samedi 19 mars 2011

Les droits du père

Il y a eu récemment une discussion à propos de l'avortement sur un forum que je fréquente. Je vous ai déjà entretenu de mon opinion sur l'avortement; ce n'est donc pas de cela dont je vais vous parler ici. C'est qu'il y a un élément qui est arrivé dans la conversation qui a retenu mon attention. Il s'agit du fait que la mère a le pouvoir unilatéral de choisir si elle avorte ou si elle amène la grossesse à terme, tandis que le père n'a pas son mot à dire et doit assumer les conséquences du choix de sa compagne quel qu'il soit. C'est une problématique compliquée. D'un côté, c'est vrai que c'est logique mais d'un autre, c'est vrai que c'est injuste.

En fait, le problème ici tourne autour de la reconnaissance de la paternité. Je trouve que notre culture accorde trop d'importance au «lien du sang» dans sa façon de définir la parentalité. Pour moi le parent est davantage le tuteur que le géniteur. Mais il est vrai que cela pose problème pour savoir qui est le «propriétaire» d'un embryon, puisqu'à ce stade il ne peut avoir de «parents» au sens de «personnes qui l'élèvent». Il faudrait donc se demander comment attribuer ce statut.

À la base, je dirais que la personne qui porte un embryon devrait avoir la pleine souveraineté sur celui-ci (c'est-à-dire, pouvoir décider d'avorter ou non) et être considérée comme son parent une fois l'enfant mis au monde, et ce même si cette personne n'est pas la génitrice de l'enfant (elle pourrait avoir eu recours à un don d'ovule). Ce serait la situation «par défaut» mais je propose qu'elle puisse être modifiée via un «contrat parental» ou lorsque la personne a été jugée inapte à élever des enfants.

Je me dis que si c'est à la personne qui porte l'enfant que revient le choix de mener la grossesse à terme ou d'avorter, le père de son côté, s'il ne peut pas forcer la mère à avorter ou à garder l'enfant, devrait pouvoir choisir de ne pas être légalement le père s'il ne veut pas d'enfant. En fait, il faudrait éviter qu'une femme puisse contraindre un homme à devenir père s'il ne le veut pas, tout en évitant qu'un homme puisse laisser croire à une femme qu'il va s'occuper de l'enfant puis fuir ses responsabilités à la dernière minute.

C'est pour cette raison que je me dis qu'il devrait exister un genre de contrat entre les parents pour se signifier mutuellement qu'ils partageront les responsabilités parentales. Et, que ce contrat devrait être signé avant la date limite légale pour l'avortement (il pourrait même être signé avant la conception… disons jusqu'à un an avant la naissance). De cette façon, tout est clair pour tout le monde et personne ne peut fuir ses responsabilités ni en imposer à l'autre contre son gré. Si la mère sait qu'elle devra élever son enfant en monoparentale avant qu'il ne soit trop tard pour avorter, son choix de mener la grossesse à terme est plus éclairé que si son partenaire change d'idée deux jours avant l'accouchement. Une fois que ce contrat est signé, il ne serait plus permis pour la mère d'avorter sans l'accord du père (car l'enfant est dès lors celui des deux parents et plus seulement celui de la mère) à moins que sa propre santé ne soit compromise.

Je vois d'autres avantages secondaires à une telle mesure. Par exemple, on règle la question de la paternité une bonne fois pour toute. Le père est celui qui a signé cette entente avec la mère, et ce même si l'on découvre plus tard que le géniteur est un autre homme avec qui la mère a eu une aventure. Quoique cela pourrait peut-être être contrariant pour certains… Peut-être devrait-on intégrer une clause à ce contrat parental qui permettrait de le résilier suite à un résultat négatif à un test génétique de paternité. Mais je mettrais une date limite pour qu'interviennent ce genre de considérations biologiques. Disons que dès que l'enfant a un an, les tests génétiques ne pourraient plus annuler le contrat parental. À l'inverse, un géniteur ou une donneuse d'ovule qui aurait été écarté par la mère du contrat parental mais qui voudrait avoir des droits sur l'enfant, aurait lui aussi jusqu'au premier anniversaire de l'enfant pour que la génétique soit un argument valable en sa faveur. La logique serait qu'un bébé de moins d'un an est peut-être trop jeune pour que quelqu'un prétende «l'avoir élevé» et utilise cet argument pour s'en déclarer le parent; d'où la pertinence de faire intervenir un autre critère tel que la filiation génétique.

Un autre avantage c'est que ce contrat permettrait de régulariser le travail des mères-porteuses. Elles pourraient utiliser une version particulière de ce contrat pour renoncer complètement à leurs droits sur l'embryon (le droit parental par défaut revenant à la porteuse et non à celle qui fournit l'ovule) aux profits des parents pour qui elles travaillent. De la même façon, une personne qui voudrait donner son enfant en adoption à un couple de qui elle est proche et en qui elle a confiance pourrait procéder de la même manière.

Cela permettrait également de faciliter les choses pour les couples homoparentaux. Par exemple, dans un couple de femmes, celle des deux qui ne porte pas l'enfant aurait ici le même statut que le père, c'est-à-dire un second parent que le parent par défaut (la porteuse) reconnaît comme tel. On pourrait également permettre la polyparentalité si l'on autorise la porteuse à donner à plus d'une personne le titre de parent.

Mais bon, c'est une proposition en l'air comme ça. Honnêtement je parle pas mal à travers mon chapeau ici puisque, avant d'écrire ça, je n'ai même pas pris la peine de savoir comme ça fonctionne actuellement. Il se peut que les droits parentaux soient déjà attribués de manière tout à fait correcte.

1 commentaire:

  1. En tout cas, s'il existe déjà quelque chose du genre, c'est très bien gardé secret...

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