samedi 31 juillet 2010

Les deux esthétiques

Honnêtement. Avouons-le. Un film hollywoodien, même s'il est totalement prévisible, est souvent plus agréable à visionner qu'un film d'auteur. La musique pop est plus agréable à écouter que la musique électroacoustique. Et la root beer goûte bien meilleur qu'un vin de grand crû!

Je me disais qu'il y avait différentes façons d'apprécier l'œuvre d'un artiste ou celles de la nature. Différentes perspectives selon lesquelles on va juger de ce qui est beau. Il y a donc différentes formes d'esthétismes. Dans ma vision des choses, je distingue l'appréciation sensorielle de l'appréciation intellectuelle. Il y a certaines choses que l'on aime pour la simple raison qu'elles sont agréables à nos sens, tandis que d'autres, par leur complexité, viennent émerveiller notre intellect. Ce sont deux définitions distinctes de la beauté.

Par exemple, si je regarde une toile, je peux l'apprécier parce qu'elle est jolie. C'est là une appréciation par les sens. Et si elle est laide, je ne l'aimerai pas. Mais si j'ai une formation en art, je peux y percevoir certaines subtilités, comprendre dans quel mouvement elle s'inscrit et connaître son importance dans toute l'histoire de l'art. Je vais pouvoir l'apprécier à un niveau inaccessible au profane.

Où veux-je en venir? Eh bien je trouve que ces deux esthétiques – sensoriel et intellectuel – ont tendance à se snober mutuellement. Probablement, justement, parce qu'elles n'ont pas conscience de ne pas jouer sur le même terrain et donc de ne pas être en compétition. Certaines gens n'aimeront que l'art érudit et dénigreront l'art populaire, tandis que d'autres n'aimeront que l'art populaire et ne chercheront même pas à comprendre l'art érudit.

Ce que j'aimerais faire comprendre, c'est que l'on peut aimer les deux. Car les deux s'adressent à une partie différente de notre être: nos sens ou notre intellect. Et, qu'il n'y a rien de mal pour un artiste de chercher à être un peu plus «commercial» dans certaine de ses œuvres et plus «élitiste» dans d'autres. Je trouve justement que l'idéal c'est lorsque ces deux niveaux d'art sont réunis dans une même œuvre. J'adore qu'un film soit autant agréable à regarder pour la beauté de ses effets spéciaux et de sa trame sonore, que pour la réflexion à laquelle m'amène son scénario.

Alors, qu'il n'y ait plus de conflit. Ces deux formes d'art peuvent toute deux être belles à la fois, puisqu'elles définissent différemment la beauté, mais de deux manières d'égale importance.

mercredi 28 juillet 2010

Notre histoire

Je trouve personnellement que l'histoire du Québec est particulièrement plate. Mais là-dessus on ne peut pas faire grand-chose, alors ce n'est pas de ça dont je vais vous parler. Je réfléchissais plutôt à la façon dont on nous raconte l'Histoire. Certains détails plus spécifiques m'ont particulièrement agacés dans les cours d'Histoire que j'ai eu au secondaire (c'était dans les années '90 donc ça a peut-être changé depuis…). Voici donc quelques unes de mes objections:

