lundi 30 novembre 2009

Sens de la vie et de l'après-vie

Comme je l'ai déjà mentionné dans ma réflexion sur la vie après la mort, certaines personnes pensent qu'il est nécessaire, pour donner un sens à sa vie, de croire qu'il y a quelque chose après la mort et que notre conscience est immortelle. Pour moi, il n'y a rien après la mort mais cela n'enlève rien à la valeur de la vie; au contraire. On cherche à donner un «sens» à sa vie parce que l'on sait que l'on cessera d'exister un jour et que l'on veut laisser au monde une part de nous-mêmes qui nous survivra. Mais si je crois que vais exister pour toujours, je n'ai pas besoin de sens.

Décortiquons un peu tout ça. D'abord, faisons une distinction entre notre «vie terrestre» (période séparant notre naissance de notre mort) et notre «existence totale» (notre vie terrestre plus tout ce qu'il y aurait après ou avant). Pour moi, évidemment, les deux ne font qu'un, mais pour une personne qui croit en la survivance de l'âme, il y a une distinction énorme. La question que l'on pourrait se poser, c'est si la croyance en l'après-vie donne un sens à notre vie terrestre ou à notre existence totale?

À la base, si une personne se contente de croire qu'il y a quelque chose après la mort, alors je dirais que cela ne donne pas de sens à la vie terrestre. C'est tout le contraire, la vie ne devient qu'un pénible et bref instant à passer avant de pouvoir accéder au party perpétuel de l'immortalité postmortem. Cela ne donne pas non plus de sens à notre existence totale, en fait ça nous évite d'avoir à lui donner un sens. Puisque si l'on est éternel, on peut se contenter de vivre le moment présent sans se soucier de ce qu'il y aura après. Avoir un sens dans sa vie n'est utile que lorsque l'on arrive au crépuscule de notre existence et que l'on en fait le bilan. Mais si celle-ci n'a pas de fin, elle n'a pas non plus besoin de finalité.

La croyance en l'après-vie peut cependant donner un sens à la vie terrestre si on y ajoute une notion de karma (donc que nos gestes dans la vie terrestre influencent notre sort après la mort) ou si on la combine avec d'autres croyances obscurantistes telles que des commandements divins par exemple. Ça me semble toutefois un raccourci un peu facile, fait pour ceux qui n'ont pas le courage de s'interroger et de donner réellement un sens à leur vie. Par ailleurs, cela ne donne pas plus de sens à notre existence totale. C'est fuir la question plutôt que d'y répondre.

samedi 28 novembre 2009

Respecter une dernière volonté

A-t-on des devoirs envers une personne défunte?

Tous comme les gens du futur, les gens du passé existent mais dans une autre période. Par conséquent, ils sont capables de bonheur et de souffrance et il est légitime de considérer leurs intérêts. Toutefois, puisque nous nous trouvons en aval dans l'axe temporel, aucun de nos gestes ne peut avoir de répercutions sur eux puisqu'un rapport causal s'effectue toujours du passé vers le futur et jamais dans l'autre sens. Conséquemment, nous ne pouvons, d'aucune façon, influer sur le bonheur ou la souffrance d'un être se trouvant dans une époque antérieure, ce qui fait qu'il est futile de considérer leurs intérêts dans nos actions.

Nous avons par contre des devoirs envers les personnes vivantes dans le présent. Je peux donc prendre un engagement envers l'un de mes contemporains, mais qui s'étendrait jusqu'après sa mort. Le fait de savoir que mes dernières volontés seront respectées après ma mort peut avoir un impact sur mon bonheur pendant ma vie. Ce raisonnement ne m'impose cependant pas de respecter réellement l'engagement que j'avais pris avec une personne défunte, il importe seulement que, de son vivant, la personne croit que sa volonté sera respectée après sa mort. Une fois trépassée, elle n'a aucune manière de savoir si l'on tient notre engagement et ne peut donc aucunement en souffrir. De ce point de vue, on est tacitement libéré de notre engagement envers elle à partir du moment qu'elle n'existe plus. Je pourrais donc mentir à la personne, lui dire que je vais m'occuper d'entretenir la maison ancestrale comme promis, puis décider de la vendre aussitôt que j'en hérite. L'important c'est qu'elle meure en ayant la certitude que sa volonté sera respectée; qu'elle le soit effectivement ou non ne l'affectera pas.

