dimanche 26 avril 2009

Le péché d'orgueil

L'orgueil est une émotion que l'on pourrait qualifier de paradoxale puisqu'elle crée chez l'individu des comportements menant au contraire de ce vers quoi il voulait aller.

Par exemple, si, par orgueil, je désire avoir raison lors d'un débat, que va-t-il se passer? Si je comprends que j'ai tord pendant le débat, mon orgueil fera que je vais continuer de m'acharner à défendre mon opinion initiale juste pour que l'on croit que j'ai raison. Mon désir d'avoir raison va faire en sorte que je vais volontairement continuer d'avoir tord. Quelle ironie… Un être sans orgueil a toujours raison puisqu'il change instantanément d'opinion lorsqu'on l'en convainc, il est toujours à jour.

Si, par orgueil, je veux prouver à quelqu'un qu'il n'a pas d'influence sur moi, que va-t-il se passer lorsqu'il me donnera un conseil? La conséquence sera que je vais m'arranger pour ne pas suivre son conseil, même si je le juge très bon et même si j'y aurais pensé par moi-même. Pour avoir l'air de ne pas être affecter par l'autre, je vais systématiquement faire le contraire de ce qu'il me dit. Mon désir de ne pas être influencé va faire en sorte que je vais être influencé (mais inversement). Quelle ironie…

L'orgueil est donc une émotion qui n'est source que de nuisance pour l'individu et son entourage. Il faut donc s'émanciper de cette hypertrophie de l'ego.

Miracles et coïncidences

Il arrive parfois que l'on vive ou qu'on nous raconte un événement d'une telle improbabilité qu'il semble miraculeux. Mais coïncidence et miracle ne sont pas synonymes. Obtenir un triple six en brassant trois dés est une coïncidence, obtenir un triple sept serait miraculeux (si c'est des dés ordinaires à six faces…). Un miracle est une transgression des «lois de la nature» telles que nous nous les représentons. Une coïncidence est un événement fort peu probable mais qui ne transgresse aucunement ces lois naturelles.

À chaque instant il y a des milliers de coïncidences potentielles qui ne se produisent pas. C'est comme si je brassais constamment un dé. Par exemple, si j'écris ce texte en regardant la télé, il y a des chances pour qu'à l'instant où j'ai écris le mot «chances» une personne à la télé l'ait dit presque en même temps. Il est donc statistiquement logique que, de temps en temps, une coïncidence survienne.

Il y a des coïncidences beaucoup plus incroyables dont on n'entend parler parfois. De tels événements n'arrivent pas souvent, mais c'est statistiquement possible. Mais songeons au facteur de diffusion du récit de la coïncidence. En effet, s'il m'arrive une coïncidence anodine, je vais garder cette histoire pour moi. Mais plus la coïncidence qui m'arrive est incroyable et plus je vais en parler à des gens. Plus on nous raconte une coïncidence incroyable, plus il y aura de gens à qui l'on en parlera. Donc, compte tenu que la diffusion d'une coïncidence est directement proportionnelle à son improbabilité, il est donc logique qu'on en entende parler. Une coïncidence anodine c'est comme de brasser une fois un dé ordinaire (à six faces) et d'obtenir un six. Une coïncidence incroyable c'est comme de devoir obtenir un cent sur un dé à cent faces… mais d'avoir le droit de le brasser cent fois.

Certains à qui il arrive une coïncidence avantageuse vont se dire une absurdité comme : «Ah! C'est la preuve que Dieu – ou une autre intelligence surnaturelle – existe et qu'il m'aime!» C'est un biais cognitif lié à l'égocentrisme. Pendant que ton dieu te faisait trouver un dix cents sur le trottoir, il envoyait un ouragan détruire la moitié d'un pays. N'est-ce pas plus logique de penser que cela n'est qu'un hasard plutôt que de croire qu'une entité bonne et intelligente qui contrôlerait l'aléatoire, s'attarderait à nous faire vivre d'anodines coïncidences amusantes alors que tant de gens sont dans le besoin?

