramener à la vie un paquet de six McCroquettes. Toutefois, bien qu'acheter la viande d'une bête morte ne lui porte pas préjudice, cela est nuisible pour celle qui devra mourir pour prendre sa place sur la tablette. Ce n'est donc pas le geste de consommer la viande qui est contre l'éthique, c'est le fait d'encourager une entreprise à continuer d'élever et de tuer des animaux pour la consommation. C'est la demande que je crée qui fait que l'on abattra cette bête.

Maintenant, si l'on m'offre de la viande gratuitement? Je pourrais la manger sans financer les abattoirs. Toutefois, je préfère laisser cette viande à ceux qui n'ont pas choisi le végétarisme. En laissant plus d'individus dans le pool de proies, les prédateurs en tueront moins. Si mon hôte a un restant de viande demain midi, il s'en fera un sandwich ce qui lui évitera de s'acheter un met à base de viande au resto d'en face. Indirectement, j'aurai quand même réduit la demande.

Certains m'objecteront que l'animal d'élevage est créé pour être mangé, donc qu'il faut qu'on en mange autrement il n'aurait pas vécu du tout. La question devient un peu plus «métaphysique» et floue puisque cela considère qu'il est plus désirable d'exister, indépendamment de nos conditions d'existences, plutôt que de ne jamais exister. Mon opinion personnelle est diamétralement opposé avec celle-ci. J'approfondis un peu plus cette question ici.

Il m'est quand même arrivé une fois de manger de la viande. J'avais commandé une pizza nature (fromage et sauce seulement) et le livreur m'a donné une pepperoni-fromage. Il avait déjà quitté lorsque je m'en suis rendu compte. Étant donné que je ne pouvais plus rien pour cette pizza (qui serait jeté aux poubelles si je la retournais) et que la transaction avait déjà effectuée, j'ai dégustée cette pizza (qui, objectivement, n'étais pas très bonne finalement…). Car mon végétarisme est un principe éthique et non un tabou alimentaire. Le but n'est pas d'éviter de «me souiller» en touchant la chair morte avec ma langue, mais bien de réduire la souffrance dans l'univers.

Pour finir cette réflexion, je tiens juste à préciser que je ne porte pas de jugement de valeurs sur personne. J'ai évalué ici que mon besoin de manger de la viande était trop faible pour rivaliser avec les besoins vitaux de mes proies potentielles. Mais je ne suis pas vous (j'ai d'ailleurs employé le «je» tout au long de mon raisonnement). Peut-être avez-vous une telle «addiction» envers la viande qu'il vous serait inconcevable de vous en passer. Si tel est le cas, je me verrais mal vous dire : «Cessez de mangez de la viande, sombrez dans la dépression, puis suicidez-vous!» Moi je n'ai jamais trippé sur la viande, ça m'a toujours apparut comme un met plutôt fade. Je ne mangeais d'ailleurs que le blanc de poulet, le steak haché (dans de la sauce) ou les saucisses à hot-dog; le reste goûtait mauvais dans ma bouche sans une surdose de sauce ou de ketchup. Choisir le végétarisme fut donc facile pour moi. Mais si j'apprenais demain matin que le beurre de pinottes ou le chocolat est fait avec des pancréas d'enfants du Tiers-Monde, il me serait sans doute difficile d'arrêter d'en manger. Mais pour la viande, ce sont seulement les pressions sociales qui me font regretter de ne pas en consommer.

Comme je vous l'ai déjà mentionné en parlant des «monstres», je ne suis pas du genre à juger et à diaboliser ceux qui commettent des actions qui causent de la souffrance. En plus, je ne suis pas en train de dire que manger de la viande c'est «être méchant», je dis simplement que c'est un geste contraire à une éthique utilitariste car cela cause plus de souffrance que de bonheur dans l'univers. C'est comme de dire 2+2=4.

11 commentaires:

  1. Cette dernière affirmation est conditionnelle à ce que je puisse être certain que l'autre souffre, tel que nous en discutions à propos du culte de Dame Nature.

