dimanche 18 novembre 2012

Quoi faire des pédophiles?

Je ne pense pas avoir réellement besoin de vous convaincre qu'il n'est pas correct pour un adulte d'abuser sexuellement d'un enfant. Mais je tiens à spécifier pourquoi, à l'intérieur de mon paradigme éthique, c'est répréhensible. En fait, dans la situation où un enfant est forcé par un adulte de commettre des actes sexuels – que ce soit par la coercition ou par l'influence de son autorité – c'est un geste assez facile à qualifier de non éthique: c'est faire souffrir autrui en lui faisant faire quelque chose qu'il ne désire pas. Mais si l'adulte réussit à convaincre l'enfant que c'est correct? Et si ce dernier ne comprend tout simplement pas ce qu'est la sexualité et qu'il n'y voit rien de perturbant? Cela demeure contraire à l'éthique puisque l'enfant sera affecté par cette expérience lorsqu'il sera plus vieux, à l'âge où il commencerait normalement à s'intéresser au sexe. Bref, comme j'expliquais dans ma réflexion sur les droits de l'enfant, on ne doit pas uniquement considérer les intérêts de l'enfant lui-même, mais aussi ceux de l'individu qu'il deviendra en grandissant.

Une fois que l'on a pris conscience de ce qu'il y a de répréhensible dans la pédophilie, on peut établir des degrés de gravité au sein de ce comportement. Par exemple, on pourrait distinguer celui qui viole un enfant de celui qui vit avec lui une relation de type «couple» dans laquelle l'enfant semble «consentir». On peut également distinguer le fait d'être attiré par les adolescents hypersexualisés du fait de l'être par des enfants prépubères. Dans ces deux situations, les deux alternatives sont graves mais l'une est encore pire que l'autre. Mais la principale nuance que l'on devrait souligner, c'est la distinction entre la tendance et l'acte. Définit-on le pédophile comme étant celui qui est attiré par des enfants ou celui qui a des rapports sexuels avec des enfants?*

Cette distinction me semble majeure pour établir l'attitude que l'on doit adopter, en tant que société, envers ce phénomène dommageable qu'est la pédophilie. S'il est facile de reconnaître comme des criminels les gens qui commettent des actes pédophiles, il est bien moins évident de savoir comment juger une personne qui n'a que la tendance. On ne peut pas l'accuser de crime par la pensée. Et si le fait d'être attiré par les enfants étaient finalement une orientation sexuelle qu'on ne choisit pas d'avoir? Mon premier réflexe serait d'envoyer ces gens en thérapie pour les amener à avoir une vie sexuelle saine et non préjudiciable à autrui. Mais une telle thérapie est-elle possible ou est-ce aussi vain et ridicule que lorsque des religieux prétendent «guérir» les homosexuels? Dans l'éventualité où la pédophilie est une situation psychologique incurable et impossible à prévenir, quoi faire des pédophiles? Devrait-on avoir un registre des gens aux tendances pédophiles? Devrait-il être rendu public? Devrait-on les enfermer préventivement?

Je réfléchissais aussi à la pornographie pédophile. Je n'ai aucune misère à voir ce qu'il y a de mal dans le fait de produire des films dans lesquels on voit des enfants commettre des actes sexuels. Consommer ce genre de film est également mal puisque c'est encourager les producteurs à en faire davantage. Se satisfaire sexuellement en regardant des photos d'enfants nus mais ne faisant rien de sexuel est également répréhensible mais à un degré bien moindre. L'enfant ne souffre pas d'abus sexuel, mais c'est son droit à l'intimité qui est bafoué. Finalement, regarder ou produire un film d'animation réaliste mettant en scène du sexe pédophile mais, évidemment, simulé sans qu'aucun enfant ne soit impliqué dans la production… je n'ai rien de rationnel pour m'opposer à cela.

Ainsi, je me suis demandé si le fait de consommer de la pornographie infantile contribuait à cultiver les pulsions pédophiles ou si, au contraire, cela permettait de les canaliser d'une manière moins dommageable? Dans cette seconde éventualité, n'apparaît-il pas une solution qui nous permettrait de réduire ce fléau? Je me dis que l'on pourrait offrir aux gens à tendance pédophile de s'inscrire volontairement dans un registre totalement confidentiel** qui leur donnerait accès à du matériel pornographique simulant la pédophilie (disons, en animation 3D ou en dessins animés), mais leur interdirait l'accès à certains emplois impliquant d'être trop souvent seuls avec des enfants ou d'avoir une autorité sur eux. Ne serait-ce pas une bonne façon de prévenir les abus sexuels d'enfants? En fait, ma réflexion ici est analogue à celles que je me suis faites à propos de la drogue et de la prostitution, c'est-à-dire que si l'on ne peut pas enrayer la demande pour un phénomène sociale néfaste, on doit tolérer un moindre mal (dans ce cas-ci, la pornographie infantile simulée) plutôt que de nous y opposer totalement et sans aucune flexibilité, car cela n'a pour effet que de rendre le phénomène pire mais clandestin.

J'ai longuement hésité avant de publier cette réflexion. La pédophilie est un thème sur lequel il est difficile de réfléchir en demeurant posé et rationnel. Nous sommes enclins à haïr viscéralement ceux qui s'en prennent à nos enfants ou qui représentent un danger potentiel pour eux. De plus, j'ai l'impression qu'exprimer sa haine des pédophiles est très encouragé socialement et est également une façon pour l'individu de prouver aux autres qu'il n'est lui-même pas pédophile. Bref, il n'est pas très bien vu d'adopter la position selon laquelle le pédophile, tant qu'il ne passe pas aux actes, doit être considéré davantage comme «une personne victime d'une maladie psychologique incurable qu'elle n'est pas responsable d'avoir» plutôt que comme un monstre.

