lundi 5 juillet 2010

Le culte de la nation

En cette période de fêtes nationales (Québec, Canada, États-Unis, France), il m'apparaît opportun de vous faire par de mon opinion à propos du nationalisme et du concept même de nation. J'avais déjà brièvement effleuré le sujet sur ce blogue, lors de mes réflexions sur l'identité. Mais, certains aspects du nationalisme que j'avais laissés en suspend méritaient d'être approfondis davantage.

D'abord, je tiens à spécifier que pour moi, la nation n'a pas d'existence empirique. C'est un concept abstrait inventé par certains gouvernements. Un sentiment identitaire collectif associé à une série de traits culturels particuliers qui, dans les faits, ne sont que des contingences n'ayant rien de bien spéciales.

Fondamentalement, le mythe de l'État-nation n'est qu'une fiction de plus servant à asseoir la légitimité du pouvoir de l'État sur la base du fait que ses citoyens partageraient soi-disant les mêmes valeurs et la même culture. C'est un mythe qui s'autoconcrétise par le fait que ceux qui y croient vont tâcher de se conformer au stéréotype de leur nation et de marginaliser ou d'exclure ceux qui refuseront de se laisser aller à cette tendance homogénéisante.

La vacuité de la nation n'est pas ce qu'elle a de plus aberrant, c'est plutôt l'arbitraire des traits culturels qu'elle choisit pour se définir. Comme la religion, ces traits pourront être des croyances ou des valeurs précises qui seront érigées en dogmes. Et parlant de religion, la nation se donnera souvent un culte officiel – de façon explicite ou non – et tous deux, nation et religion, se légitimeront mutuellement, tel un roi se faisant couronner par un pape. La langue sera souvent aussi un trait culturel élu par le nationalisme. Cela est compréhensible vu qu'une identité collective se construits plus difficilement sans outil de communication commun. Des nationalistes un peu plus racistes utiliseront également le critère de l'ascendance commune. Les publicités vont souvent tenter d'utiliser ce sentiment nationaliste pour servir leurs intérêts, en nous faisant croire, par exemple, qu'un «vrai Québécois» doit boire telle sorte de bière. Bref, au final, on se retrouve avec toutes sortes de petites contingences culturelles ou généalogiques dont la somme constituera le credo de notre nationalisme.

Personnellement, depuis le non-événement des accommodements raisonnables et depuis que j'ai assisté à une séance de la Commission Bouchard-Taylor, j'ai décidé de me dissocier «identitairement» du Québécois. De toute façon, comme je n'aime ni le hockey, ni le jambon, comme je ne suis pas catholique et comme je ne partage pas les «valeurs communes» requises, je ne suis pas un Québécois. C'est tout de même surprenant à quel point les membres d'un groupe semblent ressentir viscéralement le besoin de s'autostéréotyper pour se définir collectivement lorsqu'ils croient que leur identité commune est en péril. Au point que même des gens qui y sont depuis toujours ne se sentent soudainement plus inclus. En voulant définir d'une manière moins floue notre identité collective, on ne peut qu'en retrancher certaines de ses parties.

Quand on y pense, le nationalisme utilise notre népotisme intuitif pour qu'on l'étende à un groupe majoritairement composé de parfaits inconnus. En nous faisant voir que nos concitoyens sont «comme nous», on a l'illusion de les connaître ou de faire partie de la même famille. Ça permet de créer l'illusion d'unité et de cohésion dans un groupe d'individus qui ne se connaissent pas et qui sont foncièrement différents les uns des autres. Sérieusement, combien de gens je connais au Québec? Disons que je connais trois cents personnes, sur le huit millions de Québécois. Ça fait quoi? 0,0004%? Donc 99,9996% de la population me sont totalement inconnus et on veut me faire croire que ce sont «mes frères» simplement parce qu'ils aiment le hockey et mangent de la tourtière? Non mais, prenez-moi pas pour un cave quand même…

De mon point de vue, il m'apparaît complètement futile d'utiliser ce genre de raisonnements pour instaurer un sentiment d'appartenance commun au sein d'un État. Lorsque l'État choisira finalement de se dissocier de toute tradition – à l'instar de ce qu'il fit avec les religions – peut-être sortirons-nous enfin des débats puérils et vide de sens comme celui sur le port du voile. Je vois davantage le gouvernement comme une entreprise avec qui j'ai des transactions qu'une famille à laquelle j'appartiens, mais cela ne m'empêche pas d'être un très bon citoyen. Et, je ne tire personnellement aucune fierté du fait d'être né quelque part.

3 commentaires:

  1. Je suis fondamentalement d'accord avec ce que tu avances. Le seul problème que je pourrais avoir se trouve dans ta conclusion. Je ne pense pas que l'État ne doit qu'être une institution avec qui on fait des « transactions ». Qu'est-ce que l'État doit être? Le protecteur de certains droits. Ne me méprend pas. Je ne parle pas ici de droit venant de nul part, mais de droit qui se trouve dans le fondement de la dite nation. L'État a aussi d'autres rôles qui ne sont pas transactionnel... ne penses-tu pas? Qu'elles sont les rôles de l'État selon toi?

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  2. En effet, le terme «transactions» était probablement mal choisit. Ce serait plus une sorte de contrat social. Pour moi l'État a deux rôles :
    1 - Posséder et entretenir un territoire;
    2 - Veiller à ce que tous les besoins de sa population puissent être comblés adéquatement;

    Si je fondais un nouveau pays ce serait sur ces deux bases que serait rédigée sa constitution. Toutes les interventions de l'État (ou ses absences d'interventions) découleraient de ces deux fonctions. Bien sûr, une certaine déontologie pourrait s'ajouter à cela pour moduler les actions de l'État.

    Je parlais de transactions parce que, pour moi, on finance l'État (via taxes et impôts) pour qu'en échange il remplisse ces deux fonctions. C'est donc une transaction comme quand je paye le commis du dépanneur pour qu'il me donne une barre de chocolat. Simplement, c'est une transaction plus vaste et plus fondamentale.

    En ce sens, on peut dire que l'État est une entreprise. Le nationalisme est sa principale stratégie marketing.

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  3. "En ce sens, on peut dire que l'État est une entreprise. Le nationalisme est sa principale stratégie marketing."

    J'aime bien cette phrase!

    J'ajouterais par contre que les traits culturels que tu mentionnes sont quand même plus forts que ce qui pourrait apparaître. Ça me fascine toujours de voir que des inconnus connaissent les mêmes choses entre eux, et je déteste quand on prend pour acquis que je devrais connaître une chose. Ça m'inquiète de voir que la culture est comme un "tronc commun" d'une population, ça me semble mauvais à long terme.

    J'insisterais peut-être sur le fait que ces points communs peuvent exister (même s'ils ne sont pas partagés par l'ensemble de la population, évidemment) et que, s'ils sont trop nombreux, ils peuvent être très discriminatoires envers ceux qui s'écartent de ce tronc. C'est une stratégie marketing qui fonctionne peut-être trop.

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