mercredi 19 décembre 2012

Je ne suis pas catholique

Une des choses que je déteste, dans la vie, c'est de me faire dire que je suis catholique simplement parce que je suis baptisé, ou me faire dire que je suis chrétien uniquement parce que je suis Occidental. Dans le même ordre d'idée, j'ai lu quelque part récemment l'oxymore «juif athée» pour parler d'un athée issu d'une famille juive. Comme si notre religion faisait partie de nous à notre naissance et que l'on ne pouvait plus s'en défaire.

Je n'aime pas non plus quand on me dit que même si je ne crois pas à Dieu, j'ai quand même sûrement «des valeurs chrétiennes». Non, je n'en ai pas, puisque je suis pour l'égalité des sexes, l'avortement, la contraception et le mariage gay. Et je ne considère pas que d'aimer son prochain soit «une valeur chrétienne» puisque c'est universel à tous les systèmes de valeurs et donc pas proprement chrétien. En fait ça s'appelle l'altruisme donc c'est pas mal la base. Ce n'est pas avoir des valeurs chrétiennes, c'est avoir des valeurs tout court.

Je conclus en vous rappelant quelques définitions:
  • Un chrétien est quelqu'un qui croit que Jésus est revenu d'entre les morts;
  • Un catholique est un chrétien qui croit que le Pape est le porteparole de Dieu sur Terre.

Alors non seulement je ne suis pas catholique, mais souvent la personne qui me dit catholique, comme elle, ne l'est pas non plus…

jeudi 13 décembre 2012

Les droits des bestioles

Je suis en train de réfléchir à ce dont aurait l'air une charte des droits de l'animal. Ma réflexion n'est pas encore aboutie à ce sujet, mais certaines choses me semblent déjà évidentes. D'abord qu'elle devra faire des compromis entre ses idéaux éthiques et sa faisabilité. Entre autres, l'une des évidences qui me frappe à ce propos est que cette charte ne pourra pas protéger de la même façon tous les membres du règne animal. En fait, la majorité des espèces de cet ensemble ne peuvent réalistement être inclus dans l'objet d'une telle charte. Un chat et un moustique devraient-ils être protégés de la même façon? Une vache et une sangsue? Un gorille et une huître?

Pour cette raison, je la nommerais «charte des droits de la bête», plutôt que «des droits de l'animal». Le mot «bête» serait défini dans un préambule de façon à ce que l'on sache quels animaux sont l'objet de cette charte, et tous les membres du règne animal qui ne sont ni des bêtes ni des personnes seraient appelés «bestioles». Je ne fixerai pas ici l'emplacement exact de cette frontière bête/bestiole mais il faudrait que cela concilie la faisabilité et la logique. Les bêtes pourraient être seulement les mammifères et les oiseaux, ou alors on pourrait ratisser plus large et inclure tous les chordés ainsi que les céphalopodes.

Pourquoi exclure les bestioles de la protection de la loi? D'abord pour des raisons pratiques, il y a tant d'êtres invertébrés dans notre environnement qu'il serait impossible de ne pas leur nuire et, souvent, d'être conscient qu'on leur nuît. Il n'y a qu'à penser aux acariens qui coexistent avec nous mais que l'on tue par milliers à chaque fois que l'on fait le ménage. Ensuite, parce que les bestioles pourvus d'un système nerveux en ont un qui diffère considérablement du nôtre. Plutôt que d'avoir un cerveau, ils ont souvent plusieurs ganglions cérébroïdes. À l'inverse, si je compare le cerveau d'un homme à celui d'un chat, d'un rat ou d'un porc, j'y verrai exactement les mêmes structures. Il est donc un peu plus «métaphysique» de se demander si la mouche souffre comme nous; de la même façon qu'il le serait de se poser la question par rapport à une intelligence artificielle imitant la nôtre ou face à un visiteur extraterrestre. Mais présumer que les porcs puissent souffrir est aussi terre-à-terre que de présumer que les autres humains peuvent souffrir comme moi.