Je voudrais également vous parler des «fausses coïncidences». Certains diront par exemple : «La vie est apparue sur Terre et comme par hasard les conditions préalables à la vie existaient avant. C'est donc Dieu qui a mis en place ces conditions pour que la vie apparaisse.» C'est le principe anthropique. Ici ce n'est pas une coïncidence. C'est un rapport direct de cause à effet. Si une chose existe dans le présent il est logique que l'on retrouve dans le passé les conditions permettant son existence. Autrement cette chose n'aurait jamais existée. L'existence d'une chose est donc la preuve de l'existence de ses causes dans le passé.

La sécession du Québec

Je suis en faveur du fait que la province de Québec se sépare éventuellement de la fédération canadienne pour devenir un État politiquement souverain. Je ne suis toutefois pas du tout nationaliste; ni envers le Québec, ni envers le Canada.

Je pense que le gouvernement est un outil au service du peuple. Donc s'il ne nous sert pas bien, on est en droit de le congédier. Comme on change de banque ou d'épicerie quand on considère qu'on y a du mauvais service. Le gouvernement fédéral nous coûte cher et nous apporte peu. Transférer ses rares juridictions vers le provincial et congédier le fédéral serait donc avantageux. Nous ne serions plus obligés de financer des postes sans fonction comme les gouverneures générales (retraités ou en poste), les lieutenants gouverneurs et les sénateurs.

Sera-t-on souverain pour autant? Non. Le Québec sera souverain. L'individu demeurera assujetti à un État mais ce sera un gouvernement plus léger (donc moins coûteux) servant une population moins grande et moins dispersée. Donc je pense qu'il est à l'avantage de tous les habitants du Québec (sauf peut-être les fonctionnaires fédéraux, les sénateurs, etc.) de voter pour la séparation.

Sur le plan international, ce serait également quelque chose de bénéfique pour l'individu. Comme chaque pays n'a qu'une voix, diviser le Canada en deux donnerait une voix de plus dans les domaines où les citoyens canadiens sont actuellement d'accord (environnement, pacifisme, etc.) et permettrait d'être plus représentatif de la volonté du peuple dans les domaines où le Québec n'est pas d'accord avec la voix officielle du Canada.

En plus, la sécession serait la naissance d'un nouveau pays à l'époque moderne. Donc finit les lois passéistes. On pourra se doter d'une constitution reflétant les valeurs modernes (égalité des individus, liberté sexuelle, etc.). Et les traités contraignants ou abusifs que le Canada a contractés par le passé ne s'appliqueraient plus ici.

La volonté un peu trop conservatrice et obscurantiste de l'ouest canadien ne sera plus imposée au Québec. L'ancienne province deviendra donc une nation plus progressiste. Bien sûr, on peut déplorer le fait que le Canada sans le Québec ne deviennent trop dominer par les Conservateurs, mais je pense qu'au contraire, le fait d'avoir un pays progressiste à proximité (le Québec) permettra au Canada (sans Québec) de constater que les idées modernes fonctionnent bien.

Les arguments nationalistes et émotifs, qu'ils soient séparatistes (nationalisme québécois) ou fédéralistes (nationalisme canadien) n'ont aucune valeur rationnelle et tout être doué de raison ne devrait pas leur accorder la moindre attention. Vous allez rester qui vous êtes si on se sépare et les Rocheuses ne changeront pas de place. Par ailleurs les arguments tels que «nous avons une culture distincte» ne me séduisent pas non plus. Pour moi, un État peut très bien être multiculturel, ce peut même être une richesse pour lui. Le problème c'est lorsque cette hétérogénéité culturelle cause une divergence d'opinions politiques. Que les citoyens n'aient pas tous la même langue, la même religion ou les mêmes repas traditionnels, on s'en fout. Mais si une région est majoritairement de gauche et une autre majoritairement de droite, il y a un problème.