  • Personnellement, j'abolirais l'usage du «nous» dans les cours d'Histoire. Un pronom à la première personne doit normalement inclure la personne qui parle. L'utiliser pour parler d'un groupe de gens qui sont morts il y a des siècles m'apparaît comme une impropriété. On devrait dire «eux», ils sont extérieurs au groupe sujet. Le professeur ne devrait pouvoir dire «Les Anglais nous ont battu sur les plaines d'Abraham.» si ni lui ni ses élèves ne se trouvaient sur les plaines en 1759. L'usage du «nous» en histoire ne sert que l'idéologie en nous faisant passer des inconnus d'une autre époque pour des gens proches de nous.
  • Ensuite, je trouve que l'on devrait éviter de désigner les premiers colons français comme étant «nos ancêtres». C'est accorder une trop grande importance au «lien du sang» et c'est être complètement déconnectée de la réalité moderne puisque la moitié de la classe n'aura pas d'ancêtre au Québec à cette époque. Moi-même mon patronyme est d'origine irlandaise et n'est arrivé ici qu'en 1840. Si l'on remplaçait ce rapport de filiation par un rapport de succession, l'Histoire m'apparaît plus inclusive et plus réaliste. Qu'importe si les colons français étaient nos ancêtres ou non, ils étaient indubitablement nos prédécesseurs. Cela nous permettrait également de faire remonter cette «lignée» jusqu'à ses origines autochtones, et de ne pas nous contenter d'y inclure les apports français mais aussi ceux de toutes les autres cultures ayant immigrées dans notre province depuis. Que j'aie des origines françaises, autochtones ou issues d'une vague de migrations très récente, si je vis au Québec les colons français sont indéniablement mes prédécesseurs.
  • Une autre objection, c'est que je trouve que l'on tente trop de démoniser les Anglais et les Iroquois. C'est une conséquence de l'usage du «nous»… Si «nous» sommes les Français de l'époque, alors les Anglais de l'époque sont «nos» ennemis. Pourtant, nombreux sont ceux parmi nous qui ont des ancêtres autant chez les colons anglais que chez les colons français. Et, il serait ridicule de nier les apports importants et positifs de la culture anglo-saxonne au sein du Québec historique et moderne.
  • Finalement, je pense que, dans les cours d'Histoire, on devrait désigner les nations autochtones par leurs endonymes plutôt que d'utiliser les grotesques sobriquets que leur donnaient les Européens ou les autres peuples autochtones. Par exemple, on devrait utiliser le terme «Wendat» plutôt que «Huron» et «Innu» plutôt que «Montagnais».

Bref, je trouve que les cours d'histoire que j'ai reçu au secondaire étaient trop teinté d'interférences nationalistes, voire séparatistes, et j'ai trouvé ça déplacé. Je ne puis qu'espérer que l'Histoire soit enseignée différemment dans les écoles secondaires de nos jours.

mardi 27 juillet 2010

Pourrait-on vivre sans argent?

On m'a un jour demandé:
«Crois-tu qu'il soit possible que l'on puisse éventuellement abolir l'argent? Si nous vivions dans une société où les ressources seraient distribuée équitablement, l'argent ne deviendrait-elle pas inutile?»

Même si la question semble naïve ou utopiste, il m'apparaît pertinent d'y répondre car elle nous permet de nous demander «Mais au fond, qu'est-ce que l'argent?» À la base, c'est une reconnaissance de dette, chiffrée et enregistrée. Sa finalité est de pouvoir être échangée contre des biens ou des services mais, en elle-même, elle n'a pas d'autre usage.

Évidemment, l'argent n'a pas toujours existée. Dans les sociétés traditionnelles, on survivait très bien sans argent. L'ethnologue Marcel Mauss (1872-1950) qui a étudié les sociétés traditionalistes contemporaines a constaté, tel qu'il le mentionne dans son Essai sur le don, que l'économie sans argent fonctionne surtout sur la base du contredon. À la différence du troc qui consiste à échanger un produit pour un autre, l'économie du don implique que l'on ne fait que donner à tout le monde le fruit de notre travail sans rien demander en retour. Toutefois, il est implicite que l'on s'attend à ce que les autres fassent la même chose pour nous; c'est le contredon. Ainsi, même si on ne calcule pas de manière précise qui a une dette envers qui, celui qui reçoit se sent redevable et on cesse de donner à celui qui ne donne jamais rien. C'est donc une économie purement informelle, semblable à celle que l'on peut voir de nos jours au sein d'une famille ou d'un groupe d'amis: Si ça nous fait plaisir de payer un verre à un vieil ami, on va cesser de l'offrir s'il abuse de notre générosité.

Il est donc indubitablement possible pour l'humanité de vivre sans argent puisqu'elle a déjà vécue sans argent. Mais serait-il possible de le faire dans notre contexte? Dans les sociétés traditionalistes, on vit en petits groupes et tout le monde connaît tout le monde. Au sein d'un État, c'est différent. La plupart des gens avec qui j'ai des transactions me sont totalement inconnus. Je ne les vois jamais en dehors de ces interactions commerciales et, bien souvent, je ne les reverrai jamais une fois la facture payée. Comment me serait-il possible alors de leur rendre la pareille un jour s'ils choisissaient de me donner gratuitement leur marchandise? On pourrait aussi s'en remettre au troc, mais il faudrait pour cela que tout ceux qui ont besoin de mes services, soient aussi ceux de qui j'ai besoin des services. Avec l'argent, l'individu donne à la société et reçoit de la société; même si le donateur ne correspond pas au récipiendaire.

