jeudi 26 juillet 2012

Pour une démocratie éclairée

Il y a un désavantage évident à être une démocratie. Demander son opinion à la masse n'est pas un gage de faire le meilleur choix possible avec les conséquences les plus désirables pour tout le monde. Au contraire, on constatera qu'une population ne choisit pas nécessairement l'option la plus avantageuse pour elle-même. En fait, quelque soit la question abordée, une foule comportera logiquement moins de spécialistes que de profanes, moins d'instruits que d'ignorants et moins de génies que de sots. C'est ce qu'on pourrait appeler le «côté sombre» de la démocratie.

Ma proposition est la suivante: Avant de laisser un citoyen voter, on devrait lui faire passer un petit examen afin de s'assurer qu'il comprenne la situation sur laquelle il s'apprête à faire un choix. S'il ne connaît pas les principaux partis ou s'il ne sait même pas qui est le premier ministre actuellement, je ne vois pas en quoi le laisser voter est utile. Si l'on ne laisse pas quelqu'un conduire sans permis ou pratiquer la médecine sans diplôme, je ne vois pas pourquoi on le laisse voter comme ça. Avant d'accorder une responsabilité importante à une personne, il est nécessaire qu'elle démontre ses compétences. Mon but est que notre démocratie devienne une démocratie éclairée, c'est-à-dire où le peuple voterait de façon responsable en étant pleinement conscient des conséquences de ses choix.

Voici comment je vois ça:

  • L'électeur potentiel se présente au bureau de scrutin de son comté.
  • Une fois dans l'isoloir, il y trouve un ordinateur dont l'écran affiche un message de bienvenue s'adressant à lui par son nom complet.
  • Après avoir appuyé sur une touche, il peut consulter brièvement un tableau de révision qui lui rappelle tous les points qu'il doit savoir par cœur pour être en mesure de voter.
  • Une semaine plus tôt, il a déjà reçu par la poste un tableau semblable afin de pouvoir l'étudier d'avance.
  • Donc après avoir révisé ce tableau, lorsqu'il se sent prêt, l'électeur peut entamer l'examen. Il constate alors que celui-ci est d'une extrême facilité. Des questions claires et des choix de réponses qui ne sont pas ambigus. En plus, l'examen est pratiquement un calque du tableau de révision que l'électeur vient d'étudier.
  • Une fois complété, l'examen est corrigé instantanément par l'ordinateur. L'électeur a ensuite accès à la correction de ce dernier (qu'il ait réussit l'examen ou non) afin de pouvoir apprendre de ses erreurs et afin de s'assurer que sa note est juste.


En cas d'échec, il peut cliquer sur la touche «recommencer» pour tenter de passer l'examen à nouveau, autant de fois que nécessaire pour réussir. Ce serait seulement en cas d'abandon que le citoyen ne pourrait pas voter. Pourquoi laisser l'individu réessayer jusqu'à ce qu'il réussisse? Après tout, lorsque l'on était à l'école, on n'avait qu'une chance de réussir nos examens. Mais le but ici est différent de celui de l'école. On ne veut pas qu'une personne maîtrise parfaitement une connaissance au point de la conserver toute sa vie. Le but ici est que l'électeur ait ce savoir au moment où il vote. S'il oublie tout deux minutes plus tard, cela importe peu. L'important est que l'électeur ait les connaissances requises pour faire un choix éclairé, au moment où il a fait ce choix.

Évidemment, la majorité des gens seraient très réticents fassent à une telle proposition. Ils craignent que l'examen ne soit pas corrigé de façon impartiale. Personnellement, je trouve que l'on fait tous déjà un acte de foi incroyable envers ceux qui comptent les bulletins de vote. Ma proposition ne requiert pas vraiment plus de confiance en l'impartialité de certains.

Pour certains, la démocratie doit, par définition, faire voter tout le monde. Toutefois, même en ce moment ce n'est pas tout le monde qui a le droit de vote. On ne l'accorde pas aux mineurs ni même aux gens qui viennent tout juste d'emménager ici. Seuls les citoyens majeurs ont le droit de voter. Dans plusieurs pays, pour être citoyen, il faut y avoir séjourné pendant une certaine période de temps ou encore avoir passé avec succès un examen sur l'histoire et l'actualité du pays. Pourquoi? Probablement, entre autres, pour que les nouveaux citoyens soient des électeurs compétents. Ma base ici est la même, sauf que je ne prends pas pour acquis que le fait d'être né ici et d'être majeur va automatiquement conférer à l'individu les connaissances suffisantes pour être un électeur compétent.

