dimanche 24 mai 2009

Le dictionnaire est-il un livre sacré?

Si vous avez lu ma réflexion sur le «bon parler» et celle sur l'évolution de la langue écrite, vous savez que je ne porte pas dans mon cœur le purisme linguistique. Ici je vais m'attarder plus précisément à faire une critique de cet ouvrage que l'on appelle dictionnaire et qui est la Bible des puristes de la langue.

Je pense que tous seront d'accord avec moi pour dire que le français existait avant l'apparition d'un dictionnaire du français. Et, que ces mêmes dictionnaires francophones ne sont pas conçus à partir du néant mais bien en se basant sur l'usage en vigueur de la langue. Conséquemment, ce ne sont pas les rédacteurs du dictionnaire qui créent la langue et ses lois, ils ne font qu'essayer de les saisir le mieux possible et créent le dictionnaire à partir de leurs observations. Le dictionnaire n'est donc pas un livre sacré et son contenu peut être remis en question, puisqu'il a été écrit par des humains, faillibles comme nous tous, dans un contexte donné, avec un objectif précis. Je ne suis pas en train de rejeter le dictionnaire, je dis seulement qu'il ne faut pas trop lui donner de crédibilité.

Parfois en tentant de donner à un mot sa définition, les académiciens peuvent se tromper. Pourquoi? Parce que la définition de chaque mot doit se faire avec d'autres mots, alors que dans notre tête, la définition des mots est conceptuelle donc pas métalinguistique. Quand je pense au mot «chat» je pense à un chat et pas à «mammifère carnivore de la famille des félidés…» Donc si, par exemple, un mot est défini d'une façon qui ne correspond pas tout à fait à l'usage que j'en fais (et que les autres en font selon moi), je n'ai aucun scrupule à altérer la définition du mot pour l'occasion.

Je trouve que le dictionnaire marginalise la francophonie extérieure à Paris. Les mots languedociens, québécois, acadiens, belges, antillais ou africains – lorsqu'ils sont dans le dictionnaire – sont toujours accompagnés d'une mention précisant leur origine. Certains très répandus dans toute la francophonie (comme le mot «tantôt» pour désigner un moment rapproché dans le temps, futur ou passé) sont exclus du dictionnaire (ou portent le stigmate «vx» ou «anc.») si on ne les utilise pas dans la capitale de l'hexagone. Tandis que le moindre argot parisien est scrupuleusement consigné dans cette bible du langage. Les mots qui sont le plus souvent qualifié d'impropriété sont, comme par hasard, ceux employés dans les anciennes colonies ou dans les classes ouvrières.

Autre problème, les définitions illustrent parfois l'idéologie de ses rédacteurs. Ses opinions religieuses par exemple, ou d'autres biais ethnocentrique. J'y reviendrai plus en détails ultérieurement.

Et, évidemment, le dictionnaire a tendance à diaboliser tout ce qui vient de l'anglais… ou qui a l'air de venir de l'anglais. Les mots d'emprunts des autres langues sont vus comme un enrichissement mais pas ceux de l'anglais. On expulse des mots qui sont depuis longtemps dans notre langue simplement à cause de leur origine douteuse. Par exemple, on ne peut plus dire le mot «opportunité» qui est désormais un anglicisme… malheureusement on n'a pas d'autre mot pour désigner ce concept. Évidemment, ce sont les anglicismes non-parisiens qui sont démonisés. On peut donc dire «week-end» puisque ce mot est employé à Paris et est donc purement francophone, mais on ne peut pas dire «fin de semaine» car c'est un calque de l'anglais «weekend» et donc un anglicisme introduit par les méchants Québécois assimilés.

Bref, pour moi quelqu'un qui prend tout ce qui sort du dictionnaire comme si ça sortait de la bouche d'un dieu, je trouve qu'il est pas mieux qu'un intégriste avec son livre sacré.

Sagesse est incertitude

Le philosophe Socrate (470-399 av. notre ère) disait qu'il était le plus sage non parce que les autres étaient plus ignorants que lui, mais parce que lui n'ignorait pas sa propre ignorance.

Étant le simple fruit de l'évolution et non l'œuvre d'un être transcendantal, notre cerveau n'a pas nécessairement le potentiel de comprendre l'univers dans sa totalité. Il serait même surprenant qu'il le puisse. Si le cerveau du chien ne peut apprendre la biologie moléculaire ou la plomberie, il y a certainement des choses qui seront à jamais hors de portée du cerveau humain. Nous ne pouvons bien sûr pas savoir quand nous serons rendu aux limites de notre science, mais il est clair que même si beaucoup de questions trouveront peut-être leur réponse un jour, il y en a beaucoup qui demeureront sans réponse... soit parce que nous n'aurons pas le temps d'y répondre avant notre extinction, soit parce que nous ne sommes pas suffisamment équipés cérébralement pour comprendre cette réponse.