Bref, il ne m'apparaît ni possible ni désirable de faire disparaître l'argent de nos sociétés complexes. Bien sûr, il y a nombre de défaillances dans notre système économique, mais elles ne sont pas inhérentes à la nature de l'argent. Je pense en fait que beaucoup de problèmes résident dans le fait que l'on donne souvent à l'argent une valeur qu'elle n'a pas, comme si elle pouvait faire apparaître ce qu'elle nous permet d'acheter. On oublie que les ressources naturelles du territoire et la force de travail de la population sont des choses beaucoup plus importante pour un pays que la quantité d'argent qu'il a en banque. L'argent est inutile s'il n'y a plus rien à acheter.

Si l'on prenait davantage conscience que l'argent n'est pas vraiment une richesse mais une simple reconnaissance de dette, et que cette prise de conscience se reflétait dans notre système économique, alors l'existence de l'argent ne serait qu'avantageuse.

vendredi 16 juillet 2010

La gratuité scolaire

Lorsque j'étais étudiant au baccalauréat et que les hippies qui s'étaient autoproclamés association étudiante utilisaient l'intimidation pour nous forcer à foxer nos cours, il n'était pas rare d'entendre les manifestants de cette «grève préventive» scander des slogans ou brandir des pancartes pour promouvoir une gratuité inconditionnelle de tous les niveaux d'études pour tous les programmes. Mais serait-ce vraiment une bonne idée? Il y a, face à cette problématique, plusieurs facteurs à considérer:
  1. Les études supérieures ne sont pas un besoin fondamental et il est coûteux pour les contribuables de financer la scolarisation des étudiants;
  2. À l'âge à laquelle on fait généralement nos études il est pratiquement impossible d'avoir accumulé par soi-même (sans prêt, bourse, héritage ou aide parentale) les fonds nécessaires;
  3. Le niveau de scolarité d'une personne est fortement corrélé avec son revenu;
  4. Même si les parents d'un jeune ont les moyens de lui payer de hautes études, et même s'ils vivent assez proche de l'université pour continuer d'héberger leur enfant pendant ses études, ils ne le feront pas nécessairement.

D'abord, entendons-nous sur le fait que faire de hautes études n'est pas un besoin fondamental; dans le sens que ce n'est pas nécessaire à la subsistance. Dans cette perspective, ce n'est pas du devoir de l'État de financer l'éducation post-secondaire. C'est un privilège et non un droit. Il faut quand même payer les enseignants et les universités. Compte tenu de cette réalité, permettre à tous d'étudier gratuitement dans n'importe quel programme pour autant d'années qu'ils le désirent, représenterait une source de dépenses potentiellement illimitée pour les contribuables.

Toutefois, le niveau de scolarité d'une personne est souvent influent du revenu qu'elle recevra au cours de sa vie. Si la scolarité est coûteuse, ce ne sont que les gens déjà bien nantis qui peuvent accéder à des professions payantes. D'autant plus que l'on se scolarise généralement pendant notre jeunesse, période durant laquelle nous n'avons pas encore pu cumuler beaucoup d'argent et donc où nos parents assument la plupart de nos dépenses. Donc, si l'État n'intervenait pas, seuls les rejetons des gens à hauts revenus pourraient recevoir la scolarité nécessaire à un emploi bien rémunéré. Tandis que les plus démunis n'auraient pas les moyens d'offrir un tel luxe à leur progéniture et la condamneraient à rester dans la pauvreté. Cela contribuerait à la création et au renforcement des classes sociales. Bref, si le gouvernement n'offrait pas d'aide financière aux étudiants, les riches engendreraient des riches et les pauvres des pauvres.