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* Je pense même qu'il serait nécessaire d'instaurer une modification terminologique pour distinguer le «pédophile non pratiquant» de celui qui passe aux actes.

** S'il serait public, il serait très risqués qu'une ancienne victime de pédophile ne choisisse de faire sa propre justice. En fait, même s'il demeurerait confidentiel, il y aurait un risque non négligeable pour que l'un de ceux qui y a accès ne décide de commettre un crime haineux envers les pédophiles recensés.

7 commentaires:

  1. Je crois qu'il est tout à fait inapproprié de "légaliser" une pornographie infantile simulée (bien qu'en général je ne sois pas nécessairement contre la "légalisation du vice").

    Je crois également qu'il faut un minimum de connaissances sur le sujet pour arriver à une réponse suffisamment juste. Je m'explique. Bien que les causes soient multiples (tant innées que acquises) et que plusieurs soient inconnues, il y a à coup sûr une certaine partie qui est un processus d'apprentissage (lier l'activité sexuelle avec le stimulus qu'est l'enfant). Le fait d'utiliser régulièrement du matériel pornographique infantile pour se masturber ne fera que renforcer ses fantasmes sexuels déviants. Et par le fait même, lorsqu'il se trouvera dans une situation "tentante" il ne résistera pas et passera à l'action. Et justement, en psychologie, une des méthodes pour enrayer la pédophilie est le reconditionnement orgasmique. Il s'agit d'apprendre au pédophile d'associer son désir sexuel à des objets/personnes appropriés. Je crois qu'offrir des cours confidentiels de ce genre serait bien plus utiles.

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    1. http://phys.org/news/2010-11-legalizing-child-pornography-linked-sex.html

      ...the incidence of child sex abuse has fallen considerably since 1989, when child pornography became readily accessible – a phenomenon also seen in Denmark and Japan.

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  2. Si c'est possible c'est clairement l'approche qu'il faut priorisée. J'avais pris pour acquis que l'on ne pouvait pas changer l'orientation sexuelle d'une personne, parce que j'avais entendu dire que les créationnistes gays qui voulaient «guérir» de leur homosexualité demeuraient gays en dépit des «thérapies» qu'ils suivaient. Je me disais que ce devait être la même chose pour modifier l'attirance sexuelle d'un pédophile.

    L'autre élément sur lequel je ne suis pas sûr, c'est si regarder un type de pornographie permet de diminuer (en le satisfaisant partiellement) notre désir pour la pratique sexuelle qu'il présente ou si, au contraire, ça le stimule.

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    1. http://www.psychologytoday.com/blog/cupids-poisoned-arrow/201107/porn-induced-sexual-dysfunction-growing-problem

      Ce n'est pas totalement scientifique, mais cela semble suggéré que l'abus de pornographie diminue le désir et la capacité.

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  3. Phil,

    Quid de la liberté d'expression ? Un écrivain ou un peintre mettant en scène des personnages imaginaires dans une situation imaginaire mais à caractère pédophile devrait donc être condamné alors là même que les victimes sont imaginaires ? Quid des œuvres qui mettent en scène le meurtre ou la torture ? Devrions nous les censurer pour les mêmes raisons ? D'ailleurs, est-il légitime de considérer et traiter tous les pédophiles comme des violeurs potentiels ? Ne somme-nous pas dans le procès d'intention en raisonnant ainsi ?

    Feel,

    "Mais si l'adulte réussit à convaincre l'enfant que c'est correct? Et si ce dernier ne comprend tout simplement pas ce qu'est la sexualité et qu'il n'y voit rien de perturbant? Cela demeure contraire à l'éthique puisque l'enfant sera affecté par cette expérience lorsqu'il sera plus vieux, à l'âge où il commencerait normalement à s'intéresser au sexe."

    Je suis pas vraiment convaincu du fait que la société a aussi sa part de responsabilité dans notre façon de percevoir ce genre de chose. Si on rabâche toute sa vie à quelqu'un qu'il a été victime d'un crime horrible il est probable qu'il finisse par se sentir mal même si au moment des faits il n'en était rien.

    Ps : Il me semble qu'au Japon les mangas à caractère pédophiles sont acceptés et que le taux de viol est moindre comparé à ici.

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  4. Je pense aussi que certains crimes tels que la pédophilie et le viol sont encore pire pour la victime à cause de la conception que l'on s'en fait dans notre culture. En fait, c'est la perception qu'a la victime de l'événement qui est susceptible de le rendre encore plus grave pour elle. Ainsi, une femme qui a beaucoup de détachement par rapport à l'acte sexuelle va sûrement mieux se remettre d'un viol qu'une vierge très chrétienne.

    Ça demeure évidemment un préjudice dans les deux cas, et on ne peut pas non plus dire que le crime soit moins grave dans l'absolu si certaines personnes s'en remettent mieux que d'autre. Si, pour une femme, sa chasteté est quelque chose de très important, la dépuceler de force est une faute très grave envers elle.

    Mais c'est vrai qu'en modifiant collectivement notre conception du fait d'avoir été victime d'un pédophile, peut-être que les victimes en questions auraient plus de facilité à vivre avec une telle expérience.

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  5. Je trouve étrange l'idée d'essayer de rendre moins "grave" un acte comme ça. C'est ridicule de chercher à désensibiliser quelqu'un en n'exprimant pas le dégoût que ça peut nous faire ressentir.

    Cela dit, des sexologues néerlandais ont proposé le même type de légalisation: http://www.lapresse.ca/international/europe/201211/17/01-4594951-pays-bas-legaliser-la-pedopornographie-virtuelle.php

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