Mais si les vivants réalisent que l'on ne tient pas les engagements que l'on a pris envers les défunts, ils sauront qu'on ne respectera pas non plus leurs dernières volontés quand ils ne seront plus là et souffriront de ça. Le fait de ne pas respecter une dernière volonté causerait donc de la souffrance, non pas à la personne défunte, mais aux vivants qui souffriraient de savoir que ce type d'accord n'est pas respecté. C'est la raison qui me pousse à croire qu'il est éthiquement important de respecter la volonté des morts.

Cela ne doit toutefois pas trop interférer avec les intérêts des vivants. J'ai l'impression que l'on a tendance à surcompenser l'asymétrie inhérente au fait que les défunts ne sont plus là pour renégocier les ententes que l'on a avec eux, en faisant des concessions que l'on ne ferait pas avec les vivants. Dites-vous que si le mort n'est effectivement plus là pour défendre sa cause, il n'est plus là non plus pour souffrir que sa cause ne soit pas défendue.

samedi 21 novembre 2009

En tuer un pour en sauver cinq

En philosophie éthique, on utilise souvent les deux scénarios suivants pour vérifier si une personne est utilitariste et jusqu'à quel point elle l'est.
SCÉNARIO #1
Un groupe de terroristes s'apprête à exécuter six otages. Pour une raison quelconque, ils vous font l'offre suivante : si vous tuez vous-mêmes l'un des otages, ils relâcheront les cinq autres. Mais si vous refusez, les six seront exécutés comme prévu.

La bonne réponse est évidemment de tuer soi-même une personne pour en sauver cinq plutôt que de les laisser tous mourir (y compris celle que vous auriez choisie de tuer). Mais les non-utilitaristes, pour respecter l'impératif catégorique «Tu ne tueras point» ou pour éviter de se salir les mains, préféreront éviter de commettre un meurtre quitte à laisser cinq personnes mourir. L'autre mise en situation est différente :
SCÉNARIO #2
Vous êtes médecins. L'un de vos patients va mourir car il a besoin d'un rein. Un autre va mourir puisqu'il lui faut une greffe de cœur. Un autre a besoin d'un foie, un autre d'un pancréas et un cinquième patient a besoin d'un poumon. C'est alors qu'un homme vient vous voir en consultation. C'est un athlète en pleine forme qui vient vous voir pour un furoncle. Si vous le tuez, vous pourriez donner ses organes à vos cinq autres patients et ainsi sauver cinq vies en n'en sacrifiant qu'une seule.

Dans cette situation, peu de gens répondront qu'ils tueraient l'homme bien portant pour sauver les cinq malades. La différence principale est que, dans ce second scénario, le sacrifié n'appartient pas au même ensemble que les personnes sauvées. Et c'est toute une différence! Même si l'utilitarisme orthodoxe voudrait que l'on privilégie le plus grand nombre, ce n'est pas la position à laquelle j'adhère.

Je considère que mon premier exemple n'opposait pas «tuer une personne» à «laisser mourir six personnes» puisque l'otage que je tuerai mourra peu importe l'alternative. Elle ne fait donc pas partie de ce qui est sous mon pouvoir et ne doit donc pas être considérée dans mon calcul éthique, pas plus que n'importe quel autre événement extérieur n'ayant aucun rapport avec la situation. Le choix est donc «ces cinq personnes meurent» versus «ces cinq personnes ne meurent pas». Avant même de choisir laquelle parmi ces personnes sera ma victime, je puis considérer que m'abstenir d'en tuer une aura des conséquences pires pour tout le monde. Évidemment, la question de savoir lequel des otages je devrais tuer est un dilemme moral en soi, mais considérant que le pire choix est moins pire que l'absence de choix (laissant mourir les six), il faut bien en choisir une.

Le second scénario, pour sa part, est le seul des deux qui pose réellement la question «Peut-on et doit-on sacrifier une vie pour en sauver cinq autres?» Comme je vous le disais précédemment dans ma réflexion sur l'éthique du nombre, la réponse à cette question ne m'apparaît pas comme allant de soi. Je dirais que ça dépend de la situation et qu'il y a plusieurs angles sous lesquels on peut aborder le problème.

Par exemple, on pourrait se dire que compte tenu que la mort n'est rien pour le mort, ce n'est peut-être pas le meurtre en lui-même qui constitue un mal mais les conséquences pour les survivants. Dans cet optique, tuer cinq inconnus sans famille pour sauver une célébrité aimée de tous est éthiquement défendable. On peut aussi regarder ça sous le point de vue des victimes. Si l'athlète préfère ne pas être tué pour donner ses organes à cinq patients, il me semble que c'est un cas d'égoïsme légitime. Mais c'en serait un aussi si l'un des patients décidait de tuer l'athlète pour lui voler l'organe dont il a besoin pour vivre. Ce serait aussi légitime qu'un prédateur qui tue sa proie.