Comme je vous le disais dans ma réflexion sur le réel, je pense que la Vérité - avec un grand «V» - n'est qu'un idéal inatteignable et que notre conception du monde n'est rien de plus qu'un système de représentations. En ce sens on peut dire que je suis sceptique ou agnostique*. Mais je pense tout de même que certaines façons de nous représenter le monde se rapprochent davantage que d'autres du monde tel qu'il est vraiment; je prône donc davantage le scepticisme scientifique que le scepticisme philosophique. La vérité empirique a beau être asymptotique, on peut essayer de s'en rapprocher autant que possible.

La méthode scientifique est sans doute le meilleur outil dont dispose l'humain pour se représenter la réalité de la manière la plus conforme possible à ce qu'elle est vraiment. Elle nous permet d'établir des prédictions sur les conséquences de nos actes et de ce qui nous entoure. C'est, à mon sens, le seul niveau de réalité qu'il est désirable d'atteindre.

Lorsqu'une personne prétend avoir vécu une histoire incroyable (enlèvement par des extraterrestres, conversation avec Dieu, projection astrale, etc.), la question n'est pas «Est-ce vrai?» mais plutôt «Est-ce scientifiquement vérifié?» Ce qui est contredit ou qui ne peut être affirmé par l'expérimentation scientifique n'est pas nécessairement «faux» mais ne peut tout simplement pas s'incorporer à notre modèle de la réalité. On peut laisser ces croyances ou ces événements anecdotiques «en suspends» en espérant avoir un jour une confirmation officielle de leur véracité ou de leur fausseté, mais il est toutefois plus sage de ne pas cumuler ainsi trop de «pollution intellectuelle» et de rejeter les hypothèses non-démontrées.

Pour ma part, de même que mon niveau de croyance le plus élevé ne demeure que «théorique» (je pourrais me réveiller demain matin dans un autre corps et constater que toute ma vie n'était qu'un rêve… mais, en attendant, je «fais comme si» j'étais dans la réalité), mon plus haut niveau d'incroyance est, disons, agnostique ou sceptique (peut-être qu'en mourant je vais rencontrer St Pierre qui me fera faire une visite guidé du Paradis avec des petits bébés anges tout-nus qui jouent de la harpe et Descartes qui joue à la pétanque avec Jimi Hendrix… mais, en attendant, je «fais comme si» ça n'arriverait pas).

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* Le terme «agnosticisme» réfère généralement, dans le langage courant, à l'idée selon laquelle on ne peut se prononcer sur l'existence de Dieu (et souvent, implicitement, qu'il a donc une chance sur deux d'exister). Pour ma part, j'estime que le concept de Dieu, tout comme le géocentrisme et le farfadet, ne dispose pas des preuves nécessaires pour entrer dans le modèle scientifique de l'univers. Il est donc à mon plus haut niveau d'incroyance.

Les dieux de chair venus de l'espace

J'ai lu pour la première fois le livre Présence des extraterrestres d'Erich Von Däniken (1935-...) lorsque j'avais quatorze ans. J'étais athée depuis l'âge de dix ans et ce traité m'offrait une explication alternative sur les mythes, plutôt que de leur attribuer une cause surnaturelle. En effet, la thèse de Von Däniken est que des extraterrestres intelligents visitent la Terre depuis des millénaires et qu'ils sont les dieux et autres créatures mythiques dont nous parlent les anciens. Toutes les créatures bizarres du folklore mythologiques seraient en fait la perception qu'avaient les humains primitifs de la technologie avancée des extraterrestres. Les pyramides, les cromlechs et les géoglyphes auraient tous étés conçus par les extraterrestres ou par des humains à leur service. L'humanité aurait même été crée par des accouplements entre les extraterrestres et les singes. Ces hypothèses furent également avancées par d'autres ésotériques de même farine, tels que Jean Sendy et Robert Charroux (1909-1978).*

Au début, cela m'apparût en partie sensé. Évidemment, je n'avais que quatorze ans à l'époque. Aujourd'hui, je n'adhère bien sûr plus à de telles sornettes. Non seulement parce que l'éventualité d'une technologie avancée dans un lointain passé n'implique pas qu'elle soit l'œuvre d'extraterrestres (après tout, si nous avons pu inventer l'avion et la télévision, ces ancêtres – qui nous sont génétiquement identiques – auraient pu y parvenir aussi) mais, aussi, parce qu'il n'est pas nécessaire d'invoquer une haute technologie pour expliquer les merveilles de l'Antiquité et de la Préhistoire. On sait maintenant comment furent construites les pyramides et les statues de l'île de Pâques, sans avoir besoin de grues ou de télékinésie. Également, l'hypothèse créationniste comme quoi le monde, ou seulement l'humanité, fut créé par les extraterrestres par hybridation avec eux-mêmes ou via d'autres manipulations génétiques, ne tient pas la route. L'évolution des hominidés est suffisamment bien documentée et s'est faite suffisamment lentement et progressivement pour que l'on puisse écarter l'hypothèse d'une conception intelligente, qu'elle soit divine, extraterrestre ou autre.

