dimanche 25 novembre 2012

Les droits du fœtus

Récemment, les Conservateurs ont tenté de rouvrir le débat sur l'avortement en créant un comité pour discuter du statut légal du fœtus. L'idée d'un tel comité ne me dérange pas en soi, ce qui me dérange c'est qu'il soit composé de conservateurs. Un des problèmes, je pense, dans ce débat est la définition du concept d'«humain» que l'on ne dissocie pas suffisamment, voire pas du tout, de celui de «personne». L'autre problème sont les droits que l'on considère inhérents à cette catégorie.

J'ai brièvement abordé la question des droits des embryons et fœtus dans ma réflexion sur l'avortement. J'y disais qu'avant un certain stade de la grossesse, il était absurde de donner à l'embryon plus de droits qu'à une plante. S'il n'a pas encore de système nerveux actif, il ne s'agit pas d'un être et il est par conséquent absurde et anthropomorphiste de lui accorder des droits. J'ajoutais toutefois un bémol en disant que, puisqu'à la veille de l'accouchement, l'enfant n'est pas bien différent de ce qu'il sera au lendemain de sa naissance, il était arbitraire d'y placer là une limite bien tranchée lors de laquelle il passe spontanément du statut d'objet à celui de personne. On tolère qu'une personne en tue une autre seulement si c'est un cas de légitime défense ou si c'est un soldat qui tue un soldat ennemi à la guerre. Or le fœtus n'est pas une personne, ni un objet. Ce serait plutôt comme une sorte de bestiole ou de bête primitive mais qui aurait le potentiel de se transformer en personne. Donc, quels droits devrait avoir un fœtus à partir de la date limite légale pour l'avortement – ce que l'on pourrait appeler l'individuation – et la naissance?

En fait, à ce stade, je donnerais au fœtus un statut juridique qui lui serait propre. Quelque chose qui le distinguerait du simple objet mais qui ne lui conférerait pas pour autant le statut de personne, même s'il est indubitablement humain (comme l'est un cadavre ou un humain en état de mort cérébral). Je me dis donc qu'avant ce point de la grossesse, la porteuse devrait être libre d'avorter sans avoir à rendre de compte, tandis qu'après elle devrait donner une raison et que plus la grossesse est avancée, plus la raison devrait être grave. Ce qu'il faudrait établir c'est une énumération des différents conflits d'intérêts pouvant survenir entre un fœtus et sa porteuse, puis dans quelle situation les intérêts de cette dernière l'autoriseraient à avorter aussi tardivement.

Imaginons qu'un problème médical grave survienne durant la grossesse et nous force à choisir entre la vie de la mère et celle du fœtus. Dans ce genre de situation, la grande majorité d'entre nous ferait passer la vie de la mère avant celle de son futur enfant. Mais plus les risques de complications médicales pour la mère seront faibles, moins il est bien vu qu'elle avorte. Prenons une situation différente. Imaginons que le fœtus se fasse diagnostiquer une maladie faisant en sorte qu'il n'aura jamais d'autonomie, disons un lourd handicap physique ou mental. Accepterions-nous un avortement tardif? Considérant le fardeau que cela risque d'apporter aux parents pour toute leur vie, je considère que ce serait éthiquement correct de les laisser avorter. Mais, la question est beaucoup moins tranchée. Finalement, si la porteuse veut avorter tardivement parce qu'elle n'est plus sûre en fin de compte de vouloir être mère, on le lui refuse généralement.

Tout cela est déjà pas mal comme ça, mais je ne pense pas que le fœtus n'ait pour autant de statut légal spécifique. Le fœtus n'est pas vraiment considéré comme un être pourvu de droits. Dans notre conception des choses, on ne fait pas vraiment de gradation entre une personne et un objet. Pourtant, la démarcation n'est pas si nette, tout est en continuum. Ainsi, il m'apparaît important de créer des catégories juridiques intermédiaires* pour être en cohérence avec la réalité.

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 * De la même façon, il m'apparaît pertinent et nécessaire de créer une catégorie juridique pour l'animal.

jeudi 22 novembre 2012

Un arbre à viande

Éventuellement, la technologie nous permettra de fabriquer de la viande, non plus en élevant des animaux entiers, mais simplement en cultivant des cellules animales pour donner naissance uniquement aux parties que l'on mange. Comme du clonage mais partiel. On clonerait des steaks, des croquettes et du jambon sans qu'aucune vache, poule ou cochon n'ait besoin de venir au monde.