On peut être attaché à son pays (c'est-à-dire, à la terre où l'on a vécu… donc moins de 0,001% du Québec sauf si t'as déménagé souvent) mais sentir que notre identité dépend de notre assujettissement à un gouvernement particulier, c'est du conservatisme et une dépendance psychologique malsaine (comme une femme battue qui se laisse faire par amour pour son conjoint).

jeudi 23 avril 2009

La laïcité culturelle

Le principe de laïcité – séparation de l'État et de la religion – est présent dans la plupart des pays occidentaux. Il permet aux citoyens de pratiquer la religion de leur choix sans subir de persécution.

Le concept de «religion» est caractéristique de la culture occidentale. On y fait donc une distinction entre un trait culturel religieux et un trait culturel laïque. Cette dichotomie ne m'apparaît pas comme allant de soi. Comment évalue-t-on la religiosité d'un trait culturel? Croire en l'astrologie ou que le treize porte malheur, est-ce religieux?

Selon moi, le principe de laïcité ne devrait pas se contenter de séparer religion et État, mais bien de séparer tradition et État; c'est ce qu'on appelle le multiculturalisme. Éventuellement, ce sera la prochaine étape. Dans un monde postnationaliste, les gouvernements ne seront plus que des institutions au service du peuple (au même titre que les banques et les épiceries), et n'utiliseront plus de «sentiment commun d'appartenance» ou de traits culturels communs pour se définir.

La «crise» des accommodements raisonnables et la tentative de définir une «identité québécoise» me semblent symptomatiques d'une trop grande ingérence du gouvernement dans la sphère culturelle. Un Québécois est quelqu'un qui vit sur le territoire du Québec et donc qui participe à la société québécoise. Qu'il porte une burka ou qu'il regarde le hockey ne devrait pas être préoccupant pour le gouvernement.

Le glorieux destin des télécommunications

On pourrait dire que, dans l'histoire de la communication, l'émergence des télécommunications constitue, non pas une, mais plusieurs révolutions successives. Et, en dépit de tous ses détracteurs, FaceBook me semble l'aboutissement naturel, logique et même désirable de cette progression. Il en va de même pour Twitter et les blogues. Bien sûr, on peut dire que ce système est encore en rodage, mais il pourrait constituer ultimement une forme « d'intelligence collective » pour l'humanité. Laissez-moi vous expliquer tout ça en reprenant l'histoire des télécommunications.

Bon, il y eut d'abord la radio puis la télévision. Évidemment, c'était un progrès que de permettre à l'information de transcender l'espace, mais il n'y avait alors que l'élite qui pouvait occuper le statut d'émetteur. Il restait à démocratiser le procéder. Apparu alors le téléphone, successeur du courrier et prédécesseur du courriel et du tchatte – avec ou sans webcam. Cela permet donc à n'importe qui de communiquer avec n'importe qui, sans égard à la distance géographique. Mais la communication verbale n'est pas tout. Entretenir une conversation n'est pas la seule façon de transmettre ou de recevoir de l'information. Parallèlement, il y a le web. Un immense catalogue d'informations permettant à tout le savoir humain d'être accessible pour tout être humain. C'est comme une bibliothèque mais c'est infiniment plus facile d'y faire une recherche. Bien sûr, l'information y est moins rigoureuse, mais celui qui sait adroitement y faire le tri y trouvera une mine d'or de connaissances. Wikipédia incarne la « mémoire collective » où est stocké tout le savoir de l'humanité et accessible à toute l'humanité.