Certaines religions modernes prétendument athées vénèrent des extraterrestres au lieu des dieux immatériels (raéliens, scientologie, etc.). Personnellement, je considère que ces extraterrestres entrent parfaitement dans la définition de « dieux » et donc que l'on ne peut pas dire que les Raéliens sont athées. Anthropologiquement parlant, un dieu est un être surhumain mais il n'est pas nécessaire qu'il soit surnaturel. Ils sont décrits comme des êtres plus avancés que nous, qui ont créés l'humanité (avec des manipulations génétiques), qui peuvent lire nos pensées (via une fictive technologie de télépathie) et qui nous promettent l'immortalité (grâce au clonage). Par ailleurs, toutes les croyances et les pratiques qui entourent cette foi envers les extraterrestres sont analogues à celles que l'on retrouve dans les grandes religions.

Évidemment, selon le principe de parcimonie, la foi en des civilisateurs extraterrestres est moins absurde que celles en des dieux ou autres agents surnaturels puisqu'elle implique une moins grande transgression des lois de la physique. Toutefois, elle demeure tout de même dans le domaine du fantasme et non dans celui de la science. Bien que les croyants de ces cultes ufologiques prétendront que leur religion est « scientifique », elle ne peut en aucun cas revendiquer ce titre. L'astuce est de mélanger des faits scientifiques avec des spéculations métaphysiques ou, simplement, de saupoudrer de termes issus de la science une réflexion totalement obscurantiste. Pour fonctionner, ces religions se basent – comme toutes les autres – sur la foi aveugle des disciples envers les paroles de leur maître, et non sur une démonstration scientifique de la véracité de leurs dires. Toute remise en question de la parole du prophète est interdite.

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*Pour Robert Charroux, le passage du singe à l'humain Noir relevait de la sélection naturelle, mais le passage de l'humain Noir à l'humain Blanc ne pouvait qu'être le fruit d'une manipulation génétique extraterrestre. Ce n'est donc pas l'intelligence qui est incroyable, mais la pigmentation! Sérieusement, son flagrant racisme est clairement dû à son ignorance et à son époque.

La hiérarchie sociale

Je vois mon patron, non pas comme «mon supérieur» mais simplement comme un individu avec qui j'ai une transaction. Je lui vends ma force de travail en échange d'un salaire. Ce contrat qui nous unis peut impliquer certaines clauses secondaires, restrictives pour moi. Par exemple, m'imposer un horaire, un code vestimentaire, etc. Mais, fondamentalement, je vois comme mes égaux ceux qui se disent «au-dessus» de moi de même que ceux qui se disent «en-dessous».

Il n'y a pas de haut et de bas, seulement des rapports de pouvoir. Si la gouverneur générale est théoriquement «au-dessus» des élus, je ne pense pas que, si elle s'essayait, les élus la laissent leur imposer sa volonté. De la même façon, si les élus sont «au-dessus» des chefs d'entreprise, je ne pense pas qu'ils puissent tenter quoique ce soit qui irait à l'encore de la volonté des plus puissantes entreprises. Ce qui compte vraiment n'est donc pas la «hauteur» d'une personne à l'intérieur d'un organigramme quelconque, mais bien son pouvoir. Si un employé est le seul qui sache faire son travail et qu'il ne tient pas particulièrement à son poste, alors c'est lui qui a le gros bout du bâton par rapport à son patron.

Quand on prend compte de ce qu'est la hiérarchie en réalité, il y a certains biais que l'on évite. Par exemple, ceux qui veulent que le patron ait le plein pouvoir sur ses employés. Le dogme du «le client a toujours raison», vient de cette idée de hiérarchie entre le client et l'employé. Pour moi, il n'y a aucune justification éthique à ce que celui qui se prétend «en haut de l'échelle» fasse passer ses caprices personnels avant les besoins fondamentaux de ceux qu'ils considèrent «en-dessous» de lui-même. Les êtres doivent avoir des droits en fonction de leurs attributs individuels et non selon leur classement dans un ordre hiérarchique quelconque.