Finalement, on peut aussi aborder cette question par une approche un peu plus axée sur la règle et se demander s'il vaudrait mieux vivre dans une société où il est permis de tuer l'un de nos concitoyens pour survivre ou dans une où cet acte serait prohibé sauf en cas de légitime défense. Imaginons que l'on doive effectuer ce choix sans savoir si l'on aura ou non besoin un jour d'une greffe d'organe. On peut facilement prendre conscience que le climat de stress perpétuel dans une société où les citoyens peuvent être prédateurs les uns des autres est une conséquence néfaste sur le bonheur collectif.

Et l'on pourrait même tenter de produire un scénario intermédiaire :
SCÉNARIO #3
Un groupe de terroristes s'apprête à exécuter six otages. Pour une raison quelconque, ils vous font l'offre suivante : si vous tuez vous-mêmes l'un des otages, ils relâcheront les cinq autres. Mais si vous refusez, ils en tueront cinq au hasard pour n'en épargner qu'un seul.

S'il s'avérait que, dans ce troisième scénario, l'otage que j'aurais choisi d'exécuter serait la même que les terroristes auraient choisi d'épargner en cas d'abstention de ma part, alors on se retrouverait dans un dilemme semblable au scénario #2. Autrement, ça reviendrait au même que le scénario #1. Dans une situation où l'on ne peut pas prédire qui seront les victimes (et qu'elles sont pigées dans un même pool), leur nombre m'apparaît comme étant la variable à considérer.

Bref, la question «Vaut-il mieux tuer cette personne-ci plutôt que ces personnes-là?» est beaucoup plus discutable et moins tranchée que la question «Vaut-il mieux tuer l'une de ces personnes-ci plutôt que toutes ces personnes-ci?» dont la réponse (oui) me semble évidente.

dimanche 8 novembre 2009

Les deux scepticismes

Il existe deux mouvements distincts portant le label de «scepticisme».

Le premier, que l'on appelle communément le scepticisme philosophique, a ses origines dans la Grèce antique. Un de ces plus célèbres partisans est Pyrrhon d'Élis (360-265 av. notre ère). Dans ses formes les plus extrêmes, le scepticisme philosophique nie toute possibilité pour l'humain d'accéder réellement à une connaissance quelconque. En conséquence, cela met toutes les hypothèses à égalité puisque l'on ne peut rien prendre pour acquis et qu'il n'y a rien de plus sûr que quoique ce soit d'autre. Notre niveau de certitude serait à zéro à propos de tout sujet et de toute opinion. Par exemple, on ne pourrait pas plus affirmer que les nuages sont faits de vapeur d'eau que de ouate ou de patates pilées, puisqu'aucune connaissance n'est possible. En pratique, cela ne nous apporte rien puisque si nous n'avons plus aucun critère pour discriminer le faux du vrai et que l'on vît réellement en faisant comme si tout était incertain, on stagne dans une inertie perpétuelle; chaque alternative étant aussi incertaine que tout autre.

Un autre mouvement, le scepticisme scientifique nous permet de sortir de cette impasse en affirmant que même si tout est incertain, il y a des choses qui sont plus certaines que d'autres. Par exemple, si à chaque fois que je mets ma main dans le feu je ressens une douleur, je puis prédire qu'il en sera de même les prochaines fois où je répéterai l'expérience et donc considérer comme «réelle» l'affirmation «le feu ça fait mal». Si tous les corbeaux que je vois sont noirs, je puis établir par induction que tous les corbeaux sont noirs et prendre ce fait pour acquis.

Toutefois le scepticisme scientifique demeure un scepticisme. Ainsi, tout ce qu'il considère comme vrai peut être remis en question. Il suffit d'un seul corbeau blanc pour briser la loi «tous les corbeaux sont noirs». Mais, affirmer gratuitement que cette loi est fausse sans avoir le moindre corbeau blanc pour la contredire et sans tenir compte des millions de corbeaux noirs déjà observés, est une attitude qui va directement à l'encontre du scepticisme scientifique.

Voir aussi : Qu'est-ce que le réel?

Qu'est-ce que l'art?

NOTE : Cette réflexion est une reprise d'une autre que j'ai publiée jadis sur mon ancien blogue, mais celle-ci en est une réédition revue et augmentée qui tient compte des commentaires que l'on m'a laissé sur l'ancienne ou d'autres discussions qui ont eu lieu oralement.

