samedi 14 août 2010

Définir le bien et le mal

Il est une réaction que je vois souvent lorsque j'explique à quelqu'un ce que sont pour moi le bien et le mal. Quand je dis que faire le mal c'est causer une souffrance à autrui sans que ça ne soit essentiel à notre bonheur, on me répond:
«Comment sais-tu que c'est ça le Mal? C'est un postulat que tu fais. Tu prends ça pour acquis mais tu n'as aucune preuve que c'est vraiment ça le Mal.»

En fait ce n'est pas un postulat. C'est pire! C'est une définition. Je choisis d'utiliser un mot qui existe déjà mais qui est flou pour définir une réalité qui est couverte par l'étendu de cette définition floue.

Le problème d'après moi c'est que des mots comme «Bien» et «Mal» sont connotés dans notre culture et auront, pour cette raison, une définition plus large que celle que je voudrais leur donner. Implicitement, même si je limite ma définition à «Mal=Souffrance», on leur donnera une signification supplémentaire, associant le bien à ce qu'il est autorisé de faire et le mal ce qui est interdit (selon la loi ou selon une divinité quelconque). Or l'univers n'a pas de charte des droits. Ce qui est permis ou défendu ne le sera qu'à l'intérieur d'une subjectivité quelconque. Il n'y a pas de Mal dans l'absolu. Le Bien et le Mal n'existent pas comme des substances. Ce ne sont que des mots.

Ayant l'expérience de la souffrance, nous savons qu'elle est indésirable. Mon éthique n'est donc que l'extension à autrui de notre quête du bonheur (altruisme). J'utilise le mot «mal» uniquement pour parler d'une transgression de ce principe éthique, sans porter de jugement de valeur ou quoique ce soit du genre.

Mais le pire c'est que les gens seront souvent d'accord avec moi sur le fond mais débattrons sur la forme. Car si je reformule mon affirmation en substituant le mot «mal» par la définition que je lui donne, tous seront d'accord avec moi. Si je dis «Cette action cause davantage de souffrances qu'elle n'apporte de bonheur», on approuvera. Mais si je dis «Cette action est mal» on me reprochera mon manque de relativisme.

J'en conclus que je devrais peut-être simplement cesser d'utiliser les termes «bien» et «mal». Si je me contente de parler de bonheur et de souffrance, j'arriverai tout aussi bien à faire comprendre mon éthique et il me sera plus facile de la défendre. Au pire, j'utiliserai des qualitatifs comme «égoïste», «arbitraire» et «inconsistant», et mon interlocuteur décidera si son éthique personnelle réprouve ou non ce genre de chose.

6 commentaires:

  1. Pour moi, c'est évident que le bien et le mal doivent être définis dans tout contexte; autrement, j'assume une définition semblable à celle que tu proposes (ou simplement remplacer par "souhaitable" ou "indésirable" pour le bien commun).

    Le problème je pense est que tu utilises un concept qui est associé souvent à un point de vue transcendant, "dicté par des règles au-dessus du monde", alors que tu proposes un point de vue immanent, qui émane des actions des individus. Peut-être spécifier simplement que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de règle transcendante qu'il n'y a pas de règle possible.

    RépondreEffacer
  2. billet très pertinent. Je suis assez d'accord avec cela et, généralement, j'entends Bien et Mal comme "souhaitable" et "indésirable".

    Je trouve aussi (car j'en suis aussi victime) assez étrange l'accusation de ne pas être assez "relativiste". Oui, certes, il faut une dose de relativisme, mais je suis triste de voir dans que le relativisme est devenu une position tenable et non un outil de réflexion.