Critique du calendrier grégorien

Il y en a qui diront que je chiale pour rien et que je remets toujours tout trop en question, mais je trouve personnellement que notre système de calendrier est absurde. Si j'en avais le pouvoir, je le réformerais comme suit :

Ma première critique est sur le jour de l'an. Je trouve ridicule que notre premier jour de l'année soit positionné à un endroit aussi arbitraire. L'année devrait commencer à un point important de la révolution terrestre. Je propose donc de décaler d'une dizaine de jours le jour de l'an pour que l'année commence au solstice d'hiver. Le solstice d'été, l'équinoxe de printemps ou celui d'automne auraient pu également être des bons jours de l'an.

Ensuite, à propos de la durée des mois. Je trouve agaçant que certains mois aient plus de jours que d'autres. On est toujours à se demander s'il y a ou non un 31 ce mois-ci et c'est une perte de temps. Je propose donc que nos douze mois fassent tous exactement trente jours de long. Évidemment, cela ne ferait que 360 jours dans l'année, alors que la révolution terrestre est de 365¼ jours. Pour compenser, je suggère que les solstices et les équinoxes soient des journées intercalaires, entre deux mois, et non dans un mois. Donc entre mars et avril, entre juin et juillet, entre septembre et octobre ainsi qu'entre décembre et janvier, on retrouverait, sur nos calendrier, une case supplémentaire (positionnée, disons, sur la page du mois suivant mais au-dessus et en-dehors de la grille mensuelle) pour ce jour. On ajouterait, en plus, une autre journée intercalaire la veille du solstice hivernal, que l'on appellerait simplement «jour de l'an». Cela nous donne donc bel et bien 365 jours. On rajouterait, une fois tous les quatre ans, une journée intercalaire la veille du jour de l'an pour former l'année bissextile.

Également, sur le cycle des semaines. Je trouve que c'est une autre perte de temps que d'avoir à se demander « Coup don, le 25 du mois prochain ça tombe-tu un lundi ça? ». Le cycle des semaines devrait être en phase avec celui des mois et celui des ans. Je propose donc de réduire les semaines à six jours pour qu'elles soient un multiple de trente, le nombre de jour par mois. Ainsi, le 1, le 7, le 13, le 19 et le 25 seraient toujours des lundis. Évidemment, il faudrait que les jours intercalaires soient hors du cycle des semaines. On pourrait les considérer comme un jour de plus dans la fin de semaine. Autre avantage : des semaines de six jours (quatre jours ouvrable plus deux jours de fin de semaine) seraient probablement moins pénibles pour les travailleurs que des semaines de sept.

Finalement, à propos de l'an 0. Je trouve que c'est très non-laïque que de baser notre année zéro sur la date hypothétique de la naissance du soi-disant messie des chrétiens. Je propose d'aligner notre année zéro sur un événement plus important. Personnellement, je choisirais l'invention de l'écriture car c'est le point qui sépare l'Histoire de la Préhistoire. Nous n'utiliserions donc plus l'ère chrétienne, mais l'ère historique. Au lieu de dire «avant Jésus-Christ» (av. J.-C.) et «après Jésus-Christ» (apr. J.-C.), ce serait «avant l'Histoire» (av. l'H.) et «de l'Histoire» (de l'H.). Évidemment, la date d'invention de l'écriture étant plus lointaine, elle est encore plus difficilement devinable que celle de la naissance de Jésus, mais l'on pourrait fixer notre an 0 dans les alentours présumés de cette invention, sans prendre ça trop au sérieux et sans avoir pour idée de modifier notre an 0 encore une fois si jamais l'on découvre, par exemple, une tablette d'écrits plus anciens. On pourrait l'enligner pour qu'un ou plusieurs événements historiques importants tombent l'année d'un chiffre rond. Par exemple, considérer que l'invention de l'imprimerie mécanique en 145o de notre ère est comme une réédition de l'invention de l'écriture (que l'on aimerait prendre pour zéro) et donc y fixer l'an 5000 de l'Histoire pour que le zéro tombe en 3550 av. notre ère ce qui est proche de la date estimée de l'invention de l'écriture. Ou encore, simplement ajouter une quantité ronde d'ans à l'ère commune pour que les deux derniers chiffres de l'année restent les mêmes.

Et ce n'est pas seulement pour une question de laïcité que je propose de faire commencer notre compte des années à une date plus ancienne. Je pense que le point 0 d'un calendrier devrait être un point de rupture important séparant deux époques (bien que les époques soient elles-mêmes fixées arbitrairement dans le continuum temporel). Intuitivement, il me semble qu'une personne dont on se souvient du nom ou qu'un événement dont on peut fixer la date exacte ne devraient pas se trouver dans les négatifs. L'avant zéro devrait être une période obscure dont on ne peut que déduire des choses (par nos découvertes archéologiques, paléontologiques, géologiques, etc.) mais dont la mémoire collective (les écrits et la tradition orale) n'a aucun souvenir autres que des mythes fantaisistes déformant ou occultant la réalité. Conséquemment, reculer notre zéro de 3000 ou 4000 ans m'apparaît logique.

