jeudi 29 octobre 2009

Je ne veux pas d'enfants

Je ne suis personnellement pas attiré par l'idée de procréer. Avoir des enfants ne m'intéresse pas.

On me fait souvent le commentaire que je suis «égoïste» de ne pas vouloir d'enfants. J'ai de la difficulté à saisir ce qu'il y a d'égoïste là-dedans. Je ne commets pas de faute envers qui que ce soit puisque si mes enfants potentiels ne viennent jamais au monde, alors ils n'existeront jamais et l'on n'a aucun devoir envers ceux qui n'existeront jamais, même pas celui de les amener à l'existence. Par ailleurs, qui est vraiment égoïste? Quand on pense à ce monde cruel dans lequel on vit et à l'avenir si plein d'incertitudes que l'on a devant nous. Je pourrais, à la limite, soutenir que c'est ceux qui font des enfants qui sont égoïstes, puisqu'ils font passer leur désir égoïste d'avoir des enfants avant le droit de ces enfants de naître dans un monde qui a de l'allure.

Quand c'est moi qui dis ne pas vouloir d'enfants, la réaction des gens n'est pas si pire. Mais quand c'est ma blonde, on dirait que c'est blasphématoire. Dire que même après cinquante ans de féminisme, on en soit encore au stade où la femme est considérée comme un incubateur vivant. En effet, le seul sens à la vie d'une femme qui soit socialement bien vu, c'est de pondre une marmaille (tout en se réalisant professionnellement, bien sûr, parce qu'une femme au foyer est vue comme une aberration de nos jours). Ce n'est pas parce qu'une personne a un utérus qu'elle a nécessairement envie de s'en servir.

Personnellement, je pense que vouloir ou non des enfants est un choix libre basé sur une inclination personnelle, et n'a donc pas à être imposé par des sanctions informelles via une désapprobation générale explicite. Il y en a qui préfère le chocolat, d'autre le beurre de pinottes. Certains aiment les femmes, d'autres aiment les hommes. Il y en a qui aime les chiens, d'autres qui aiment les chats… et d'autres qui aiment les enfants. C'est comme ça.

Un philosophe* disait que notre désir de procréation sublimait notre désir d'immortalité parce qu'on voyait nos enfants comme une extension de nous-mêmes qui nous survivrait. Mais lorsque l'on prend conscience que notre enfant est un être en soi et pas qu'une extension de nous-mêmes, ça tue ce désir. Par ailleurs, comme notre enfant sera davantage élevé par le système d'éducation et les médias que par nous, il a plus de chance de nous être différent dans ses valeurs et ses choix de vie qu'il ne le serait si nous étions ses seuls mentors. Conséquemment, il est encore moins un «double de nous-mêmes», nous n'avons donc plus aucune raison de le considérer comme notre prolongation.

Toutefois peut-être que si le contexte avait été différent, j'aurais aimé avoir des enfants. Le fait que l'on soit dans une société où, pour avoir financièrement les moyens d'élever des enfants, il faille travailler au point que l'on n'ait ni le temps ni l'énergie de les éduquer, enlève un peu son sens à tout ça. Qu'est-ce que ça me donnerait d'engendrer un enfant si c'est pour le parquer dans un chenil pour enfants (les CPE) et le faire élever par de parfaits étrangers (les professeurs)?

Si j'avais une entreprise ou une terre, je concevrais un rejeton pour qu'il en hérite. Je lui enseignerais dès son plus jeune âge ce qu'il doit savoir pour qu'il prenne ma place. S'il finit par choisir de faire autre chose de sa vie, c'est son choix et tant mieux. Mais au moins s'il ne trouve pas de sens à sa vie, il aura eu une «fonction par défaut» de disponible au cas où. En plus de donner un sens personnel à sa vie, ça me donnerait une raison de lui donner la vie.

Bien que je ne désire moi-même pas élever d'enfants, ça ne veut pas dire que je souhaite que l'humanité entière s'arrête à ma mort. Je tiens à ce que les autres fassent des enfants. C'est comme sortir les poubelles : c'est un travail ingrat mais il faut bien que quelqu'un s'en charge. Et comme je ne pense pas avoir les qualifications requises pour ce travail, je laisse la procréation aux autres. Pour ce qui est de laisser quelque chose après ma mort, j'espère – naïvement sans doute – pouvoir transmettre autre chose à la génération suivante qu'un simple bagage génétique.

––

*Désolé, j'ai lu ça quelque part mais je n'ai pas réussi à retrouver de quel philosophe il s'agissait.