Je me suis demandé ce qu'était l'art. Comment pourrait-on définir ce mot? Qu'est-ce qui est de l'art et qu'est-ce qui n'en est pas?

À la base, je pense que l'on peut définir l'art, dans son sens le plus large, comme étant tout ce qui est le fruit d'une intention. Le mot «art» rejoint donc les autres mots de même famille comme «artefact» et «artificiel». À cela on pourrait ajouter un critère supplémentaire, qui est d'avoir été conçu pour sa forme et non pour sa fonction. Ce second critère rend la définition plus floue.

Disons que tout ce que je fabrique est de l'art, mais qu'un objet puisse être «plus artistique» qu'un autre. Par exemple, en fabriquant un marteau, les choix esthétiques que je peux faire sur la forme de l'objet sont limités par la fonction pratique de l'objet; peu importe la forme que je lui donne, il doit pouvoir servir à clouer. En ce sens on peut dire que fabriquer un marteau c'est moins artistique que de peindre une toile puisque j'ai une moins vaste liberté d'action dans ma créativité. Et, que de peindre une toile en m'inscrivant dans un mouvement artistique préexistant ou en suivant la mode est moins artistique que de fonder son propre mouvement artistique, puisque dans la premier cas notre créativité est contrainte par des normes.

Cela voudrait-il dire que l'idéal de l'art serait une sorte d'indéterminisme de la créativité? Et que, par conséquent, plus l'art est spontané et arbitraire – donc non assujetti à des contraintes – et plus il est artistique? Je serais porté à dire que non. Il me semble que quelque chose de «trop abstrait» n'est plus de l'art puisque si l'artiste «laisse trop aller ses pulsions» dans l'œuvre, elle n'est plus le fruit d'une intention; ce qui était notre premier critère de définition au départ. Ses coups de pinceaux irréfléchis deviennent mécaniques, automatiques et déconnectés de son esprit, vidant l'œuvre de toute signifiance, la rendant aussi peu artistique que n'importe laquelle de ses déjections.

Imaginons que l'on a deux toiles de peinture abstraite. La première a été conçue par un artiste. La seconde était une toile vierge qui s'est retrouvée dans un entrepôt de peinture durant un tremblement de terre et qui a été accidentellement couverte de couleurs diverses lors de la catastrophe. Il est clair que la seconde toile ne peut prétendre au titre d'œuvre d'art puisqu'elle n'a pas été conçue par un artiste mais n'est que l'œuvre de la nature. Conséquemment, si la première des deux toiles n'a pas plus de structure ou de sens que la deuxième, elle ne devrait pas non plus pouvoir être appelée «art» même si elle est l'œuvre d'une personne.

Et c'est à ce stade de ma réflexion que ma conception de l'art s'effondre. Ma définition générique (tout ce qui est le fruit d'une intention) est claire mais ne correspond pas tout à fait à l'usage, tandis que ma définition spécifique (créé pour sa forme plus que pour sa fonction), en plus d'être plus floue, peut contredire la première… ou alors elle se contredit elle-même. En effet, si pour répondre au critère de l'intentionnalité il faille être créé avec une finalité, alors l'objet n'est plus créé pour lui-même mais devient un moyen au même titre que le marteau. Je n'ai donc pas terminé ma réflexion sur ce sujet. Mais peut-être que dans notre univers en continuum, il est vain d'essayer d'établir une distinction aussi nette entre l'œuvre d'art et toute autre création.

Pro-végétarisme mais non-végétarien

J'observe que de plus en plus de gens sont favorables aux idées sous-jacentes à la pratique du végétarisme, telle que l'éthique envers les animaux, et qu'ils incluent de plus en plus dans leur alimentation des aliments «typiquement végétariens», tel que le tofu, sans pour autant adopter eux-mêmes le végétarisme.

Par commodité, appelons «semi-végétarisme» cette position intermédiaire entre le végétarisme strict et celle qui domine dans l'air du temps (viande à tous les repas). Il y a donc de plus en plus de gens qui adhèrent au semi-végétarisme. Certains ne font que manger moins de viande alors que d'autres la suppriment presque totalement de leur alimentation sauf lorsqu'ils sont reçus à souper ou qu'ils mangent dans un restaurant qui n'aurait que peu de plats végétariens au menu. Les semi-végétariens et les végétariens ont tous deux en commun qu'ils tentent de «végétariser» leur alimentation le plus possibles, c'est-à-dire qu'ils vont sciemment et significativement réduire leur consommation de viande pour des raisons éthiques. La seule différence, au fond, c'est que le végétarien strict la réduit un peu plus.

