jeudi 26 juillet 2012

Prisonnière de sa liberté

Il existe des fortes similitudes mais aussi des profondes divergences entre mon antisexisme et le féminisme de la culture dominante. Entre autres, comme je l'ai déjà dit, j'ai l'impression que le féminisme commun semble ne pas se préoccuper du tout du sort des mâles. Mais également, je trouve que, dans certains cas, c'est la conception même de la femme qu'ont certains féministes qui semble ne pas être la même que la mienne. Pour éclaircir ce point, voici différentes mises en situations. Imaginons que l'on a:
  • Une femme qui choisit volontairement de ne pas avoir de carrière et de rester à la maison pour s'occuper de ses enfants et des tâches ménagères, tandis que son conjoint pourvoie aux besoins financiers de la famille,
  • Une femme qui choisit volontairement de porter le voile,
  • Une femme qui choisit volontairement de se prostituer,
  • Une femme qui choisit volontairement de se marier à un homme ayant plusieurs autres épouses,

Quelle attitude serait vraiment féministe face à chacune de ces situations? Comment devrait-on considérer une femme qui ferait l'un de ces choix? J'entends parfois quelques prétendus féministes qui, non contents de désapprouver le choix de ces femmes, vont jusqu'à dire que dans certains cas on devrait les leur interdire. Dans ce genre de situation, le discours des «ultraféministes» me semble en réalité antiféministe, puisqu'il considère la femme comme une sorte d'enfant, trop stupide pour faire ses propres choix de vie, et qu'il faudrait donc décider pour elle, «pour son bien». Au nom de la liberté des femmes on voudrait enlever aux femmes certaines libertés puisqu'on considère que les femmes qui font ces choix sont forcément contraintes, manipulées ou stupides.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on voudrait interdire certaines activités aux femmes mais toutes partent du même postulat: «Aucune femme sensée ne ferait ce choix» Dans certains cas, il s'agit d'activités issues d'une autre culture (port du voile, polygamie, excision, etc.). On prend pour acquis que les désirs et les aspirations d'une femme occidentale moyenne sont identiques à ceux des femmes de toutes les cultures. C'est une forme d'ethnocentrisme (que l'on pourrait appeler «ethnomorphisme» puisqu'il s'agit d'attribuer à une personne d'une autre culture des traits propres à quelqu'un de sa culture) que de refuser de reconnaître que certains de nos désirs ont été implantés en nous par notre culture et ne sont donc pas nécessairement partagés par tous les humains.

Si l'on répugne à ce qu'une femme se comporte comme une ménagère traditionnelle, c'est davantage parce que l'on a l'impression qu'elle «recule» et parce que l'on a une mauvaise estime des tâches traditionnellement féminines. La problématique d'avant le féminisme, outre le fait que la femme était considérée comme inférieure à l'homme et que les sexes étaient cantonnés à des rôles qu'ils ne pouvaient choisir, était aussi que les rôles de la femme étaient considérés comme inférieurs à ceux de l'homme. Or, si le féminisme s'est attaqué aux deux premiers aspects du problème, il semble avoir maintenu et même utilisé le troisième. Puisque la femme est l'égale de l'homme, elle devait s'émanciper de ces rôles inférieurs auxquels on la confinait. Je trouve que la dévalorisation des tâches traditionnellement féminines est quelque chose contre quoi le féminisme aurait dû se battre, et non quelque chose qu'il devrait prôner.

J'ai déjà défini la liberté comme étant «la capacité d'agir selon nos désirs» indépendamment de ce qui détermine lesdits désirs. C'est possible qu'un conditionnement culturel ou une manipulation psychologique soit responsable d'un choix que fait l'individu, mais notre rôle ne devrait alors pas être de choisir à la place de l'individu. Simplement de l'informer à propos des alternatives, afin qu'il puisse s'émanciper de la tradition. Si une personne persiste à faire un choix de vie qui nous semble aberrant, même après qu'on l'ait éduquée à ce propos, alors on doit présumer que son choix est éclairé et que c'est vraiment ça qu'elle veut faire.

L'antisexisme que je prône veut avant tout la non-considération du sexe d'une personne lorsqu'on lui accorde des droits. Je prône la suppression du sexe en tant que catégorie sociale; la déconstruction des genres. La personne doit pouvoir être libre de faire ses choix sans qu'on lui interdise au nom de son sexe. Après tant d'années de progressisme, on a finit par accepter qu'une femme puisse choisir de faire une activité traditionnellement masculine... acceptons maintenant qu'une femme puisse choisir de faire une activité traditionnellement féminine.

2 commentaires:

  1. "L'antisexisme que je prône veut avant tout la non-considération du sexe d'une personne lorsqu'on lui accorde des droits."

    C'est fou comme c'est difficile à faire comprendre à des gens parfois. Dans une discussion récente où je parlais d'égalité des hommes et des femmes, j'ai dû me défendre longuement d'un homme de paille persistant. On croyait que je voulais que tout le monde se transforme en une sorte d'androgyne n'ayant aucune caractéristique traditionnellement associée à un sexe qui soit dominant! Je ne sais pas pourquoi mais quand je disais que je voulais que les hommes et les femmes soient égaux, on ne voyait pas ce qui me semblait l'évidence, soit que je parlais de droits.

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  2. Tellement! Lorsque j'ai une discussion sur le sexisme mon problème principal demeure toujours de faire comprendre mon opinion. Soit l'on me prend pour un sale machiste, soit on pense à l'inverse que je crois qu'il n'y aucune différence entre un homme et une femme quelles qu'ils soient. Comme si mon opinion n'existait pas à l'intérieur du paradigme de mon interlocuteur qui polarise le débat entre deux visions des choses qui ne sont pas la mienne ni une ni l'autre.

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