6 commentaires:

  1. Wow ! Bravo pour ce blog. Enfin un homme qui dénonce le mépris de la plupart des gens envers les femmes qui ne veulent pas d'enfant. Je ne veux pas d'enfant et je suis une femme. J'aime bien vos citations sur les chiens, les chats pour parler de nos désirs. En quoi dérange-t-on les gens si on ne fait pas d'enfant ? C'est notre choix pas pas celui des autres.

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  2. Ce sujet est encore tabou de nos jours, je suis une jeune femme de 30 ans qui ne désire pas d'enfant. Ma famille attend que j'en ponde un comme si ce dernier allait être le sauveur de l'humanité.
    Mais pour moi, faire un enfant dans des conditions de vie aussi minables relève plus de génocide de masse que d'une preuve d'amour ou de je ne sais quoi!
    Les egoiste sont ces personnes qui font des enfants sans mesurer la vie de merde qu'ils vont leur léguer!
    Chaque jour je suis soulagée de ne pas avoir en tête les peurs et angoisses qui sont le lot quotidien des parents.
    De plus, l'épanouissement personnel passe par bien d'autres choses que la procréation ! Avec mon mari, nous sommes très heureux ensemble et nous avons une vie faite de liberté et de vrai bonheur!
    Et pas seulement 3 minutes par jour...au coucher des enfants par exemple!
    Lorsque je vois mes amis, qui sont parents, crevés, complètement abrutis par le rythme de vie abominable que leur réserve leur vie de famille...franchement, je ne les envie pas une seule seconde.
    Et je vois bien dans leurs yeux qu'ils sont victimes de ce choix imposé par une société pro-pondeuse. Ils le disent eux-même, mais d'une façon détournée, que si c'était à refaire, ils "attendraient" d'avoir vécu un peu plus...cela est donc parlant...avec des enfants, on ne vit plus..
    Certaines personnes sont bien sure épanouies dans ce rôle et c'est tant mieux pour elles! Heureusement d'ailleurs que cela existe!
    Mais d'une façon générale...si les gens parlaient vrai...la majorité s'effondreraient en pleurs d'avoir commis pareille connerie!

    Voilà pour ma contribution...

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  3. Bravo pour ce billet. Je suis heureuse de lire qu'un homme est conscient de l'iniquité des pressions sociales entre les hommes et les femmes.

    D'après mes lectures (je travaille sur un projet de long métrage à propos des femmes qui ne veulent pas avoir d'enfant), plusieurs auteurs ont écrit à propos du fait que même de nos jours, on prend pour acquis qu'une femme "fait" plus un enfant qu'un homme de par son utérus. Il en reviendrait donc à elle de donner naissance, de VOULOIR donner naissance. Alors que pour les hommes, la pression n'est pas aussi forte puisqu'ils ne portent pas l'enfant.

    ...Ce qui, à mon sens, est complètement taré. On fait un enfant à deux, peu importe qui le porte. Reste que la pression d'avoir des enfants est immense pour les femmes (et loin d'être nulle pour les hommes).

    Lorsque je dis ne pas vouloir avoir d'enfant, on me questionne, ne me croit pas. On voit comme "normal" qu'un homme ne veuille pas d'une vie matrimoniale alors que même en 2010 on s'attend à ce que toute femme veuille maison, mari, enfants... quelle vision rétrograde et réductrice de la femme.

    Bref, merci d'écrire à ce sujet. Je me tais, j'ai toujours trop à dire... J'en ai même fait un blog entier nommé "Maman? Non merci!"

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  4. Joli billet, qui m'a fait prendre conscience que je préférais de loin m'engager à sortir les poubelles... tous les jours s'il le faut (oui oui, même les poubelles remplies de crottin, de marc de café, de moisissures de rats et de toiles d'araignées puantes !)

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  5. Salut... Dur est le chemin de ceux qui prennent un autre choix que la masse.
    Laissons passer 15 ans... Faire des enfants dans les pays riche n'aura plus le même sens.

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  6. Merci !
    On me dit régulièrement que je suis égoiste et individualiste de ne pas vouloir construire de famille". Ou pire encore, que c'est abhérant de vouloir plus tard être famille d'acceuil et ne pas vouloir d'enfants c'est facile tu feras pas les enfants toi même"(véridique)...
    Triste monde et triste code social que celui de faire ses enfants avec preuve génétique!
    Un peu de réconfort en vous lisant, donc merci!

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