Je propose que l'on instaure un système de bourses si généreux qu'il pourrait être considéré comme une forme de gratuité scolaire. C'est-à-dire qu'un bénéficiaire de bourse pourrait voir sa scolarisation se faire financer intégralement. La solution la plus sage selon moi serait de mettre des conditions à cette gratuité :
  1. Exiger que l'individu ait de bonnes notes dans son niveau scolaire actuel avant de financer le niveau suivant;*
  2. Fixer un nombre d'années maximum qu'aurait l'étudiant pour accomplir sa scolarité;**
  3. Donner, pour chaque programme, un nombre de bourses proportionnel à la quantité de finissants dans ce domaine dont la société aura besoin;
  4. Ne pas considérer que les parents de l'étudiant vont l'aider financièrement lorsque l'on choisit s'il est éligible ou non à une bourse;
  5. Exiger de l'étudiant qu'il s'engage à travailler au Québec pendant un certain nombre d'années après l'obtention de son diplôme.
Puisque les subventions gouvernementales sont l'argent du peuple, elles doivent être investies judicieusement et dans les intérêts du peuple. Ces conditions permettraient d'instaurer une forme de gratuité scolaire tout en évitant les abus potentiels qui, autrement, surviendraient trop facilement.

Comme chaque étudiant coûte cher à la société, on devrait limiter le nombre d'individus acceptés dans chaque programme, en fonction des débouchés. Par exemple, je ne pense pas qu'il soit pertinent de former trois cents anthropologues par année. Si on fixait des critères d'admission plus sévères dans certains programmes tout en limitant le nombre d'étudiants par cours, on ne se retrouverait pas à financer des études qui n'apporteront rien de concret ni à l'étudiant, ni à la société. Notre but premier dans la gratuité scolaire était que l'individu voulant étudier ne soit pas rejeté à cause d'une discrimination arbitraire envers ceux n'appartenant pas à une famille bien nantie. Une fois cette injustice potentielle écartée, il est tout à fait légitime d'exclure des étudiants pour des raisons plus fondées; telles que sa compétence en tant qu'étudiant ou la capacité qu'il aura à trouver un emploi dans son domaine une fois sa formation accomplie.

Mais ici, comprenez-moi bien, je ne suis pas en train de dévaloriser l'acquisition du savoir. Au contraire, c'est quelque chose que, d'après moi, on devrait encourager. Il est primordial dans une société démocratique que le peuple soit instruit. Car même si un individu, en tant que commis d'épicerie, n'a pas besoin de connaître grand chose, en tant qu'électeur, il a de grandes responsabilités. Mais on peut encourager l'acquisition du savoir sans que ce ne soit aussi onéreux pour la société. Si quelqu'un veut s'instruire, la bibliothèque est là pour ça. Et le laisser lire des livres par lui-même coûtera moins cher à la société que de payer un professeur d'université pour lui enseigner.

Je pense même qu'il y a plusieurs mesures que l'État devrait prendre afin de faciliter l'acquisition de connaissances générales par sa population. Par exemple, financer la création de sites internet informatifs. On pourrait même créer des examens sans cours, pour qu'un individu puisse obtenir un certificat attestant du savoir qu'il a acquit en autodidacte. Des mesures de ce genre coûteraient beaucoup moins chers aux contribuables que de financer plus de scolarisation.

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*Comme les notes du niveau collégial ne sont pas toujours vraiment représentative du potentiel universitaire de l'étudiant, il serait plus sage d'exiger le diplôme d'études collégiales (sans égard aux notes ou à la cote R) mais de focaliser surtout sur la bonne réussite d'un examen d'admission spécifique à chaque programme.