Voilà. C'était ma réforme suggérée pour notre système calendaire. Et encore, je me suis retenu! Sinon je vous aurais probablement proposé de nommer les mois selon ceux du calendrier révolutionnaire français et de changer également les noms des jours de la semaine. C'était juste pour le plaisir, en passant, je n'ai ni le pouvoir ni le désir de mettre ce calendrier en pratique. D'autant plus que les coûts reliés à son implantation seraient probablement trop élevés pour compenser sur ses avantages certains...

(Réédité par Feel O'Zof le 18 juin 2009)

lundi 18 mai 2009

J'aurais pu être prêtre…

Je me dis souvent que, si j'avais vécu au Moyen-Âge en Europe, je serais certainement devenu prêtre ou moine. Ç'aurait été la seule façon pour moi d'échapper aux travaux manuels et de faire usage de mon intellect. D'ailleurs, des fonctions telles que celle de confesseur (version primitive du psychologue) ou simplement de faire un sermon aux foules, m'auraient beaucoup plût. Évidemment, il y aurait eu des inconvénients (le vœu de célibat c'est pas si pire, mais le vœu de chasteté…) mais il aurait sans doute été faisable de déroger discrètement à ces règles arbitraires sans qu'on ne me pogne.

Il ne faut pas oublier qu'à l'époque – que ce soit chez les chrétiens, les juifs ou les musulmans –, pratiquement tous les intellectuels appartenaient aux ordres religieux. La théologie, la métaphysique et la connaissance des écritures sacrées étaient des disciplines au même titre que la médecine et l'astronomie. À un moment donné, face au dédain des grandes religions envers la nouveauté et la remise en question des idées reçues, les sociétés ont du se séculariser pour poursuivre leur progrès scientifique. Les savants devinrent donc des laïcs très souvent persécutés par le clergé, mais leurs apports a toujours fini par être reconnu par les ecclésiastes, habituellement longtemps après avoir acquis l'approbation populaire.

Je me dis que les choses auraient pu être différentes. Aurait-il été possible, pour une religion moins dogmatique et plus scientifique, d'occuper la niche sociologique du christianisme dans l'Empire Romain ou de l'islam dans l'Empire Ottoman? Imaginons le clergé comme une institution qui rechercherait sincèrement la vérité. Remplaçons les confesseurs par des psys et les prêcheurs par des vulgarisateurs scientifiques. Transposons notre émerveillement face au miracle de la transsubstantions par un émerveillement devant les réalités scientifiques. Bref, imaginons que l'institution qu'est le clergé ait été, depuis le début, axée sur des bases progressistes et humbles permettant l'évolution constante de notre rapport au monde et à nous-mêmes, à la lumières des nouvelles données, sans demeurer fixée éternellement sur les bases d'écritures obsolètes. Dans cette uchronie, de quoi aurait l'air la religion aujourd'hui?

Je me dis que science et religion serait alors totalement imbriquée; leur schisme n'ayant jamais eu lieu d'être. La science ferait partie de l'institution religieuse et les deux parties tireraient bénéfice de cette symbiose. L'apport de la science aurait influencé les autres sphères du religieux, tels que l'éthique, de sorte que les tabous et les interdits arbitraires seraient probablement disparus. Les valeurs comme l'égalité sociale et l'environnement auraient certainement préoccupées le clergé autant qu'elles préoccupent les philosophes et les scientifiques dans notre réalité. Bref, si la science avait été notre religion, je pense que j'aurais pu être prêtre…


mardi 12 mai 2009

La soi-disant solidité de la morale divine

Beaucoup de croyants argueront contre les valeurs morales laïques qu'elles sont «trop souples», c'est-à-dire que l'individu peut les plier comme il veut pour justifier ce qu'il veut. Leurs valeurs morales religieuses, supposément fondées sur la parole d'un dieu, sont à leurs yeux plus solides puisque «absolues». La parole divine étant un pilier inébranlable, un consensus entre individus est au contraire plus fragile.

Même si à première vu ce raisonnement se tient, il s'effondre quand on y pense plus à fond. D'ailleurs, la fragilité des valeurs religieuses est démontrée chaque jour tout autour de nous. Il y a plusieurs religions ayant chacune une éthique différente. Une personne pourrait, à sa guise, changer de religion pour adopter une éthique servant mieux ses intérêts égoïstes. Par ailleurs, les croyants modérés n'adhèrent pas intégralement à leurs propres écritures sacrées. Ils pigent, à leur discrétion, les passages qu'ils considèrent comme «vrais» et rejettent, tout aussi arbitrairement, ceux qu'ils considèrent comme des «symboles» ou des «mauvaises transcriptions de la parole divine».

