dimanche 8 novembre 2009

Pro-végétarisme mais non-végétarien

J'observe que de plus en plus de gens sont favorables aux idées sous-jacentes à la pratique du végétarisme, telle que l'éthique envers les animaux, et qu'ils incluent de plus en plus dans leur alimentation des aliments «typiquement végétariens», tel que le tofu, sans pour autant adopter eux-mêmes le végétarisme.

Par commodité, appelons «semi-végétarisme» cette position intermédiaire entre le végétarisme strict et celle qui domine dans l'air du temps (viande à tous les repas). Il y a donc de plus en plus de gens qui adhèrent au semi-végétarisme. Certains ne font que manger moins de viande alors que d'autres la suppriment presque totalement de leur alimentation sauf lorsqu'ils sont reçus à souper ou qu'ils mangent dans un restaurant qui n'aurait que peu de plats végétariens au menu. Les semi-végétariens et les végétariens ont tous deux en commun qu'ils tentent de «végétariser» leur alimentation le plus possibles, c'est-à-dire qu'ils vont sciemment et significativement réduire leur consommation de viande pour des raisons éthiques. La seule différence, au fond, c'est que le végétarien strict la réduit un peu plus.

En tant que végétarien, je ne puis qu'être heureux de cette évolution des mœurs. Mon boycott des produits animaux ayant pour but de réduire la demande (afin de réduire le nombre de bêtes dans les élevages intensifs, afin de réduire le taux de souffrance dans l'univers), il m'importe beaucoup plus de savoir que ces idées font leur chemin et que la demande en viande diminue, que de m'assurer qu'aucune chair morte ne touche ma langue. Je suis un utilitariste, ce qui me préoccupe c'est avant tout de réduire la souffrance dans l'univers. C'est pourquoi mieux vaut que dix personnes adoptent le semi-végétarisme plutôt qu'une seule ne devienne végétarienne à temps plein; les premiers réduisant davantage la demande que le second.

Je pense que les idées sur lesquelles se fonde le végétarisme éthique sont, pour la plupart, bien ancrées dans l'esprit des gens. Par exemple, la plupart des gens conviendront que les bêtes peuvent subir de la douleur, qu'elles sont capables de ressentir le bonheur et la souffrance comme nous, et qu'elles éprouvent certaines émotions. Ils s'opposeront à la maltraitance des animaux et parfois même à leur mise à mort.* Dans ce contexte, le semi-végétarisme a de la facilité à percer, et davantage que le végétarisme strict. Il s'harmonise avec les valeurs des gens sans pour autant leur faire franchir la ligne qui leur donnerait l'impression d'avoir un tabou alimentaire et d'être marginaux, et il ne se cogne pas au dogme que «tuer pour la viande c'est toujours correct!».

Comme maintes choses dans notre univers en continuum, la frontière symbolique qui sépare les gens végétariens de ceux qui ne le sont pas biaisent notre perception. Prenez les trois personnages suivants :
  • Pierre a un régime strictement végétarien.
  • Jean mange deux repas de viande par jour.
  • Jacques mange deux repas de viande par semaine.
On se rend compte que même si Jacques n'est pas végétarien, son alimentation est plus proche de celle de Pierre (végétarisme) que de celle de Jean (carnivore). C'est pourquoi je considère que ce que j'appelle le semi-végétarisme est plus proche du végétarisme que de l'alimentation occidentale standard. J'ai focalisé ici sur la quantité de viande ingérée, mais le continuum entre végétarisme et viande se présente aussi sur deux autres axes: la variété des viandes consommées et, surtout, la perception de l'animal. Peut-être que Pierre et Jacques croient tous les deux que les animaux sont capables de souffrir et méritent des droits tandis que Jean les perçoit comme des automates créés par Dieu pour le nourrir. Peut-être que Jacques n'a aucune difficulté à manger des viandes «ordinaires» comme du steak haché ou des poitrines de poulet, mais qu'il a la même répulsion qu'un végétarien face à de la viande chevaline ou de la cervelle de veau.

Ce que je déplore toujours, c'est que même si le végétarisme strict est vu par plusieurs comme un idéal éthique qu'ils ne sauraient atteindre, il continue d'être perçu par la majorité comme un extrémisme irrationnel. Alors que dans les faits, il n'est que l'aboutissement logique du raisonnement qui nous a mené au semi-végétarisme.

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*Sauf que ces mêmes actes bénéficieront d'une absolution inconditionnelle lorsque l'animal est tué pour nous nourrir ou lorsqu'il est maltraité pour que la viande coûte moins cher. C'est deux poids deux mesures

4 commentaires:

  1. À noter que l'industrie de la viande, qui est énorme, est extrêmement polluante.

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  2. En effet Le Passant. Il y a toute sorte de considérations - comme pour l'environnement ou pour notre propre santé - faisant en sorte qu'une faible demande en viande est une bonne chose pour la collectivité en générale.

    Sur ce blog, dans toutes mes réflexions libellées "végétarisme" je n'ai parlé que du côté éthique puisque c'est ce qui me motive personnellement à boycotter la viande. Mais il est vrai que ces autres considérations, qui viennent m'appuyer dans mon choix, sont également très importantes.

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  3. merci pour cet article, je me sens moins seule.

    signé: une semi-végétarienne

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