dimanche 24 mai 2009

Le dictionnaire est-il un livre sacré?

Si vous avez lu ma réflexion sur le «bon parler» et celle sur l'évolution de la langue écrite, vous savez que je ne porte pas dans mon cœur le purisme linguistique. Ici je vais m'attarder plus précisément à faire une critique de cet ouvrage que l'on appelle dictionnaire et qui est la Bible des puristes de la langue.

Je pense que tous seront d'accord avec moi pour dire que le français existait avant l'apparition d'un dictionnaire du français. Et, que ces mêmes dictionnaires francophones ne sont pas conçus à partir du néant mais bien en se basant sur l'usage en vigueur de la langue. Conséquemment, ce ne sont pas les rédacteurs du dictionnaire qui créent la langue et ses lois, ils ne font qu'essayer de les saisir le mieux possible et créent le dictionnaire à partir de leurs observations. Le dictionnaire n'est donc pas un livre sacré et son contenu peut être remis en question, puisqu'il a été écrit par des humains, faillibles comme nous tous, dans un contexte donné, avec un objectif précis. Je ne suis pas en train de rejeter le dictionnaire, je dis seulement qu'il ne faut pas trop lui donner de crédibilité.

Parfois en tentant de donner à un mot sa définition, les académiciens peuvent se tromper. Pourquoi? Parce que la définition de chaque mot doit se faire avec d'autres mots, alors que dans notre tête, la définition des mots est conceptuelle donc pas métalinguistique. Quand je pense au mot «chat» je pense à un chat et pas à «mammifère carnivore de la famille des félidés…» Donc si, par exemple, un mot est défini d'une façon qui ne correspond pas tout à fait à l'usage que j'en fais (et que les autres en font selon moi), je n'ai aucun scrupule à altérer la définition du mot pour l'occasion.

Je trouve que le dictionnaire marginalise la francophonie extérieure à Paris. Les mots languedociens, québécois, acadiens, belges, antillais ou africains – lorsqu'ils sont dans le dictionnaire – sont toujours accompagnés d'une mention précisant leur origine. Certains très répandus dans toute la francophonie (comme le mot «tantôt» pour désigner un moment rapproché dans le temps, futur ou passé) sont exclus du dictionnaire (ou portent le stigmate «vx» ou «anc.») si on ne les utilise pas dans la capitale de l'hexagone. Tandis que le moindre argot parisien est scrupuleusement consigné dans cette bible du langage. Les mots qui sont le plus souvent qualifié d'impropriété sont, comme par hasard, ceux employés dans les anciennes colonies ou dans les classes ouvrières.

Autre problème, les définitions illustrent parfois l'idéologie de ses rédacteurs. Ses opinions religieuses par exemple, ou d'autres biais ethnocentrique. J'y reviendrai plus en détails ultérieurement.

Et, évidemment, le dictionnaire a tendance à diaboliser tout ce qui vient de l'anglais… ou qui a l'air de venir de l'anglais. Les mots d'emprunts des autres langues sont vus comme un enrichissement mais pas ceux de l'anglais. On expulse des mots qui sont depuis longtemps dans notre langue simplement à cause de leur origine douteuse. Par exemple, on ne peut plus dire le mot «opportunité» qui est désormais un anglicisme… malheureusement on n'a pas d'autre mot pour désigner ce concept. Évidemment, ce sont les anglicismes non-parisiens qui sont démonisés. On peut donc dire «week-end» puisque ce mot est employé à Paris et est donc purement francophone, mais on ne peut pas dire «fin de semaine» car c'est un calque de l'anglais «weekend» et donc un anglicisme introduit par les méchants Québécois assimilés.

Bref, pour moi quelqu'un qui prend tout ce qui sort du dictionnaire comme si ça sortait de la bouche d'un dieu, je trouve qu'il est pas mieux qu'un intégriste avec son livre sacré.

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