Il me semble que cela démontre clairement qu'une morale «divine» n'a rien d'absolue; la diversité des opinions morales de ceux qui s'en réclament en est un symptôme flagrant. Si l'un dira qu'il s'oppose au meurtre sur la base des «Saintes Écritures», il oubliera sélectivement que ces mêmes écritures sont opposées à la liberté de culte et à l'homosexualité, et qu'elles permettent et encouragent des pratiques comme l'esclavage et le sexisme. Vraisemblablement, celui qui dit tirer sa moralité de la Bible utilise un critère extérieur pour choisir ce qu'il en tire et ce qu'il délaisse. Ce critère, quel qu'il soit, mérite plus d'être appelé «pilier de son éthique» que la Bible elle-même (qui devient un intermédiaire inutile).

En comparaison, une éthique basée sur des raisonnements m'apparaît nettement plus solide. Pour déroger à ses prescriptions, il faut pouvoir démontrer rationnellement qu'elles sont infondées ou qu'elles ne s'appliquent pas à notre situation spécifique. Même si on ne peut pas les qualifier «d'absolues», des valeurs morales fondées sur la raison me semblent plus objectives que celles qu'un croyant modéré aura sélectionnées dans un livre sacrée quelconque en suivant son intuition personnelle.

L'instinct

J'ai réfléchi sur l'instinct des animaux. Je me suis demandé ce que ressentait au juste l'animal lorsqu'il suit son instinct. Se sent-il «esclave» de celui-ci, comme on pourrait le croire en lisant certains philosophes? Est-ce plutôt comme un savoir ou un souvenir avec lequel il viendrait au monde?

L'erreur que l'on fait c'est encore de voir l'animal comme quelque chose de foncièrement différent de l'humain (raisonnement spéciste). Mais tout est en continu. Un organe complexe hyperspécialisé chez une espèce aura un analogue atrophié chez une autre. Nous avons donc sûrement en nous des vestiges d'instincts sous-développés.

Par exemple, le fait que l'on considère comme attirante l'odeur des fruits pourrait être considéré comme un proto-instinct nous dictant de manger des fruits. Le fait d'être répugné par l'odeur de nos excréments amène le comportement d'enfouir (ou de flusher) ces derniers. Le fait que la viande crue soit répugnante mais que la cuite soit attirante impose le comportement de cuisson de la viande. Et ainsi de suite.

L'animal vît sûrement son instinct de la même façon. Sauf qu'il ressent l'envie viscérale de faire quelque chose de plus précis et compliqué. Par exemple, l'oiseau va se dire «Tiens, j'ai le goût de ramasser des petites branches et de les rassembler pour construire un nid!» Mais encore là, le produit final de son œuvre, ainsi que sa fonction, ne sont peut-être pas «prémédités» par la conscience de l'animal. Disons qu'en voyant un arbre, le castor se dise «Je feelerais pour gruger moi-là…» et qu'en voyant l'arbre tombé sur le sol, il se dise «Il me semble que je le garocherais dans l'eau!» et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ait construit son barrage. Même chose pour l'araignée qui n'a sans doute pas en tête un plan détaillé de sa toile avant de la construire mais qui, à chaque fois qu'elle y place un fil, ne fait que réagir intuitivement à l'agencement des autres fils déjà en place.

Bref, un comportement instinctif serait en fait composé d'une série d'actes impulsifs (les bêtes n'ayant pas de conventions culturelles pour les inhiber). Chacun d'entre eux étant déclenché par l'accomplissement du précédent, et le tout étant programmé par la sélection naturelle pour accomplir une tâche complexe bénéfique pour la propagation des gènes de l'individu. Ce dernier percevrait son comportement instinctif comme un geste spontané qu'il accomplit en toute liberté.

Tu ne tueras point

Durant mes réflexions sur l'éthique, je n'ai pas réussi à trouver pourquoi le meurtre serait un mal en soi. Bien sûr, je n'ai pas de difficulté à percevoir le mal qu'il y a autour d'un meurtre. Par exemple, dans la souffrance que ressent la victime lorsqu'elle anticipe son sort, et évidemment dans celle de ses proches endeuillés. Mais, prise isolément, la mise à mort elle-même me semble plus difficile à condamner. Étant donné que la mort n'est rien pour nous, le fait de la donner n'est ni un mal, ni un bien.