C'est là qu'arrivent Facebook, Twitter et les blogues! L'aboutissement de tout ça. C'est comme si chaque personne devenait une page web. Je puis transférer mes souvenirs dans un endroit pour les rendre accessibles à tous. J'ai le pouvoir de rendre public mon état émotionnel du moment. Les photographies de ma personne – qui « immortalisent » un instant de ma vie – sont désormais accessibles pour tous mes proches. Mon réseau social est cartographié. Chaque événement de ma vie est enregistré. Je peux plus facilement partager mes réflexions, mes sentiments et mes opinions avec quiconque le désire. Je peux m'adresser à quelqu'un de lointain et décider que notre conversation soit visible de tous (en écrivant sur le wall), comme si nous étions tous dans un même lieu dans un même moment. Et ce que je trouve le plus merveilleux, c'est que je peux suivre la vie de gens que j'avais perdu de vue sans même avoir à leur parler directement. Ça a l'air de rien, mais les conversations ordinaires sont bourrées de rites et de tabous (salutations, formules de politesses, introduction d'un sujet, etc.) qui « nuisent » à la communication (libre circulation des informations). On en apprend plus les uns sur les autres en devenant amis sur Facebook qu'en se demandant : « Quoi de neuf? » Et, demander une amitié sur Facebook est plus facile et socialement plus acceptable que de téléphoner à quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis dix ans.

Bien sûr, tout cela est encore à un stade plutôt embryonnaire et est bourré de « pollution » intellectuelle. Mais lorsque l'on aura appris à discerner l'information qu'il vaut la peine de partager de celle qui n'est pas pertinente, on pourra plus facilement être à l'écoute des besoins des autres et faire progresser la science. Quand les idées peuvent circuler aussi facilement d'un cerveau à l'autre au travers du monde, leur progression est favorisée. D'un point de vue éthique, tout cela m'apparaît pleinement positif. Bien sûr, la notion de « vie privée » telle qu'on la conçoit à notre époque ne sera plus d'actualité si on continue comme ça, mais je n'y vois rien de mal. Pour moi, ce que l'on croit être de la pudeur est peut-être finalement de la gêne et du renfermement sur soi. L'antidote à l'excès d'individualisme qui caractérise notre société est peut-être justement ce revirement extrême vers un « exhibitionnisme » tel que Facebook.  

Le propre de l'Homme à l'ère posthumaine

Dans beaucoup de traité de bioéthique, on se pose des questions sur « la nature humaine » ou la définition de l'humain. On accorde à cela une importance capitale dans tout débat de bioéthique. Lorsqu'ils tournent les yeux vers l'horizon du futur, les scientifiques anticipent au-delà l'existence d'êtres encore inexistants tels que des humains transgéniques, des robots à intelligence humaine, des cyborgs (mi-humains mi-robots), des mutants ou d'autres créatures posthumaines. Ils se questionnent donc à savoir si ce sont des humains ou non.

Les gens sont souvent intuitivement réticents à l'idée que l'on modifie sciemment le génome de l'humanité, même si c'est pour éradiquer des maladies génétiques ou améliorer le fonctionnement de l'organisme. Cette sacralisation découle de notre représentation d'une identité collective de l'humanité. À mes yeux, se demander «Un humain que l'on modifierait génétiquement serait-il encore un humain?» est du même niveau de futilité et de vacuité que de se demander si un Québécois qui se convertirait à l'islam demeurerait Québécois. Comme je l'ai déjà mentionné dans ma réflexion sur l'identité, se définir (collectivement ou individuellement) sur la base de telles critères constituent un frein inutile à notre progression. Cette aversion envers ce qui n'est «pas naturel» n'a aucune légitimité scientifique.

L'autre source de dédain envers les posthumains découle d'une certaine conception de l'éthique. J'en ai parlé dans ma réflexion sur l'avortement ainsi que dans celle sur le spécisme. La plupart des gens font de l'appartenance à l'espèce humaine le pilier du droit à la vie et à la dignité. Pourtant, l'humanité n'est qu'une espèce qui se définit, comme toutes les espèces, sur la base du critère de l'interfécondité. Une éthique ayant un pilier un peu moins arbitraire que notre «statut d'humain» (par exemple, l'éthique utilitariste) qui considérerait les individus selon leurs attributs individuels et non selon le groupe dans lequel on les classe serait moins discriminatoire et ne nécessiterait plus de tordre constamment la définition de l'humain - et des facultés soi-disant propres à l'humain - pour accommoder nos idéologies.