En tant que végétarien, je ne puis qu'être heureux de cette évolution des mœurs. Mon boycott des produits animaux ayant pour but de réduire la demande (afin de réduire le nombre de bêtes dans les élevages intensifs, afin de réduire le taux de souffrance dans l'univers), il m'importe beaucoup plus de savoir que ces idées font leur chemin et que la demande en viande diminue, que de m'assurer qu'aucune chair morte ne touche ma langue. Je suis un utilitariste, ce qui me préoccupe c'est avant tout de réduire la souffrance dans l'univers. C'est pourquoi mieux vaut que dix personnes adoptent le semi-végétarisme plutôt qu'une seule ne devienne végétarienne à temps plein; les premiers réduisant davantage la demande que le second.

Je pense que les idées sur lesquelles se fonde le végétarisme éthique sont, pour la plupart, bien ancrées dans l'esprit des gens. Par exemple, la plupart des gens conviendront que les bêtes peuvent subir de la douleur, qu'elles sont capables de ressentir le bonheur et la souffrance comme nous, et qu'elles éprouvent certaines émotions. Ils s'opposeront à la maltraitance des animaux et parfois même à leur mise à mort.* Dans ce contexte, le semi-végétarisme a de la facilité à percer, et davantage que le végétarisme strict. Il s'harmonise avec les valeurs des gens sans pour autant leur faire franchir la ligne qui leur donnerait l'impression d'avoir un tabou alimentaire et d'être marginaux, et il ne se cogne pas au dogme que «tuer pour la viande c'est toujours correct!».

Comme maintes choses dans notre univers en continuum, la frontière symbolique qui sépare les gens végétariens de ceux qui ne le sont pas biaisent notre perception. Prenez les trois personnages suivants :
  • Pierre a un régime strictement végétarien.
  • Jean mange deux repas de viande par jour.
  • Jacques mange deux repas de viande par semaine.
On se rend compte que même si Jacques n'est pas végétarien, son alimentation est plus proche de celle de Pierre (végétarisme) que de celle de Jean (carnivore). C'est pourquoi je considère que ce que j'appelle le semi-végétarisme est plus proche du végétarisme que de l'alimentation occidentale standard. J'ai focalisé ici sur la quantité de viande ingérée, mais le continuum entre végétarisme et viande se présente aussi sur deux autres axes: la variété des viandes consommées et, surtout, la perception de l'animal. Peut-être que Pierre et Jacques croient tous les deux que les animaux sont capables de souffrir et méritent des droits tandis que Jean les perçoit comme des automates créés par Dieu pour le nourrir. Peut-être que Jacques n'a aucune difficulté à manger des viandes «ordinaires» comme du steak haché ou des poitrines de poulet, mais qu'il a la même répulsion qu'un végétarien face à de la viande chevaline ou de la cervelle de veau.

Ce que je déplore toujours, c'est que même si le végétarisme strict est vu par plusieurs comme un idéal éthique qu'ils ne sauraient atteindre, il continue d'être perçu par la majorité comme un extrémisme irrationnel. Alors que dans les faits, il n'est que l'aboutissement logique du raisonnement qui nous a mené au semi-végétarisme.

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*Sauf que ces mêmes actes bénéficieront d'une absolution inconditionnelle lorsque l'animal est tué pour nous nourrir ou lorsqu'il est maltraité pour que la viande coûte moins cher. C'est deux poids deux mesures

Le législateur cosmique

J'entends parfois l'argument fallacieux suivant :
«Si l'univers a des lois (les lois de la physique), alors il faut que quelqu'un ait écrit ces lois… donc Dieu existe!»

Il faut comprendre que «les lois» de l'univers ne sont pas comme nos lois humaines et n'ont donc pas besoin de législateur. En fait, si quelqu'un a écrit ces lois, c'est nous! En effet, à l'aide de toutes les expériences spécifiques que nous avons de notre univers, nous avons pu en écrire les lois par induction. Cette «législation» n'est qu'une façon de nous représenter l'univers.

Par ailleurs si Dieu existait, il fonctionnerait lui-même selon une «mécanique» quelconque. Si on pouvait l'étudier, on pourrait, par induction, énumérer des «lois» pour modéliser l'ensemble de ses interventions. Mais ces lois, comme celles de l'univers, seraient écrite par l'humain.

Bref, l'argument du «législateur cosmique» comme preuve de l'existence de Dieu m'apparaît bien faible.