Je trouve d'ailleurs parfaitement fallacieux lorsque quelqu'un utilise cette distinction bête/bestiole que je fais pour tenter de trouver une faille dans mon éthique. Si l'on trace un arbre phylogénétique, on constatera qu'un porc, par exemple, est plus proche de nous qu'un moustique et qu'il est aussi loin du moustique que nous le sommes:


Considérer le porc comme le moustique est aussi absurde qu'il l'était à l'époque du racisme de traiter un Noir comme un porc. Deux humains de deux origines différentes sont plus proches entre eux que des porcs et en sont tous deux exactement aussi éloignés. Le racisme comme le spécisme utilise la logique réductrice du nous/eux et l'applique de façon à considérer tous les «eux» indistinctement et comme s'ils étaient tous aussi éloignés du «nous». La réalité est plus complexe que ça. Donc même si on demeurait prisonniers d'un paradigme éthique fonctionnant par catégories, on pourrait reconnaître que la catégorie commune aux humains et aux bêtes est distinctes de celle qu'ils partagent avec les bestioles, par conséquent que les bêtes sont plus proches des humains que des bestioles.

Mais, personnellement, ce ne sont pas les catégories classificatoires qui m'importe que les attributs individuels qu'elles représentent. Si tous les peuples humains ont le même potentiel d'intelligence (puisque leurs cerveaux sont identiques), tous les mammifères ont le même potentiel de souffrance (puisqu'ils partagent les structures cérébrales qui en sont responsables). Traiter une bête comme une bestiole c'est comme traiter une personne comme une bête.

Soit. Mais traiter une bestiole comme un comme un objet...? Ce n'est pas ce que je préconise mais je ne pense pas que de légiférer sur les droits individuels des bestioles soient pertinents pour l'instant. Mais on peut leur donner des droits collectifs indirects via nos lois protégeant l'environnement par exemple. Ainsi, si écraser une abeille ne serait pas un crime, exterminer toute une population d'abeilles dans un environnement où elles sont responsables de la pollinisation, en serait un. Tuer un membre d'une espèce de bestiole en voie d'extinction serait également répréhensible. C'est sûr que, pour suivre mon éthique personnelle, j'évite de tuer une bestiole lorsque je peux faire autrement. Par exemple, je vais mettre dehors une araignée qui s'est introduite chez moi au lieu de l'écraser, mais je ne pense pas qu'il faudrait condamner pour meurtre celui qui aurait choisi de l'écraser.

dimanche 2 décembre 2012

Abolir la pauvreté

Dans une de mes réflexions précédentes, je vous ai entretenu de mon opinion sur la solidarité sociale. Je la relisais et je me disais que je devrais exposer plus clairement et de façon plus détaillées l'idée que j'y avais exprimée.

Voici donc ce que je propose pour, en quelque sorte, abolir la pauvreté:
  • L'État émet une carte de crédit, disons la carte Solidarité-Québec.
  • Tous les citoyens sont libres d'avoir ou non cette carte de crédit, quel que soit leur revenu.
  • Cette carte n'est utilisable que dans les commerces où l'on retrouve des biens nécessaires pour combler les besoins fondamentaux du citoyen et de sa famille (épicerie, pharmacie, magasins à rayons).
  • Ce mode de paiement est automatiquement désactivé à la caisse du commerçant si la facture comporte ne serait-ce qu'un produit qui n'est pas couvert par la carte Solidarité-Québec (c'est-à-dire, autre que de la nourriture, des vêtements et des produits d'hygiène). Le citoyen doit alors diviser sa commande en deux factures afin d'utiliser un autre mode de paiement pour ses achats non essentiels (alcool, cigarettes, boissons gazeuses, etc.).
  • Il est impossible de retirer de l'argent comptant à partir de cette carte ou de faire un transfert vers un autre de ses comptes. Une personne peut toutefois faire un virement de crédit (ponctuel ou régulier) vers la carte Solidarité-Québec d'un membre de son foyer. Ainsi, l'un peut faire l'épicerie pour toute sa famille.
  • La limite de crédit de la carte est équivalente au montant que l'on estime nécessaire pour les besoins du citoyen pendant deux semaines, sans tenir compte de son salaire mais en considérant le nombre de personnes qu'il a à sa charge et ses besoins particuliers.
  • Un lundi sur deux, l'État se rembourse à lui-même, à la place du détenteur de la carte, le montant qu'il a utilisé.
  • À la fin de l'année fiscale, le citoyen reçoit un genre de T4 qui lui indique combien d'argent l'État a remboursé à sa place sur cette carte de crédit. Il devra donc tenir compte de ce revenu lorsqu'il paiera ses impôts. S'il n'a pas de personne à charge ou de besoin particulier, le citoyen n'a pas à rembourser cette somme lorsqu'il n'a pas d'autre revenu, doit la rembourser intégralement avec ses impôts si son revenu est moyen ou élevé, et n'en rembourse qu'un pourcentage proportionnel à son salaire lorsque son revenu est faible.
  • Toute autre subvention de l'État (bien-être social, assurance-emploi, pension d'invalidité, pensions de retraite, bourse d'étude, etc.) tient compte de l'existence de la carte Solidarité-Québec et est donc réduite de la partie qui servait à payer les besoins fondamentaux de l'individu. Il en va de même pour une subvention qu'un citoyen doit verser à un autre (par exemple, une pension alimentaire).
  • Lorsqu'un mineur à la charge d'une personne inscrite à la carte Solidarité-Québec, atteint la majorité, il est immédiatement inscrit lui-aussi mais sa carte est par défaut configurée pour effectuer un virement automatiquement de tout son crédit sur le compte de son ancien tuteur. Il pourra modifier cela par la suite lorsqu'il quittera le domicile familial.