Cet humain transgénique n'est plus un humain? Pis après! Peut-il ressentir la douleur? Est-il conscient d'exister? Peut-il communiquer avec nous? Voilà des questions plus pertinentes pour évaluer le statut juridique d'un être et la considération qu'on doit éthiquement lui témoigner.

vendredi 17 avril 2009

Le relativisme culturel

En anthropologie – discipline dans laquelle j'ai fais mon bacc – le relativisme culturel constitue un pilier central. C'est donc également un pilier central de ma philosophie. Le relativisme culturel c'est reconnaître que l'on ne peut pas juger une pratique culturelle en utilisant des critères issus d'une autre culture. C'est-à-dire, que si l'on trouve une coutume «grotesque» ou «barbare», c'est qu'on la regarde de l'extérieur et hors de son contexte. On ne peut donc pas considérer ceux qui la pratiquent comme des «monstres» ou des «idiots».
L'opposé du relativisme culturel est l'ethnocentrisme. Il s'agit d'une attitude qui nous pousse à considérer la culture à laquelle on appartient comme étant «meilleure» ou «plus normale» que toutes les autres. C'est un biais naturel, une tendance que l'on a tous, mais on peut tenter d'en être plus conscient et ainsi ne pas la laisser nous influencer. Un truc, c'est de porter sur soi-même le regard que l'on porte sur autrui, en se demandant ce que l'on aurait pensé de nos propres coutumes si on les voyait aujourd'hui pour la première fois.

Quelques exemples de manque de relativisme:
  • Quand quelqu'un juge que les coutumes et croyances d'une autre religion ou d'une secte sont stupides ou barbares alors qu'il adhère lui-même à un système de croyances ayant des pratiques comparables (disons, le christianisme...). 
  • Quand quelqu'un juge barbares les cultures dans lesquelles on mange de la viande de chien, alors qu'il consomme lui-même la viande de porcs, animaux cognitivement analogues aux chiens.
  • Quand quelqu'un juge le consommateur d'une drogue illégale alors qu'il consomme lui-même d'autres drogues tout aussi dommageables pour la santé mais légales (disons, le tabac, l'alcool, le café, les boissons énergisantes).
Dans mes exemples, un athée végétarien non-fumeur semble être en bonne posture pour juger tout le monde... mais ce serait mal comprendre l'esprit du relativisme. L'idée c'est que nous sommes tous, dans de nombreuses situations, susceptibles d'être jugés par quelqu'un qui manque de relativisme. Et, même lorsque ce n'est pas le cas, nous n'avons aucun «mérite» d'être par hasard nés cet environnement culturel plutôt qu'un autre.

Une critique courante du relativisme culturel c'est qu'il nous imposerait de tolérer toute sorte de coutumes dangereuses ou liberticides, comme l'excision des jeunes filles. En fait ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a une différence entre un relativisme culturel et un relativisme éthique ou un relativisme scientifique. Une croyance peut être plus vraie qu'une autre, une pratique peut être plus dommageable qu'un autre. De nos jours les gens tombent souvent dans un relativisme stérile empêchant de porter un regard critique sur une action et d'en mesurer l'éthique ou l'intelligence. Des phrases telles que «T'es qui toi pour juger?» ou «Il existe plusieurs sortes d'intelligence…» seront employées abusivement afin d'éviter que l'on ne puisse mesurer la justesse d'une pratique ou d'une opinion

L'idée c'est plutôt qu'il ne faut pas considérer une pratique comme «anormale» simplement parce que l'on n'y est pas habituée, mais on peut quand même juger si elle cause plus de souffrance que de bonheur dans l'univers et donc mesurer son aspect éthique. Cela ne nous donnera par contre pas nécessairement d'indice sur la bienveillance de l'agent qui la pratique (il ne fait qu'exécuter une tradition sans la remettre en question), mais l'acte en lui-même peut être évalué éthiquement. De la même façon, si la croyance «le Soleil tourne autour de la Terre» est moins vraie que «la Terre tourne autour du Soleil» cela ne signifie pas que celui qui a la première croyance est forcément plus stupide que celui qui a la seconde. Je n'ai aucun mérite de savoir que la Terre tourne autour du Soleil, je n'ai pas fait d'observations astronomiques poussées pour en arriver à cette conclusion, je n'ai fait qu'écouter ceux que ma culture considère comme les spécialistes de cette question, comme le fait sans doute celui qui a la croyance inverse.