Vu que je suis végétarien, on me demande parfois si je mangerais de la viande qui aurait été produite de cette façon. La réponse est oui. Je n'aurais aucune objection éthique à consommer de la viande produite ainsi. Mon boycott de la viande est dû au fait que sa production implique la souffrance et la mort d'êtres sensibles capables de bonheur et de souffrance et désirant vivre. Créer de la viande déjà viande, sans passer par l'intermédiaire pourvu de sensations, fait tomber complètement cette objection. Je considérerais un animal transgénique acéphale de la même façon qu'une plante.

Je vois également d'autres avantages. Dans une perspective environnementale, ça me semble également bénéfique. L'élevage est une industrie extrêmement polluante. Les déjections surabondantes de nos animaux souillent l'environnement. Le défrichage de forêts pour en faire des pâturages menace les espèces qui y vivent. Nous passer d'élevage et produire la viande en laboratoire réduirait notre empreinte écologique.

Même d'un point de vue économique ça finirait par être rentable. Pour l'instant, ça serait sans doute très coûteux, mais lorsque la technologie sera assez avancée pour que l'équipement requis soit abordable, ça va devenir plus avantageux. Un animal consomme plus de nutriments qu'il n'en produit; non seulement parce qu'une bonne partie de son corps n'est pas consommée, mais aussi parce qu'il faut le nourrir jusqu'à l'âge de sa maturité. Une culture de cellules animales ne présentera plus ce problème. Par ailleurs, tous les coûts reliés au logement, aux déplacements, aux soins et à l'abattage des animaux ne seront plus présents. On y voit donc là une convergence entre les intérêts du producteur de viande, du consommateur de viande et du végétarien éthique.

J'ajouterais que la technologie utilisée pour cloner de la viande sera également utile en médecine. Que l'on clone un foie humain pour une greffe d'organe ou que l'on clone un foie de veau pour le souper du dimanche, c'est la même technologie qui est à l'œuvre… sauf bien sûr que le foie de veau n'a pas besoin d'être fonctionnel. Ainsi, investir dans cette science pourrait se faire sans que l'objectif ultime ne soit la fabrication de viande; ce ne serait qu'un bénéfice indirect.

Cela me fait penser à un constat que j'ai fait, une sorte de tendance. Il semble que plus la science et la technologie progressent, plus notre nuisance (création de souffrance et destruction de l'environnement) augmente. Mais, passé un certain seuil, la tendance s'inverse brusquement et le progrès devient bénéfique. Comme si celui-ci nous donnait le pouvoir d'abord puis la sagesse ensuite.

Bref, ça serait bien que la viande soit produite comme ça. Peut-être même qu'on pourrait créer des végétaux transgéniques dont les fruits seraient faits de chair animale? En attendant l'apparition des arbres à viande, je vais demeurer végétarien.

dimanche 18 novembre 2012

Quoi faire des pédophiles?

Je ne pense pas avoir réellement besoin de vous convaincre qu'il n'est pas correct pour un adulte d'abuser sexuellement d'un enfant. Mais je tiens à spécifier pourquoi, à l'intérieur de mon paradigme éthique, c'est répréhensible. En fait, dans la situation où un enfant est forcé par un adulte de commettre des actes sexuels – que ce soit par la coercition ou par l'influence de son autorité – c'est un geste assez facile à qualifier de non éthique: c'est faire souffrir autrui en lui faisant faire quelque chose qu'il ne désire pas. Mais si l'adulte réussit à convaincre l'enfant que c'est correct? Et si ce dernier ne comprend tout simplement pas ce qu'est la sexualité et qu'il n'y voit rien de perturbant? Cela demeure contraire à l'éthique puisque l'enfant sera affecté par cette expérience lorsqu'il sera plus vieux, à l'âge où il commencerait normalement à s'intéresser au sexe. Bref, comme j'expliquais dans ma réflexion sur les droits de l'enfant, on ne doit pas uniquement considérer les intérêts de l'enfant lui-même, mais aussi ceux de l'individu qu'il deviendra en grandissant.