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  2. Tout à fait. Mais, avec les connaissances que nous avons en biologie et en anatomie, il est plus parcimonieux de dire que cet animal qui a la même réaction visible que moi à un stimulus qui me serait douloureux, qui partage un ancêtre commun avec moi et qui a un système nerveux semblable au mieux, est, tout comme moi, capable de souffrir.

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  3. La logique qui t'a fait choisir le végétarisme est bonne, mais elle ne peut être appliqué de façon systématique. Je m'explique...

    Tu fonde ton végétarisme sur deux notions, l'utilitarisme et l'éthique (ce sur quoi repose en fait l'ensemble de ta "doctrine"). Sur cela je suis en total accord. Par contre, l'impact que tu as sur ce qui t'entoure n'est pas nécessairement mieux (plus de bien) si tu es végétarien ou si tu ne l'es pas. Il existe beaucoup d'autres facteurs qui cause plus de mal. Par exemple, le papier toilette que tu utilise peut avoir détruit une partie de la forêt amazonienne et causé la mort de milliers d'animaux (collectivement bien entendu). L'électricité que nous utilisons provient de barrage ayant également causé la mort de bien des animaux, détruit un habitat naturel et même causé le déplacement de villages. Il en va de même pour tout les déchets que nous créons qui empoisonne la faune. De fait, il nous est impossible de connaître l'impact direct de nos actions sur l'ensemble des êtres vivants. Par contre, nous pouvons quantifier la viande que nous mangeons. Nous sommes témoins que, disons en une année, nous avons personnellement causé la mort de 15 poulets et de l'équivalent d'un porc et d'un bœuf (chiffres non réels). Par contre, ces morts sont contrôlé. Il est possible de tuer une bête le plus rapidement possible et avec le moins de douleur possible (je ne dit pas que c'est actuellement toujours le cas). Par contre, l'impact de mes autres activités humaine sur la faune crée beaucoup plus de souffrance. Les animaux meurt lentement empoisonné, certains ont des malformations dès la naissance, certaines espèces sont complètement éliminées. De plus, c'est souvent également d'autres humains qui en souffre (par la pollution ou par leur exploitation). Je dit tout cela non pas pour dire que je suis contre ton végétarisme, mais seulement pour démontrer qu'on ne peut éliminer complètement nos impacts négatifs et donc que chacun doit choisir plus ou moins de solutions pour réduire son impact. Reste que personnellement, je ne mange pas tant de viande que cela et je mange beaucoup de légumes. Par contre, comme je n'aime pas les légumineuses et autres substituts, je préfère consommé modérément de la viande pour me fournir les éléments nécessaire à ma bonne santé. Dans un monde parfait, je choisirais de la viande provenant d'animaux élevé dans les conditions les plus saine pour lui et tué de la façon la moins souffrante possible. Par contre, je peut choisir d'avoir d'autres comportement qui réduise l'impact sur d'autres êtres vivants, comme réduire mes déchets, recycler les produits dangereux, limités mes dépenses énergétiques, acheter le plus local possible, etc. Donc à chacun c'est moyens pour faire plus de bien et moins de mal. Et comme toi, je ne porte ici aucun jugements sur ceux qui décide de choisir celui du végétarisme.

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  4. Réponse à Guillaume :

    Tu dis : « Par contre, l'impact que tu as sur ce qui t'entoure n'est pas nécessairement mieux (plus de bien) si tu es végétarien ou si tu ne l'es pas. Il existe beaucoup d'autres facteurs qui cause plus de mal. »

    Complètement d'accord à 100% Le point était que, toutes choses égales par ailleurs, le végétarisme implique moins de souffrance que la consommation régulière de viande issue de l'industrie moderne.