À cela on ajouterait également une autre mesure distincte pour financer le logement du citoyen. C'est-à-dire que:
  • Le bail devient un contrat entre trois parties: le propriétaire, le locataire et l'État.
  • Le gouvernement s'engage à verser mensuellement au propriétaire une partie du coût du loyer à la place du locataire. Si le logement choisi s'avère moins cher que le montant auquel le locataire a droit, l'État lui paye intégralement mais ne lui donne pas la différence.
  • Ce montant est fixé en fonction d'une estimation des besoins du locataire sans considérer son salaire mais en considérant les personnes qu'il a à sa charge. Dans l'éventualité où une personne doit absolument habiter une ville ou un quartier où les loyers sont plus chers, on pourra lui autoriser un montant plus élevé mais seulement si elle emménage effectivement dans ce secteur. Même principe pour tout autre besoin particulier du locataire. Par exemple, s'il est en chaise roulante il a droit à plus d'argent pour avoir un logement adapté mais seulement si le logement choisi est effectivement adapté.
  • On aura fait parvenir au futur locataire un document qu'il aura donné à son futur propriétaire lors de la signature du bail et qui lui dit à combien il a droit. Le propriétaire fera ensuite parvenir une copie du bail au gouvernement et recevra ainsi une somme d'argent de sa part.
  • Tout citoyen qu'il soit pauvre ou riche a le droit de choisir d'avoir recours à cet aide de l'État ou non. Toutefois, à la fin de l'année fiscale, il recevra un document lui indiquant quel montant le gouvernement a payé en loyers à sa place et, selon son revenu, le citoyen devra rembourser un pourcentage de cette somme avec ses impôts (100% s'il est de revenu moyen ou élevé, 0% s'il n'a pas de revenu).
  • Le propriétaire du logement est tenu d'assurer le coût du chauffage (de toute façon le locataire ne peut pas faire grand chose si son bloc est mal isolé) et de l'inclure dans le loyer
  • Toute autre subvention de l'État tient compte de l'existence de cet aide au logement et est donc réduite de la partie qui servait à payer le loyer de l'individu.
  • Les gens qui sont propriétaires de leur habitat pourrait avoir recours à une aide semblable pour payer leur hypothèque: l'État paierait une partie du montant mensuel directement à la banque.

J'ai exprimé précédemment pourquoi je pense qu'une telle mesure serait nécessaire. Cela nous permettrait d'augmenter les moyens des personnes recevant de l'assistance financière de l'État, tout en évitant à la fois les abus de quelques paresseux (qui se verront contraints de travailler s'ils veulent se payer autre chose que le strict nécessaire) et tout en rassurant les contribuables qui ont en tête ce préjugé du BS paresseux et qui sont pour cette raison peu enclin à accepter que l'on augmente leurs moyens. Tout le monde y gagne. Même principe pour le loyer. Je pense qu'il serait préférable que l'État paye le loyer directement au propriétaire plutôt que de donner de l'argent au locataire parce que les gens moins nantis sont sans doute parfois victimes de discrimination de la part de propriétaires qui ont peur qu'ils ne leur payent pas leur loyer. Grâce à mon idée, le propriétaire est assuré d'avoir au moins une partie de l'argent qui lui est dû, de sorte qu'il sera plus enclin à accepter comme locataire une personne ayant un revenu faible ou étant sans emploi.