Une fois que l'on a pris conscience de ce qu'il y a de répréhensible dans la pédophilie, on peut établir des degrés de gravité au sein de ce comportement. Par exemple, on pourrait distinguer celui qui viole un enfant de celui qui vit avec lui une relation de type «couple» dans laquelle l'enfant semble «consentir». On peut également distinguer le fait d'être attiré par les adolescents hypersexualisés du fait de l'être par des enfants prépubères. Dans ces deux situations, les deux alternatives sont graves mais l'une est encore pire que l'autre. Mais la principale nuance que l'on devrait souligner, c'est la distinction entre la tendance et l'acte. Définit-on le pédophile comme étant celui qui est attiré par des enfants ou celui qui a des rapports sexuels avec des enfants?*

Cette distinction me semble majeure pour établir l'attitude que l'on doit adopter, en tant que société, envers ce phénomène dommageable qu'est la pédophilie. S'il est facile de reconnaître comme des criminels les gens qui commettent des actes pédophiles, il est bien moins évident de savoir comment juger une personne qui n'a que la tendance. On ne peut pas l'accuser de crime par la pensée. Et si le fait d'être attiré par les enfants étaient finalement une orientation sexuelle qu'on ne choisit pas d'avoir? Mon premier réflexe serait d'envoyer ces gens en thérapie pour les amener à avoir une vie sexuelle saine et non préjudiciable à autrui. Mais une telle thérapie est-elle possible ou est-ce aussi vain et ridicule que lorsque des religieux prétendent «guérir» les homosexuels? Dans l'éventualité où la pédophilie est une situation psychologique incurable et impossible à prévenir, quoi faire des pédophiles? Devrait-on avoir un registre des gens aux tendances pédophiles? Devrait-il être rendu public? Devrait-on les enfermer préventivement?

Je réfléchissais aussi à la pornographie pédophile. Je n'ai aucune misère à voir ce qu'il y a de mal dans le fait de produire des films dans lesquels on voit des enfants commettre des actes sexuels. Consommer ce genre de film est également mal puisque c'est encourager les producteurs à en faire davantage. Se satisfaire sexuellement en regardant des photos d'enfants nus mais ne faisant rien de sexuel est également répréhensible mais à un degré bien moindre. L'enfant ne souffre pas d'abus sexuel, mais c'est son droit à l'intimité qui est bafoué. Finalement, regarder ou produire un film d'animation réaliste mettant en scène du sexe pédophile mais, évidemment, simulé sans qu'aucun enfant ne soit impliqué dans la production… je n'ai rien de rationnel pour m'opposer à cela.

Ainsi, je me suis demandé si le fait de consommer de la pornographie infantile contribuait à cultiver les pulsions pédophiles ou si, au contraire, cela permettait de les canaliser d'une manière moins dommageable? Dans cette seconde éventualité, n'apparaît-il pas une solution qui nous permettrait de réduire ce fléau? Je me dis que l'on pourrait offrir aux gens à tendance pédophile de s'inscrire volontairement dans un registre totalement confidentiel** qui leur donnerait accès à du matériel pornographique simulant la pédophilie (disons, en animation 3D ou en dessins animés), mais leur interdirait l'accès à certains emplois impliquant d'être trop souvent seuls avec des enfants ou d'avoir une autorité sur eux. Ne serait-ce pas une bonne façon de prévenir les abus sexuels d'enfants? En fait, ma réflexion ici est analogue à celles que je me suis faites à propos de la drogue et de la prostitution, c'est-à-dire que si l'on ne peut pas enrayer la demande pour un phénomène sociale néfaste, on doit tolérer un moindre mal (dans ce cas-ci, la pornographie infantile simulée) plutôt que de nous y opposer totalement et sans aucune flexibilité, car cela n'a pour effet que de rendre le phénomène pire mais clandestin.

J'ai longuement hésité avant de publier cette réflexion. La pédophilie est un thème sur lequel il est difficile de réfléchir en demeurant posé et rationnel. Nous sommes enclins à haïr viscéralement ceux qui s'en prennent à nos enfants ou qui représentent un danger potentiel pour eux. De plus, j'ai l'impression qu'exprimer sa haine des pédophiles est très encouragé socialement et est également une façon pour l'individu de prouver aux autres qu'il n'est lui-même pas pédophile. Bref, il n'est pas très bien vu d'adopter la position selon laquelle le pédophile, tant qu'il ne passe pas aux actes, doit être considéré davantage comme «une personne victime d'une maladie psychologique incurable qu'elle n'est pas responsable d'avoir» plutôt que comme un monstre.

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* Je pense même qu'il serait nécessaire d'instaurer une modification terminologique pour distinguer le «pédophile non pratiquant» de celui qui passe aux actes.