    Tu dis aussi : « Il existe beaucoup d'autres facteurs qui cause plus de mal. (...) De fait, il nous est impossible de connaître l'impact direct de nos actions sur l'ensemble des êtres vivants. (...) l'impact de mes autres activités humaine sur la faune crée beaucoup plus de souffrance. (...) on ne peut éliminer complètement nos impacts négatifs (...) »

    Très certainement vrai. Mais cela ne me convaincrait pas de commencer à manger de la viande. Le fait que je fasse déjà du mal et l'impossibilité pratique de supprimer toute forme de souffrance dans l'univers ne peut servir de justification à un acte délibéré de création de souffrance. Donc quand tu dis :

    « je peut choisir d'avoir d'autres comportement qui réduise l'impact sur d'autres êtres vivants, comme réduire mes déchets, recycler les produits dangereux, limités mes dépenses énergétiques, acheter le plus local possible, etc. Donc à chacun c'est moyens pour faire plus de bien et moins de mal. »

    Je peux répondre que si je fais tout ça et qu'en plus je mange végétarien, c'est encore mieux! L'un n'empêche pas l'autre.

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  5. Le but n'était pas de te motiver à manger de la viande, mais plutôt à dire qu'on ne peut pas pousser le raisonnement à l'extrême puisque la seule façon de ne pas avoir d'impact négatif est de ne pas être. C'était plus pour amener une discussion.

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  6. Salut Feel O'Zof,

    Je comprend parfaitement votre positionnement sur la question du végétarisme éthique dans une optique de réduire la souffrance dans l'univers. Quand est-il de l'expérimentation animal? Utilisez vous des produits (médicaments, produits d'hygiène...), qui on étés testés préalablement sur des animaux?

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  7. S'il n'y a pas d'autres alternatives (comme par exemple, utiliser des cultures de cellules plutôt que des animaux entiers) et que c'est une expérience nécessaire à l'humanité (médicale par exemple) alors il est légitime d'utiliser les animaux pour la recherche. Tout comme il est légitime pour un loup de tuer un cerf pour s'en nourrir, puisqu'il ne peut survivre autrement.

    Voir à ce propos ma réflexion sur l'égoïsme légitime :
    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/06/legoisme-legitime.html

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  8. Bonjour.

    D'abord merci pour ce blog, que je parcours depuis quelques temps déjà et qui, sur de nombreux sujets, rencontre mes réflexions et me permet de les approfondir.

    Je voudrais revenir sur ce paragraphe, dont en réalité je ne comprends pas la logique :

    "Certains m'objecteront que l'animal d'élevage est créé pour être mangé, donc qu'il faut qu'on en mange autrement il n'aurait pas vécu du tout. La question devient un peu plus «métaphysique» et floue puisque cela considère qu'il est plus désirable d'exister, indépendamment de nos conditions d'existences, plutôt que de ne jamais exister. Mon opinion personnelle est diamétralement opposé avec celle-ci."

    La question n'est pas ici de savoir s'il vaut mieux exister envers et contre tout plutôt que de ne pas exister, dans la mesure où les animaux domestiques élevés pour leur viande... sont déjà là.
    Par contre, il me semble que l'on peut objecter à l'argument des "anti-végétariens" le fait qu'ils confondent l'objet et son but. Je vais tenter de m'expliquer...

    Ce n'est pas parce que les armes à feu existent et ont été conçues pour tuer que je dois me sentir obligé d'en acheter une, et d'abattre le premier venu. Je n'ai absolument aucune obligation envers l'arme à feu; je n'ai pas à lui faire remplir son rôle à tout prix sous prétexte que sinon il n'aurait servi à rien de la concevoir, puis de la fabriquer.

    De la même manière, ce n'est pas parce que l'évolution de certaines espèces a été orientée de façon à les rendre plus faciles à tuer et plus savoureuses que je dois me sentir obligé de les manger. Je n'ai pas à leur faire atteindre leur objectif, d'autant que celui-ci leur est néfaste.

    Voilà, j'espère avoir été clair en établissant ce parallèle...

    Je vous souhaite en tout cas une bonne continuation.