**Il s'agit simplement de lui dire qu'on lui donnera tel montant par année pendant tel nombre d'années. Selon le programme, on pourra adapter la formule. S'il est préférable que l'étudiant accomplisse sa scolarité le plus rapidement possible (par exemple, s'il est dans une discipline où l'on manque de spécialistes, comme la médecine), on lui donnerait assez d'argent pour qu'ils puissent étudier à temps plein, mais sur un nombre limité d'années. À l'inverse, s'il vaut mieux que l'étudiant étudie à temps partiel et reste longtemps à l'université (dans les programmes qui donnent des connaissances mais pas nécessairement d'emploi), on lui donnerait de petites sommes d'argent mais pendant plusieurs années, pour qu'il prenne moins de cours par sessions et qu'il travaille à temps partiel.

mercredi 7 juillet 2010

Xénophobie contre sexisme

Toutes les traditions sont fondamentalement sexistes (et, généralement, homophobes et un peu xénophobes). Parfois la femme est ouvertement considérée comme inférieure à l'homme ou comme un bien qui lui appartient, d'autrefois c'est simplement que la répartition du travail est déterminée par le sexe sans qu'il n'y ait nécessairement une hiérarchisation. Pour cette raison, il n'est pas rare qu'il y ait conflit entre l'égalité des sexes prônée par les valeurs modernes, et le respect des cultures traditionnelles. Certains opportunistes intolérants ou conservateurs utiliseront cet antagonisme pour défendre la xénophobie au nom de l'égalité des sexes ou, à l'inverse, pour défendre le sexisme au nom du relativisme culturel.

D'un côté, on doit garder en mémoire que le principe de tolérance ne nous force pas à tolérer l'intolérance. Ainsi, si une personne commet un acte sexiste (ou homophobe, ou raciste, etc.) parce que cela est dans ses traditions, il est légitime de réprouver une telle discrimination. Le relativisme culturel nous prescrit toutefois de ne pas «juger» cette personne, mais il ne faut pas la laisser faire pour autant.

Soit. Mais je constate que l'on a souvent tendance à trop facilement accuser de sexisme une pratique issue d'une autre culture (ou commise par des personnes immigrantes), alors qu'on laissera passer si c'est une pratique d'origine locale (ou commise par des natifs). Par exemple, si une femme demande à se faire examiner par une femme médecin plutôt que par un homme, on répondra à sa demande si c'est possible. Mais si la femme en question est musulmane, on l'accusera d'être sexistes ou manipulée par un mari sexiste qui la considère comme un objet. Autre exemple, si des femmes musulmanes demandent à avoir des heures «femmes seulement» à la piscine parce qu'elles se sentent gênée de se mettre en maillot devant des hommes, on leur reprochera d'être sexistes. Mais quand un centre de conditionnement physique n'ouvre ses portes qu'aux femmes, personne ne l'accuse du même délit.

On va également se servir souvent du faux prétexte de défendre l'égalité des sexes ou la laïcité pour justifier notre intolérance à l'égard de coutumes nouvelles ou étrangères. Par exemple, il n'y a rien qui justifie que l'on soit haineux envers une femme qui choisirait volontairement de porter le voile pour montrer qu'elle n'a pas honte de ses croyances. Et il serait encore moins justifié qu'on l'accuse d'être antiféministe ou d'être contrôlée par un mari sexiste. Même chose pour la polygamie qui est autorisée dans plusieurs pays musulmans mais interdite au Canada. Si une union comporte plus de deux personnes mais qu'elle est composée d'adultes lucides et consentants, il n'y a aucune raison qu'elle soit illégale. Pourtant, on continue de la prohiber soi-disant au nom de l'égalité des sexes. C'est manifestement un cas d'ethnocentrisme: les femmes occidentales ne peuvent concevoir qu'une femme puisse désirer porter le voile ou partager leur mari, alors elles se disent qu'elles sont sûrement forcées de le faire.

Pour conclure, je dirais que l'objectif qui doit être visée ici pour régler le conflit tradition/discrimination n'est pas à chercher dans une sorte de «juste milieu» entre le sexisme et la xénophobie. Ce serait plutôt d'évaluer chaque situation spécifique en mettant dans la balance les intérêts réels des individus (désirs du discriminateur versus préjudices du discriminé) et en nous libérant des biais ethnocentriques.

lundi 5 juillet 2010

Le culte de la nation

En cette période de fêtes nationales (Québec, Canada, États-Unis, France), il m'apparaît opportun de vous faire par de mon opinion à propos du nationalisme et du concept même de nation. J'avais déjà brièvement effleuré le sujet sur ce blogue, lors de mes réflexions sur l'identité. Mais, certains aspects du nationalisme que j'avais laissés en suspend méritaient d'être approfondis davantage.