** S'il serait public, il serait très risqués qu'une ancienne victime de pédophile ne choisisse de faire sa propre justice. En fait, même s'il demeurerait confidentiel, il y aurait un risque non négligeable pour que l'un de ceux qui y a accès ne décide de commettre un crime haineux envers les pédophiles recensés.

dimanche 11 novembre 2012

Le culte de l'enfance

Je suis allé à un baptême récemment. Un des points qui m'a marqué dans le discours du prêtre, c'est d'à quel point l'enfant et l'enfance sont idéalisés dans la culture occidentale. On les voit comme symbole de pureté, d'innocence. L'enfant est celui qui n'a pas encore été «corrompu» par la société et qui n'est pas encore attiré par le péché de la chair. L'enfant a la foi aveugle en ce qu'on lui dit; il croit à Dieu, aux anges mais aussi au Père Noël ou à tout ce que les adultes désireront lui faire croire. Les enfants s'émerveillent des choses de la vie, tandis que les adultes sont cyniques et blasés.

J'ai des réserves par rapport à cette conception des choses. En fait j'ai deux principales objections:
  • c'est généralement faux;
  • ce ne sont pas nécessairement des vertus.

Les enfants sont souvent méchants. Ils vont persécuter ceux qui sont différents d'eux. Vont arracher les ailes des mouches. Ils seront égoïstes. Leur «éthique» se limite bien souvent à essayer d'éviter d'être punis. La société ne fait pas que les corrompre, elle leur apprend à penser à autre chose qu'à eux-mêmes. À considérer autrui et pas seulement le plaisir personnel.

Par ailleurs, la candeur et l'émerveillement des enfants leur viennent simplement de leur ignorance et de leur inexpérience. Tout pour eux est nouveau. C'est facile de s'émerveiller face à la nouveauté, ce qui est dur c'est de s'émerveiller devant ce que l'on connaît déjà. C'est plus ça que l'on devrait essayer de cultiver, une capacité à l'émerveillement basée sur la connaissance et la compréhension de la complexité des choses, plutôt que fondée sur une totale ignorance.

Leur «foi» leur vient également de leur manque de connaissances. Étant nouveau dans ce monde, ils s"en remettent à ceux qu'ils croient avoir une meilleure expertise sur la vie, c'est-à-dire les adultes. Mais leur foi est loin d'être aveugle et ils demanderont souvent des preuves ou davantage d'explications avant de croire sur parole tout ce qu'on leur dit. Chaque réponse sera suivie d'un nouveau «Pourquoi?» jusqu'à ce que l'adulte se bute à sa propre ignorance. D'ailleurs, comme je l'ai déjà dit, la foi n'est pas une qualité. C'est un mot inventé par les prêcheurs obscurantistes pour faire passer la crédulité pour une vertu.

Le fait que les enfants ne soient généralement pas encore intéressés par le sexe est sans doute une autre raison pour laquelle on idolâtre leur innocence. Il faut cependant pour cela considérer le sexe comme quelque chose de sale et le désir comme une faiblesse ou une tare. Depuis la révolution sexuelle, cet aspect du culte de l'enfance a clairement perdu de son importance, mais il persiste tout de même un peu, comme une survivance culturelle.

Bref, quand le curé au baptême disait «Soyons comme des enfants!», je ne pouvais qu'être en désaccord. J'aurais plutôt prêché l'inverse: «Cessons d'être des enfants!» car c'est plutôt là qu'est le problème. En tant qu'adultes, nous avons conservé quelques uns des vices de l'enfance comme l'égoïsme, la crédulité et la difficulté à maîtriser ses émotions. L'adulte a pour vertus la raison, le sens des responsabilités, la maturité, l'expérience et l'altruisme. Soyons comme des adultes.

jeudi 8 novembre 2012

Changer l'heure

Nous venons de quitter l'heure avancée et de redevenir à nouveau à l'heure normale. Je veux juste exprimer à quel point je trouve cette tradition absurde. Que l'on s'impose collectivement de perturber notre rythme de vie quotidien à ce point, je ne vois vraiment pas ce que ça a de positif. Certains arguent que c'est pour faire des économies d'énergie en profitant plus longtemps de la lumière du jour les soirs d'été… Je trouve en fait que je me sens plus à l'aise avec l'heure avancée qu'avec l'heure normale. Donc au pire on a juste à rester toute l'année à cette heure-là, ou à s'habituer à ce que l'horloge affiche 13h au lieu de midi lorsque l'on mange. Mais je ne vois pas en quoi c'est pertinent d'avoir une heure différente selon la saison. Ce genre de coutume grotesque et nuisible devrait être abolie.

Fin de cet état d'âme exprimant ma haine du changement d'heure.