    RépondreEffacer
  3. Wouaohhh ! Définir le bien et le mal ou même le bonheur et la souffrance : vaste programme !
    Vous dites : « Si je dis «Cette action cause davantage de souffrances qu'elle n'apporte de bonheur», on approuvera »
    Alors prenons un exemple concret qui a fait et fera encore couler beaucoup d’encre et de salive : les vaccinations.
    Aux yeux de certains, elles servent à protéger une population des atteintes des méchants virus ou microbes. Mais ces vaccinations ne sont pas sans risques puisque les états reconnaissent la possibilité d’accidents vaccinaux (certains mortels, d’autres handicapants à vie) dont certains sont susceptibles d’être indemnisés par les états.
    Hyppocrate, le « père » de la médecine, disait : « Premièrement ne pas nuire » Alors, en conscience, peut-on nuire à quelques uns si c’est pour en rassurer d’autres ? Peut-on, doit-on, causer volontairement de la souffrance chez certains pour éviter une souffrance (hypothétique) chez d’autres ?

    RépondreEffacer
  4. L'analogie avec le vaccin n'est pas tout à fait bonne puisque l'on ne peut pas savoir d'avance qui fera une mauvaise réaction au vaccin et il n'est même pas certain qu'il y en aura. On ne sacrifie donc pas le vacciné ayant des effets secondaires néfastes pour éviter une souffrance à tous ceux qui bénéficieront des bienfaits du vaccin. C'est plus l'individu lui-même qui prend une chance.

    Comme les chances d'avoir des effets secondaires néfastes graves suites à un vaccin sont ridiculement faibles comparées aux chances de contracter la maladie (dont les effets sont bien pire), il est logique de procéder à la vaccination pour tous.

    RépondreEffacer
  5. On va sensiblement dévier du sujet, mais si c’est pour y revenir finalement. Allons-y !
    Vous dites :
    "l'on ne peut pas savoir d'avance qui fera une mauvaise réaction au vaccin"
    C’est exact
    "et il n'est même pas certain qu'il y en aura."
    Inexact. Les effets secondaires des vaccins sont recensés par les médecins et répercutés vers les services officiels de la santé. Ces effets vont de la simple réaction allergique jusqu’au coma et plus rarement la mort. Ces chiffres vont officiellement, et selon les pays, de 1 pour quelques milliers à 1 pour quelques millions.
    "On ne sacrifie donc pas le vacciné ayant des effets secondaires néfastes pour éviter une souffrance à tous ceux qui bénéficieront des bienfaits du vaccin."
    Effectivement ce n’est pas POUR comme une cause, mais PARCE QUE comme un effet.
    "C'est plus l'individu lui-même qui prend une chance."
    Pouvez-vous préciser votre pensée, je n’en ai pas saisi le sens ?
    "Comme les chances d'avoir des effets secondaires néfastes graves suites à un vaccin sont ridiculement faibles comparées aux chances de contracter la maladie"
    Pourriez-vous chiffrer ce « ridiculement faibles » ? Et maintenant supposez que ce soit votre enfant qui se trouve parmi ces ridiculement faibles. Votre point de vue resterait-il le même ?
    "(dont les effets sont bien pire), il est logique de procéder à la vaccination pour tous."
    Ca c’est le discours officiel très éloigné de la réalité statistique des services de santé
    Mais le but n’était pas de se lancer sur ce sujet, mais de l’utiliser comme élément de comparaison puisque le sujet était de définir le bien et le mal à partir d’un sujet concret car concernant des millions de personnes. Donc quel pourcentage d’échec est acceptable pour « protéger » autrui lesquels ne sont pas en danger de mort immédiate ? Selon vos propres paroles : « Si je dis «Cette action cause davantage de souffrances qu'elle n'apporte de bonheur», on approuvera.
    La souffrance de qui ? Pour le bonheur de qui ?

    RépondreEffacer
  6. Le point est que si les chances statistiques pour que l'individu souffre à cause du vaccin sont très faibles comparées aux chances statistiques pour qu'il souffre s'il s'abstient de se faire vacciner, alors il vaut mieux choisir le moindre mal.

    Évidemment qu'il n'y a jamais aucune alternative qui m'immunise à 100% contre toute forme de souffrance, la vie est une succession de risques de souffrances potentielles. Même si je regarde des deux côtés avant de traverser la rue, je pourrais aussi bien me faire frapper par la foudre.

    Le but n'est pas de s'immuniser complètement contre toute forme de risques, mais de choisir l'alternative qui minimise ces risques.

    RépondreEffacer