D'abord, je tiens à spécifier que pour moi, la nation n'a pas d'existence empirique. C'est un concept abstrait inventé par certains gouvernements. Un sentiment identitaire collectif associé à une série de traits culturels particuliers qui, dans les faits, ne sont que des contingences n'ayant rien de bien spéciales.

Fondamentalement, le mythe de l'État-nation n'est qu'une fiction de plus servant à asseoir la légitimité du pouvoir de l'État sur la base du fait que ses citoyens partageraient soi-disant les mêmes valeurs et la même culture. C'est un mythe qui s'autoconcrétise par le fait que ceux qui y croient vont tâcher de se conformer au stéréotype de leur nation et de marginaliser ou d'exclure ceux qui refuseront de se laisser aller à cette tendance homogénéisante.

La vacuité de la nation n'est pas ce qu'elle a de plus aberrant, c'est plutôt l'arbitraire des traits culturels qu'elle choisit pour se définir. Comme la religion, ces traits pourront être des croyances ou des valeurs précises qui seront érigées en dogmes. Et parlant de religion, la nation se donnera souvent un culte officiel – de façon explicite ou non – et tous deux, nation et religion, se légitimeront mutuellement, tel un roi se faisant couronner par un pape. La langue sera souvent aussi un trait culturel élu par le nationalisme. Cela est compréhensible vu qu'une identité collective se construits plus difficilement sans outil de communication commun. Des nationalistes un peu plus racistes utiliseront également le critère de l'ascendance commune. Les publicités vont souvent tenter d'utiliser ce sentiment nationaliste pour servir leurs intérêts, en nous faisant croire, par exemple, qu'un «vrai Québécois» doit boire telle sorte de bière. Bref, au final, on se retrouve avec toutes sortes de petites contingences culturelles ou généalogiques dont la somme constituera le credo de notre nationalisme.

Personnellement, depuis le non-événement des accommodements raisonnables et depuis que j'ai assisté à une séance de la Commission Bouchard-Taylor, j'ai décidé de me dissocier «identitairement» du Québécois. De toute façon, comme je n'aime ni le hockey, ni le jambon, comme je ne suis pas catholique et comme je ne partage pas les «valeurs communes» requises, je ne suis pas un Québécois. C'est tout de même surprenant à quel point les membres d'un groupe semblent ressentir viscéralement le besoin de s'autostéréotyper pour se définir collectivement lorsqu'ils croient que leur identité commune est en péril. Au point que même des gens qui y sont depuis toujours ne se sentent soudainement plus inclus. En voulant définir d'une manière moins floue notre identité collective, on ne peut qu'en retrancher certaines de ses parties.

Quand on y pense, le nationalisme utilise notre népotisme intuitif pour qu'on l'étende à un groupe majoritairement composé de parfaits inconnus. En nous faisant voir que nos concitoyens sont «comme nous», on a l'illusion de les connaître ou de faire partie de la même famille. Ça permet de créer l'illusion d'unité et de cohésion dans un groupe d'individus qui ne se connaissent pas et qui sont foncièrement différents les uns des autres. Sérieusement, combien de gens je connais au Québec? Disons que je connais trois cents personnes, sur le huit millions de Québécois. Ça fait quoi? 0,0004%? Donc 99,9996% de la population me sont totalement inconnus et on veut me faire croire que ce sont «mes frères» simplement parce qu'ils aiment le hockey et mangent de la tourtière? Non mais, prenez-moi pas pour un cave quand même…

De mon point de vue, il m'apparaît complètement futile d'utiliser ce genre de raisonnements pour instaurer un sentiment d'appartenance commun au sein d'un État. Lorsque l'État choisira finalement de se dissocier de toute tradition – à l'instar de ce qu'il fit avec les religions – peut-être sortirons-nous enfin des débats puérils et vide de sens comme celui sur le port du voile. Je vois davantage le gouvernement comme une entreprise avec qui j'ai des transactions qu'une famille à laquelle j'appartiens, mais cela ne m'empêche pas d'être un très bon citoyen. Et, je ne tire personnellement aucune fierté du fait d'être né quelque part.