samedi 1 août 2009

La nature n'a pas de but

Je vous ai déjà expliqué que la nature n'est pas une personne et que l'évolution des vivants se faisait selon les principes aveugles de la sélection naturelle. Je remarque toutefois que, dans le langage courant, les expressions sont connotées d'une dimension téléologique qui n'existe pas empiriquement. Par exemple, prenez la phrase suivante :
«Le pancréas sert à produire l'insuline pour digérer les sucres.»

Bien qu'il ne s'agisse que d'un commode raccourci verbal, la formulation sous-entend une sorte de but et d'intention dans la fonction des organes, comme dans les composantes d'une machine. Comme si un concepteur avait placé le pancréas dans notre abdomen pour que l'on puisse digérer les sucres. Or, il n'y a pas de concepteur donc pas de finalité. Une formulation plus appropriée serait: «Le pancréas produit de l'insuline ce qui permet de digérer les sucres.»

L'usage de cette terminologie dans des contextes visant à dévaloriser un comportement jugé «contre-nature» est particulièrement ridicule. Par exemple, réprouver la sodomie en arguant que les organes impliqués dans cette action «ne servent pas à ça» est un abus de langage. Si les premiers tétrapodes s'étaient dit : «Les membres ça sert à nager dans l'eau, pas à marcher sur la terre!» nous serions toujours des poissons. C'est la même chose avec des termes comme «déviance», «malformation» ou «retard mental». Ils impliquent qu'il y a une norme que l'individu devrait suivre, ou un but vers lequel il devrait se diriger, mais qu'il s'en éloigne.

Aucun organe ne «sert» à quoique ce soit. Les organes font des choses, par eux-mêmes ou sous nos commandements, qui ont des conséquences, positives ou négatives. Si l'action d'un organe s'adonne à favoriser la transmission des gènes de l'individu, elle sera sélectionnée par l'évolution, d'où l'illusion de finalité quand un organe remplit sa «fonction». Mais, le bonheur d'un individu est plus important que la transmission de ses gènes. Et, notre corps sert à faire ce qu'on en fait. La question n'est donc pas «Cet organe sert-il à ça?» mais plutôt «Utiliser cet organe de cette façon a-t-il des conséquences positives sur mon bonheur ou sur celui d'autrui?»

4 commentaires:

  1. Salut :-)

    Ce n'est pas clair, je ne vois pas la différence entre "le pancréas sert à produire de l'insuline pour digérer les surces" et "le pancréas produit de l'insuline ce qui permet de digérer les sucres". D'abord parce que dans les deux cas le glucose est essentiel, ensuite parce que la notion de permission renvoit à un geste intentionné, voir prémédité. Le "pour" est implicite dans la deuxième tournure de phrase grâce au verbe "permettre" et le résultat toujours le même.

    Pour prouver que le pancréas ne sert à rien il faudrait prouver que l'insuline n'existe pas et/ou que le corps ne retire aucune énergie du glucose et que donc il est inutile de métaboliser les sucres. Ou alors il faudrait démontrer que les faits scientifiques ont mal été interprétés.

    Pour ce qui est de l'aspect philosphique de votre essai, c'est-à-dire que la nature n'a pas de but, j'en conclue que votre vie n'a pas de sens, que vous n'avez aucun but, que votre existence est intutile et que votre blog est une aberration parmi tant d'autres, puisque la transmission de l'information n'est précédée d'aucune intention.

    meilleurs souhaits
    Karel

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  2. Bonsoir Karel,

    La différence entre les deux formulations est au niveau de l'intentionnalité. Une cause peut avoir un effet sans que quiconque ne l'ait prémédité. Ça adonne que mon pancréas sécrète de l'insuline et cette substance s'adonne à me permettre de digérer les sucres. Mais ça ne veut que «Dame Nature» a créé mon pancréas dans le but de me faire digérer les sucres. Je n'ai pas dit que le pancréas ne servait à rien.

    Le fait que la nature n'ait pas de but ne veut pas dire que moi je n'en ai aucun. Voyez, à ce propos, ma réflexion intitulée «le sens de la vie». (http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/01/le-sens-de-la-vie.html)

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  3. Bonjour Philosophe :-)

    Oui, dans votre texte vous disez clairement que les organes ne "servent" à rien, mais comme vous avez mis "sert" entre guillemet ça porte sûrement à confusion.

    Ça reviendrait à dire que la survie n'est pas intentionnelle mais mécanique, et que donc la sélection naturelle n'est pas naturelle mais synthétique.

    Ce que vous cherchez peut-être à exprimer dans votre essai, c'est que vous croyez que les cellules de votre pancréas ne sont pas conscientes de ce qu'elles font. Et là je pense qu'on va se buter à toutes sortes de cul-de-sac logiques et philosophiques, de part et d'autre. :-)

    Personnellement, je crois qu'il est inutile de se référer à un "concepteur" pour constater que le vivant est empreint de volonté, aussi infime cette volonté puisse t-elle être.

    Prenons en exemple des bactéries qui se reproduisent sur un terrain qui leur est propice. Il y a de la nourriture, tout le monde est heureux. Alors elles se reproduisent toujours plus, mais au court d'un moment le terrain regorge de toxines et ces toxines mettent leur survie en péril. Par hazard, toute qu'un adon, certaines bactéries mutent et se nourrissent des toxines.

    Il y a plusieurs explications possibles. La première est que les bactéries ont déjà en elles les plans pour muter, ce qui leur permettra de survivre ou de se nourrir différemment. La deuxième est que les bactéries sont conscientes du problème et ont la capacité d'y remédier activement, c'est-à-dire de solutionner un problème rencontré.

    Je ne crois pas qu'un "concepteur" ait placé volontairement ces gènes dans les bactéries, en tout cas pas jusqu'à preuve du contraire, :-), mais je constate que le vivant fait souvent preuve de créativité.

    Revenons aux bactéries, vient un temps qu'elles migrent dans leur environnement pour trouver de la nourriture et continuer à se reproduire. Ce qui est étonnant c'est que les bactéries qui atteignent un terrain ou il n'y a pas de nourriture envoient des signaux chimiques aux autres bactéries, et que ces dernières suite à cela ne migreront pas dans cette direction par soucis de survie. Il s'adonne que les bactéries mourrantes sécrètent des signaux chimiques qui s'adonnent à modifier le comportement des bactéries voisines. :-) Il adonne que les bactéries sont capables de se situer par rapport aux autres bactéries dans un espace déterminé.

    Meilleurs souhaits
    Karel

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  4. Tout à fait d'accord Karel. Je ne pense toutefois pas qu'il faille voir une sorte de "conscience" dans les bactéries qui leur donnerait la capacité de muter selon l'environnement où elles se trouvent. Je dirais simplement qu'elles mutent souvent, de toute sorte de façons différentes, mais que la plupart de ces mutations sont inutiles ou nuisibles, sauf de temps en temps où ça adonne qu'elles sont utiles. C'est le principe même de l'évolution que j'explique ici :

    http://chezfeelozof.blogspot.com/2009/01/lvolution.html

    Aucun concepteur. Aucune intelligence. Un simple système d'essais et d'erreurs aléatoire.

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