samedi 28 novembre 2009

Respecter une dernière volonté

A-t-on des devoirs envers une personne défunte?

Tous comme les gens du futur, les gens du passé existent mais dans une autre période. Par conséquent, ils sont capables de bonheur et de souffrance et il est légitime de considérer leurs intérêts. Toutefois, puisque nous nous trouvons en aval dans l'axe temporel, aucun de nos gestes ne peut avoir de répercutions sur eux puisqu'un rapport causal s'effectue toujours du passé vers le futur et jamais dans l'autre sens. Conséquemment, nous ne pouvons, d'aucune façon, influer sur le bonheur ou la souffrance d'un être se trouvant dans une époque antérieure, ce qui fait qu'il est futile de considérer leurs intérêts dans nos actions.

Nous avons par contre des devoirs envers les personnes vivantes dans le présent. Je peux donc prendre un engagement envers l'un de mes contemporains, mais qui s'étendrait jusqu'après sa mort. Le fait de savoir que mes dernières volontés seront respectées après ma mort peut avoir un impact sur mon bonheur pendant ma vie. Ce raisonnement ne m'impose cependant pas de respecter réellement l'engagement que j'avais pris avec une personne défunte, il importe seulement que, de son vivant, la personne croit que sa volonté sera respectée après sa mort. Une fois trépassée, elle n'a aucune manière de savoir si l'on tient notre engagement et ne peut donc aucunement en souffrir. De ce point de vue, on est tacitement libéré de notre engagement envers elle à partir du moment qu'elle n'existe plus. Je pourrais donc mentir à la personne, lui dire que je vais m'occuper d'entretenir la maison ancestrale comme promis, puis décider de la vendre aussitôt que j'en hérite. L'important c'est qu'elle meure en ayant la certitude que sa volonté sera respectée; qu'elle le soit effectivement ou non ne l'affectera pas.

Mais si les vivants réalisent que l'on ne tient pas les engagements que l'on a pris envers les défunts, ils sauront qu'on ne respectera pas non plus leurs dernières volontés quand ils ne seront plus là et souffriront de ça. Le fait de ne pas respecter une dernière volonté causerait donc de la souffrance, non pas à la personne défunte, mais aux vivants qui souffriraient de savoir que ce type d'accord n'est pas respecté. C'est la raison qui me pousse à croire qu'il est éthiquement important de respecter la volonté des morts.

Cela ne doit toutefois pas trop interférer avec les intérêts des vivants. J'ai l'impression que l'on a tendance à surcompenser l'asymétrie inhérente au fait que les défunts ne sont plus là pour renégocier les ententes que l'on a avec eux, en faisant des concessions que l'on ne ferait pas avec les vivants. Dites-vous que si le mort n'est effectivement plus là pour défendre sa cause, il n'est plus là non plus pour souffrir que sa cause ne soit pas défendue.

3 commentaires:

  1. Il pourrait aussi changer d'avis sachant certaines informations qu'il n'avait pas avant sa mort (p.ex., le poids que son héritier porte pour accomplir ses dernières volontés).

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  2. Tout à fait. L'attitude à adopter ne serait donc pas de nous demander ce que le défunt voulait, mais de nous demander ce qu'il aurait voulu s'il avait su.

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  3. Merci pour cette explication très claire.

    J'ai abouti à exactement ces mêmes conclusions (pouvoir nuire aux proches encore vivants qui nous demanderaient la même chose mais témoigneraient du fait que l'on n'a pas respecté les volontés d'une connaissance commune défunte).

    J'ai souvent du mal à expliquer cette position car il semble assez commun que les dernières volontés aient une importance primordiale, alors que pour moi elles n'en ont aucune, si ce n'est vis-à-vis des personnes qui voudraient nous demander la même chose).

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