J'exagère évidemment quand je dis que je prévois ainsi abolir la pauvreté, n'empêche que la condition des plus démunis en serait nettement améliorée. Malheureusement, les gens de gauche comme les gens de droite s'opposeront à un tel projet de société. Les seconds sont, de toute façon, en désaccord avec toute mesure sociale tandis que les premiers verront celle-ci comme une atteinte à la liberté des démunis d'utiliser l'argent de l'État comme bon leur semble, et comme une façon d'entretenir les stéréotypes sur eux. Je trouve toujours dommage de faire passer les idéologies et les symboles avant les conséquences réelles. Dommage de sacrifier la qualité de vie des plus démunis pour nous sentir, paradoxalement, comme une société guidée par de meilleurs idéaux.

La marchandisation de l'éducation

J'entends souvent, ces temps-ci, les étudiants revendiquer qu'ils s'opposent à la «marchandisation» de l'éducation. J'ai un peu de difficulté à cerner cette expression et ce qu'elle dénonce exactement. Si un enseignant exige qu'on le paye pour faire son travail, est-il en train de «marchandiser» l'éducation? Il me semble que oui. Fait-il quelque chose de mal? Je dirais que non. Ça me semble donc une expression qui dénonce quelque chose au niveau symbolique mais qui n'est pas assez explicite dans la pratique. Même chose pendant la grève étudiante du printemps dernier: J'avais de la difficulté à saisir les revendications exactes des étudiants. Est-ce seulement une opposition contre cette hausse drastique des frais de scolarité? Accepterait-on une hausse plus modérée? Veut-on geler les frais de scolarité pour toujours? Veut-on les réduire? Veut-on les abolir? De quelle façon et sous quelles conditions? J'ai donc récemment approfondi la réflexion que j'avais commencée dans mon billet sur la gratuité scolaire.

Je pense qu'il importe d'abord de définir plus clairement ce que l'on entend par «l'éducation». On devrait distinguer:
  • connaissances fondamentales (savoir lire, compter, etc.),
  • connaissances générales (savoir superficiel d'une vaste diversité de domaines sans nécessairement avoir d'applications pratiques),
  • connaissances érudites (savoir approfondi et très spécialisé n'ayant pas non plus nécessairement d'utilité pratique),
  • connaissances pratiques (compétences permettant généralement de pratiquer une profession),

Ces différents types de connaissances ont des raisons différentes de devoir être préservées et transmises, mais aussi de devoir être accessibles. Elles ont des rôles distincts pour l'individu et pour la société. Ce n'est pas au nom des mêmes principes qu'elles pourraient revendiquer de n'être pas «marchandisées»:
  • C'est un droit inaliénable de l'individu que de recevoir les connaissances fondamentales.
  • C'est une nécessité pour toute société démocratique que sa population ait un minimum de connaissances générales afin que ses choix soient éclairés.
  • Au nom du patrimoine intellectuel de l'humanité, il importe que soient pérennes les connaissances érudites, au moins en étant connues de quelques personnes.
  • Afin que chacun puisse faire carrière dans la discipline de son choix sans être contraint par une discrimination arbitraire envers la classe de revenus de ses parents, il importe que soient accessibles les connaissances pratiques.

Ainsi, je suis évident d'accord avec le fait que l'école jusqu'à l'âge de seize ans, puisqu'elle nous transmet les connaissances fondamentales, doit être obligatoire et gratuite pour tous au même titre que l'assurance-maladie. Pour les connaissances générales et les compétences, sans que ce ne soit aussi nécessaire, c'est également des types de connaissances que je ne «marchandiserais» pas. Leur accessibilité nous est bénéfique en tant que société à la fois au nom du principe d'égalité mais aussi parce que nous désirons avoir une population minimalement instruite et lucide.

Donc c'est surtout au niveau de ce que j'appelle les «connaissances érudites» que j'ai de la difficulté à être d'accord avec ceux qui s'opposent à la marchandisation de l'éducation. Je ne vois tout simplement pas ce qu'il y a de mal à vendre à quelqu'un le service de lui enseigner des connaissances théoriques avancées dans un domaine sans applications pratiques. Ça ne m'apparaît pas comme un droit fondamental de l'individu que d'avoir accès à ces connaissances-là et encore moins de se les faire enseigner dans une université. Évidemment, si on a les moyens en tant que peuple, je trouve que ça serait un très beau projet de société mais, ça demeurerait un privilège et non un droit. Il me semble qu'il y a des choses plus fondamentales qui mériteraient encore plus d'être gratuites. Je pense que la nourriture, le logement et l'électricité devraient passer avant le post-doctorat en études classiques dans la liste de ce que l'État devrait financer.