Je pense que de s'efforcer de «ne pas juger» ceux qui ont des pratiques moins éthiques ou des croyances moins vraies, est une étape nécessaire si l'on veut éventuellement les amener à ses libérer de ces traditions dépassées. En s'efforçant de comprendre l'importance sociale de ces coutumes, et en considérant ceux qui les ont comme des êtres bienveillants et intelligents, on pourra plus facilement développer un argumentaire contre ces traits culturels jugés indésirables.

L'évolution de la communication

Il n'y a pas seulement la langue qui évolue, les modes de communication aussi.

Je pense que ce qui nous distingue des autres mammifères n'est pas tant notre intelligence que notre faculté à communiquer des informations complexes. On a d'abord acquis la parole, ensuite l'écriture, l'imprimerie puis les télécommunications.

Imaginons un hamster qui, grâce à une mutation incroyable, serait aussi génial qu'Einstein. S'il découvrait l'agriculture ou la bombe atomique, il n'aurait aucune manière de transmettre ce savoir à ses pairs. Sa découverte mourra avec lui. Tandis qu'un humain moderne peut, en moins de quelques heures seulement, transmettre une joke cochonne à toute la planète grâce aux courriels et à leur fonction « forward ».

Individuellement, l'humain n'est pas tellement plus intelligent que le chimpanzé. Nous bénéficions simplement du cumul des intelligences de tous les humains qui nous ont précédés. Tant qu'il y aura des humains en ce monde, notre intelligence collective sera immortelle!

La simili-viande

Je vous ai déjà confessé mon végétarisme et je vous en ai donné les fondements éthiques. En vertu de ce choix alimentaire, il m'arrive fréquemment de consommer une catégorie d'aliments que l'on nomme «fausses viandes» ou «simili-viandes». Ce n'est pas du tofu. Ce sont des produits imitant les charcuteries traditionnelles mais n'étant composé que d'ingrédients végétaux comme du blé et du soya. La plupart de ces produits sont fabriqués par la compagnie Yves' Veggie, vous pouvez les voir sur leur site ainsi que connaître leur valeur nutritive. Souvent, ils sont nutritionnellement mieux cotés que leurs équivalents animaux.

Cette gamme de produits est très pratique. Par exemple, si je suis invité à un barbecue, je n'ai qu'à apporter mon paquet de saucisses «veggie dog» pour pouvoir maintenir mes choix alimentaires sans pour autant subir l'exclusion sociale (même si je vais inévitablement être victime de moqueries et de commentaires désobilgeants). Ou, simplement, si je manque d'imagination pour composer des plats végétariens, je puis faire une recette traditionnelle familiale en substituant le steak haché par du «faux bœuf haché».

J'entends souvent la même objection par rapport à ces produits. Elle me fait rire intérieurement tant elle me semble insensée quand on y pense comme il faut, même si elle a l'air logique si on l'écoute distraitement. Ça va comme suit :
« Moi je mangerais jamais ça de la fausse viande… Tant qu'à manger du faux aussi bin manger du vrai! »

On appelle ça de la fausse viande parce que ce n'est pas de la viande mais que ça a pour but d'occuper la même niche gastronomique. Ça sert à remplacer la vraie viande comme ingrédient dans les recettes. Cela ne rend pas ce produit «faux» pour autant. Il existe réellement! Et sa valeur nutritionnelle aussi. Ce n'est qu'un nom. Si l'on décidait d'appeler le chocolat du simili-caca, je ne pense pas que personne ne se mettrait à se délecter d'excréments en me disant «Tant qu'à manger de la marde, autant en manger de la vraie!»