Si nous étions tous virtuellement immortels et que seul un accident ou un meurtre pouvait mettre fin à nos jours, alors l'acte de tuer aurait une portée différente. En assassinant quelqu'un, je serais responsable de sa mortalité et je lui enlèverais les innombrables potentialités qui lui restaient à vivre dans son existence sans fin. Dans notre monde où la mort est obligatoire, tuer ne fait que rapprocher l'inévitable. Le meurtrier n'est pas responsable du fait que sa victime soit mortelle; même s'il est la cause de sa mort, sans son intervention, elle serait tout de même morte un jour où l'autre.

Je me suis dis que le mal dans l'acte de tuer résidait dans le fait que l'on privait un être de toutes les expériences agréables qui lui restait à vivre. Cela implique que, dans une situation où l'on pourrait présumer avec un taux de certitude suffisant qu'une personne va souffrir pour le restant de son existence, la tuer (l'euthanasier) n'est plus un mal mais un bien.

Je ne suis pas sûr mais il me semble que pour que l'on puisse voir du mal dans le meurtre il nous faut de la souffrance. Il faudrait donc que, dans les instants précédant son décès, la victime prenne conscience du fait que sa mort est imminente pour qu'elle puisse souffrir du fait de ne pas pouvoir vivre tout ce qu'elle voulait vivre. Sinon, c'est un peu comme voler une personne sans qu'elle ne s'en aperçoive ni ne manque de ce qu'on lui a pris. «Ce qu'on ne sait pas ne fait pas mal.» S'il n'y a aucun moment dans son existence où la victime souffre de son meurtre, d'un point de vue utilitariste, il n'y a aucun mal pour elle.

Pour isoler le meurtre de ses conséquences secondaires, imaginons une situation hypothétique improbable. Imaginez que je tue une personne si rapidement qu'elle n'a pas le temps de souffrir ni même de se rendre compte qu'elle meure. Présumons que cette personne n'a pas non plus pu anticiper mon geste d'aucune façon que ce soit. Finalement, prenons pour acquis que cette personne n'avait aucun proche d'aucune sorte et que nul ne s'aperçoive jamais de son décès. Dans cette situation «idéale», élaguée de toute souffrance collatérale, il ne semble y avoir rien de mal dans mon meurtre. Toutefois, la gratuité d'un tel geste me révulse intuitivement…

Piquer c'est voler!

Je vais faire la démonstration que voler c'est mal. Je ne pense pas que personne soit en désaccord avec moi, mais je tiens à montrer en quelles circonstances c'est éthiquement inacceptable et pourquoi.

Si je vole une personne, le simple fait qu'elle s'aperçoive qu'on la vole lui cause une souffrance donc mon geste est déjà répréhensible. Mais supposons que je parvienne à lui dérober de l'argent sans qu'elle ne s'en aperçoive, elle ne subira pas la souffrance de se sentir lésée. Par contre, si elle n'arrive plus à se payer ce dont elle a besoin parce qu'elle n'a plus l'argent que je lui ai pris, alors on peut dire que je lui aurai causé de la souffrance – même si elle ne s'est pas aperçu de mon vol – et donc que mon geste était répréhensible. Et je dirais même plus, je pense que même si une personne n'est pas à la limite du seuil de pauvreté, la déposséder de son argent constitue un mal.

Lorsqu'une personne travaille dans le but d'obtenir le fruit de son labeur ou un salaire, elle s'impose une «souffrance» (le travail) en échange d'un bonheur (le salaire). On peut donc assumer que cette équation est suffisamment équilibrée ou penchée du côté du bonheur pour que l'individu accepte de subir la souffrance qu'elle contient. Voler cet individu c'est réduire le niveau de bonheur dans cette équation et, indirectement, c'est créer de la souffrance. Même si la personne ne réalise pas qu'on la vole et même si la perte de cet argent ne constitue pas une souffrance concrète, c'est comme si l'on avait créé une part de la souffrance composant son travail en lui retirant le bonheur qui servait à la compenser. Ainsi, sans avoir besoin de considérer des valeurs telles que «le mérite» ou «la justice», l'acte de voler est mal même si on s'en tient strictement aux variables de l'éthique utilitariste (le bonheur et la souffrance).

Évidemment, si c'est là que réside le mal dans l'acte du vol, cela peut justifier le vol dans certaines occasions ou, du moins, en réduire la gravité.

vendredi 1 mai 2009

Les cellules souches

Bravo au Président Barack Obama (né en 1961) pour avoir finalement permis le financement par l'État de la recherche sur les cellules souches.

Cette merveilleuse technologie nous permettrait de remplacer la greffe d'organe d'un donneur (qui nécessite l'absorption d'immuno-suppresseur donc rend la personne excessivement vulnérable aux maladies) et de régénérer des neurones (donc de guérir les aveugles ou les paralysés en reconnectant leurs nerfs sectionnés). En clonant des parties du corps on peut créer des «pièces de rechange» pour notre organisme et ainsi les réparer beaucoup plus efficacement.