D'autres adversaires de cette idée diront simplement: «Plus personne n'ira voter s'ils sont obligés de passer un examen.» Il est sans doute vrai que quelques individus seraient dissuadés d'aller voter car ils trouveraient trop long et trop pénible le fait de passer un examen. Ceux qui se rendraient aux urnes seraient probablement ceux qui tiennent vraiment à voter car ils ont à cœur l'avenir de leur pays. Ceux qui habituellement votent n'importe quoi, ne se donneraient peut-être même pas la peine d'aller passer l'examen, et ce même s'il est très court et d'une facilité ridicule. Bref, le résultat du vote serait une décision éclairée, prise par les gens qui tiennent à l'avenir de leur pays et qui sont près à faire les efforts nécessaires pour y participer activement.

Mais je ne nourris pas trop d'espoir quand à la réalisation d'un tel projet. Les gens ont une conception de la démocratie un peu différente de la mienne. Le droit de vote est sacré pour eux. Ils tolèrent que le gouvernement agisse à l'encontre de la volonté du peuple, à condition qu'il soit réélu tous les quatre ans avec 30% des votes. Ce qui me désole, c'est lorsque les gens votent au hasard ou en suivant leur intuition ou la tradition familiale. Ultimement, c'est celui qui a investi le plus d'argent dans sa campagne électorale qui prend le pouvoir. Poser le plus de pancartes devient plus important que d'avoir un programme utile et réalisable. Ce n'est pas ça que j'appelle donner le pouvoir au peuple.

3 commentaires:

  1. - Dresser un inventaire des questions indispensables pour avoir le droit de voter, c'est déjà opérer un jugement de valeur qui impose à l'électeur une sélection avec laquelle il n'est pas forcément d'accord.
    - Le choix des questions suggère par ailleurs à l'électeur de baser son vote sur des enjeux plutôt que d'autre. Cela donne un pouvoir d'influence au rédacteur de l'examen.
    - Pour faire un examen d'une telle facilité, il faut des questions pratiquement superficielle, ce qui implique qu'on ne s'assure, finalement, pas vraiment de la compétence réelle de l'électeur.
    - Cela ouvre par ailleurs la porte à de nombreux débats sur la difficulté des examens, à imposer éventuellement un examen plus difficile, opérant une confiscation du vote par une certaine catégorie de la population.

    RépondreEffacer
  2. Tout à fait. La faisabilité est problématique, et c'est une objection parfaitement légitime. Beaucoup plus, par exemple, que ne le serait le fait de considérer le droit de vote comme sacré.

    Moi je m'imagine cela comme un test vraiment facile, presque pour s'assurer que la personne n'est pas saoule ou intellectuellement déficiente.

    RépondreEffacer
  3. J'aime bien cette idée. Mais je ferais quelque chose de légèrement différent...

    L'examen comporterait des questions ayant des niveaux de difficulté allant de facile à difficile. En prenant le résultat de la personne, on pourrait lui attribuer un "poids": par exemple, si la personne a 10/10, son vote compte pour 5, tandis qu'une personne ayant 4/10 aura un vote qui comptera pour 2 (Naturellement, il est très facile d'ajuster le poids accordé à l'examen).

    De cette façon les deux derniers points mentionnés par aigueau ne sont plus vraiment des problèmes. En effet, les questions ne seraient pas toutes faciles... ce qui permettrait de mieux départager ceux ayant des connaissances superficielles de ceux ayant vraiment des connaissances approfondies. De plus, même si une personne obtient un résultat très faible, elle pourra tout de même voter (son vote comptera seulement pour moins).

    Et maintenant pour les deux premiers points de aigueau, c'est certain que ça reste un problème. Il serait peut-être possible de ne poser que des questions concernant les plateformes électorales de chaque parti. De cette façon, on pourrait s'assurer que le test soit objectif et que la personne vote pour ce qu'elle veut vraiment, plutôt que de voter pour le politicien ayant plus de charisme.

    C'est certain que seule la connaissance des plateformes est loin d'inclure des concepts fondamentaux de la démocratie éclairée... Surtout que dans ces documents les politiciens font bien des promesses, mais en respectent peu. Mais je considère qu'au moins, avec ce processus, les gens seraient obligés de mieux comprendre ce que chaque parti offre et voteraient de façon un peu plus éclairée.

    RépondreEffacer