+++ la portion qui suit est un ajout du 20 novembre 2009 +++

J'entends également parfois un autre commentaire à propos de la fausse viande. En plus de ceux qui me disent qui ne comprennent pas pourquoi je mange de la fausse viande plutôt que de la vraie, il y a ceux qui me disent :
«Si tu manges de la fausse viande c'est que, en quelque part, tu reconnais que la viande c'est bien.»

J'ai essayé de donner une version synthétique de cet argument mais, en gros, l'idée c'est que consommer de la fausse viande confirme qu'il faut manger de la viande, ou que la viande goûte bon, ou qu'on ne peut s'en passer, ou qu'elle est supérieure aux mets végétariens, etc. C'est un argument que l'on peut entendre autant de la part de non-végétariens que de végétariens ne mangeant pas de simili-viande.

Dans la perspective d'une éthique utilitariste, ce type d'argument n'a aucun sens (j'ai moi-même de la difficulté à en saisir le sens tant il me semble creux...). À moins de considérer que ce qu'il y a de non-éthique dans la consommation de viande c'est le fait de prendre plaisir à goûter le fruit de la souffrance animale (ce qui se défend moyennement...) et qu'en goûtant une imitation de ce produit on se souille autant qu'en goûtant l'original (ce qui m'apparaît indéfendable). Personnellement, c'est la souffrance elle-même que je considère indésirable et c'est le fait de créer une demande pour causer cette souffrance que je considère répréhensible.

Donc la consommation de simili-viande ne vient d'aucune façon affaiblir, ni même attaquer, les fondements de mon végétarisme. Le «mal» ne réside pas dans la viande mais dans la souffrance. Si l'on produisait en laboratoire de la vraie viande à partir de culture de cellules animales, je n'aurais aucune objection éthique à en consommer.

La malfaisance et la malveillance

Je vous ai déjà exposé mon éthique en plus de vous faire part de la distinction que je fais entre le mal et le mauvais. À présent, j'aimerais distinguer le malfaisant du malveillant.

Un être malfaisant est quelqu'un dont les agissements sont une source de souffrance pour un ou plusieurs autres individus. Cela peut ou non être volontaire de sa part. Ainsi, si je piétine tous les jours le parterre de fleurs de mon voisin, je suis malfaisant pour lui, même si j'agis ainsi sans m'en rendre compte.

Le malveillant est celui qui prend plaisir à causer de la souffrance à autrui. Je parle de « malveillance pure » ou de méchanceté lorsque la personne, par sadisme ou par vengeance, aura directement du plaisir du simple fait de donner cette souffrance, et de malveillance indirecte ou d'égoïsme lorsqu'une personne cause plus de souffrance qu'elle ne gagne de bonheur en choisissant de faire passer ses besoins secondaires après les besoins primaires d'autrui.

Personnellement, je ne crois pas vraiment à la méchanceté pure. Pour moi, une personne qui comprend vraiment ce qu'est le mal ne peut le faire de sang froid. Mon déni de la malveillance est tel que je préfère avoir recours à la loi du rasoir d'Hanlon et «ne pas attribuer à la méchanceté ce qui peut être expliqué par l'ignorance».

Selon mon humble avis, un système de justice ne devrait pas rechercher à éliminer la malveillance mais la malfaisance. Que l'individu soit «méchant» ou mentalement aliéné n'est pas le point. Cause-t-il de la souffrance? Si oui, quelles mesures peut-on prendre pour nous en prémunir? Une sanction pour le conditionner négativement? Une thérapie? Pour moi, la plupart du temps, la délinquance est le symptôme d'un trouble psychologique. La prison devrait ressembler davantage à un centre de réhabilitation plutôt qu'à une cage à criminels.