Actuellement, la législation dans ce domaine est paradoxale et nuisible. Il est permis d'avorter un embryon de trois mois si c'est parce que la mère n'en veut pas, mais il est interdit d'avorter un ovocyte d'une journée si c'est pour rendre la vue à un aveugle. Dans les cliniques de fertilité, on détruit régulièrement des ovocytes surnuméraires alors que l'on pourrait les utiliser pour sauver des vies.

Ce genre d'aberrations survient, entre autres, parce que les obscurantistes religieux ont gagné leur bataille contre le clonage mais pas celle contre l'avortement ou contre la procréation assistée. Lorsque le clonage thérapeutique sera mieux connus du public, il est fort à parier que les objections tomberont. Il n'y aura plus que les «pro-vies» qui s'opposeront à cette pratique car pour eux laisser mourir un humain est moins pire que de «tuer» un amas de cellules indifférenciées. Toutefois, il y a une autre objection que l'on entend parfois…

Certains considèrent que le clonage thérapeutique «chosifie» ou «instrumentalise» l'humain et trouvent que c'est mal. Bref, au nom du caractère sacrée de la vie humaine, ils laissent des êtres humains souffrir et mourir. Cela me rappelle l'époque où l'humain était tellement sacralisé que l'on ne pouvait même pas disséquer un cadavre pour étudier le fonctionnement de l'organisme. Des savants, tel que le génie Léonard Da Vinci (1452-1519), devaient déterrer les corps des cimetières pendant la nuit pour les étudier clandestinement. C'est ainsi que la médecine a pu progresser. On peut sauver des vies humaines si l'on sacrifie des cadavres et des embryons.

Selon mon éthique personnelle, laisser quelqu'un souffrir c'est mal, mais utiliser un ovocyte pour cultiver des cellules souches et ainsi sauver une vie, c'est bien! Un jour il faudra accepter pour de bon que nos corps sont «mécaniques» et qu'on peut donc les étudier, les utiliser ou les réparer. Rien n'est sacré.

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Lecture complémentaire : Du côté des cellules souches... (sur radio-canada.ca)

La tragique histoire de l'île de Pâques

Durant mon bacc en anthropologie, on nous a enseigné l'histoire de cette île mystérieuse. Je la trouve particulièrement significative, alors permettez-moi de la partagez avec vous.

L'île de Pâques est isolée au beau milieu du Pacifique à des kilomètres de toute autre terre émergée. Ses premiers habitants humains s'y installèrent probablement aux alentour de l'an 1000. D'après leur langue, on présume qu'il s'agissait de navigateurs polynésiens ayant traversé le Pacifique en radeaux. Pour s'être rendu aussi loin de leur archipel, ils ont dû se perdre en mer. Mais ils trouvèrent heureusement cette île peuplée d'oiseaux et d'une luxuriante végétation.

Leur société tribale prospéra sur l'île. Ils avaient accès à de nombreuses ressources. La forêt les alimentant en fruits et en gibiers, en plus de leur fournir du bois. L'océan tout autour d'eux leur permettait d'aller pêcher poissons et mollusques.

Une nouvelle religion vît le jour, et ses principaux objets de culte étaient ces statues géantes qui font la célébrité de l'île de Pâques. Les Pascuans taillaient les statues dans la carrière, au centre de l'île, puis les faisait rouler sur des billots de bois pour les emporter sur la plage où ils les alignaient côte à côte, le regard tourné vers l'océan. Ils devaient couper régulièrement de nombreux arbres pour fabriquer ces tapis roulants… jusqu'à ce qu'ils coupent le dernier arbre!

Avec la disparition de la forêt, les oiseaux abandonnèrent l'île. Sans bois pour fabriquer des radeaux, les Pascuans ne pouvaient plus aller pêcher dans l'océan et se voyaient définitivement prisonnier de leur île. Ils n'avaient pratiquement plus aucune ressource alimentaire. Affamés, ils devinrent la seule société humaine connue qui se tourna vers le cannibalisme pour subsister. Les différentes tribus s'attaquaient les uns les autres pour s'entredévorer. L'ordre social se rétablit progressivement mais en incluant les pratiques comme le cannibalisme et en perdant des acquis tels que l'écriture.

On peut dire que cette île isolée – complètement coupée du monde jusqu'à l'arrivée des Hollandais en 1722 – a constituée une sorte de microcosme de l'ensemble de la Terre. Si l'on continue de consommer exagérément nos ressources et de souiller notre environnement, notre destin sera le même que celui des Pascuans.

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Lecture complémentaire : The Mystery of Easter Island (BBC)