    Cordialement.

    Lunamel

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  9. Bonjour Lunamel,

    D'abord merci de lire mon blog.

    En effet, l'argument qu'il faut tuer les animaux d'élevage parce qu'ils sont créés à cet effet est clairement injustifiable pour parler des bêtes qui sont déjà là. Ainsi, si je fais un enfant pour qu'il reprenne l'entreprise familiale, cela ne serait pas suffisant pour le forcer à faire ça de sa vie.

    L'argument que je tentais de réfuter se situait ailleurs. Je n'ai effectivement pas suffisamment pris la peine de le développer (j'avais beaucoup de choses à dire et je ne voulais pas que mon billet soit trop long). L'argument antivégétarisme que je démontais dans ce paragraphe se trouve, non pas dans le seul acte d'abattage mais dans l'ensemble du processus de l'élevage d'animal.

    Si l'on cesse de manger de la viande (ou si l'on en mange moins) alors les éleveurs ne feront plus se reproduire de bêtes (ou en reproduiront moins) et par conséquent celles-ci ne viendront jamais au monde. En ce sens, l'argument oppose deux alternatives pour l'animal: soit d'exister dans les conditions actuelles de l'élevage intensif et d'être tué, soit de ne tout simplement jamais venir à l'existence.

    Cette position ne cadre donc pas avec ma vision du monde dans laquelle on ne doit rien à un être qui n'existera jamais (contrairement à un être qui n'existe pas encore) et que l'on n'est pas tenu de faire venir à l'existence un être particulier parmi la vastitude des êtres potentiels. Voir cette réflexion:

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/06/nos-devoirs-pour-les-gens-de-demain.html

    C'est également un argumentaire qui est utilisé par les gens qui sont contre l'avortement ou ceux qui pensent que l'enfant est, d'une quelconque façon, "redevable" à ses parents du fait d'exister. J'en parle dans ces deux autres réflexion:

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/03/lavortement.html

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/10/fondements-des-droits-de-lenfant.html

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  10. D'accord;

    en relisant le paragraphe en question sous cet angle, je comprends où vous vouliez en venir. Ma confusion est venue, je pense, du temps que vous employez dans votre phrase; formulée ainsi:

    "Certains m'objecteront que l'animal d'élevage est créé pour être mangé, donc qu'il faut qu'on en mange autrement il ne VIVRAIT pas du tout",

    il me semble qu'elle aurait mieux reflété ce que vous aviez en tête (enfin, ce n'est que mon impression, alors ne vous en formalisez pas, surtout).

    Celà dit, je serais curieux de savoir ce que vous penser des animaux élevés pour leur laine (la tonte n'impliquant pas de tuer l'animal), leur lait ou encore leurs oeufs.
    Pour ma part, je vis dans une région où l'élevage pratiqué est plutôt de type extensif, et les animaux ne me semblent pas malheureux, mais je suppose que ce n'est pas la même chose partout; j'aimerais donc connaître votre point de vue sur le sujet.

    Cordialement.

    Lunamel

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  11. Ma principale opposition face à l'élevage réside dans les piètres conditions de vie que l'on impose aux bêtes. Ainsi, si un animal est bien traité, qu'il est heureux et que l'on ne le tue pas sans raison, je ne vois rien de mal là-dedans. Au contraire, c'est une façon de coexister avec lui; on lui offre notre protection en échange de laine ou d'oeufs.

    Je suis toutefois plus ou moins a l'aise avec le fait d'exécuter l'animal s'il est trop âgé pour continuer de produire. Par exemple, d'abattre la poule aussitôt qu'elle ne pond plus ne m'apparaît pas justifiable éthiquement. Il me semble que si l'on traitait les animaux d'élevage comme on traite nos animaux de compagnie ce serait mieux. Mon chat ne me fournit ni oeufs ni laine et il ne me viendrait pas a l'esprit de l'exécuter pour cette raison.

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/03/deux-betes-deux-mesures.html

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