mardi 8 janvier 2013

Antisexisme et orientations sexuelles

Je vous ai déjà exprimé que je me définissais comme un antisexiste. C'est-à-dire que je prône la déconstruction des genres et la non-considération du sexe d'un individu comme critère pertinent en soi pour quoique ce soit. En conséquence, certains m'ont déjà dit que pour être cohérent avec un tel paradigme, il fallait absolument être bisexuel. Avoir une orientation sexuelle plus ciblée, ce serait discriminer les gens selon leur sexe plutôt que de les considérer avant tout comme des personnes. En fait, le but de ce genre de raisonnement n'est pas tant de prôner la bisexualité pour tous que de démontrer que l'on est tous sexistes.

Je suis en désaccord avec cette conclusion. Pour moi, n'être attiré que par les gens d'un seul sexe n'est pas incompatible avec le fait de prôner l'antisexisme. De mon point de vue, tous les individus sont différents et ont leurs propres particularités. L'attirance sexuelle est, avant tout, une attirance physique. Pour m'attirer, un individu donné doit donc d'abord correspondre à mes goûts physiquement avant que je ne me demande si sa personnalité me convient aussi. Or, il s'adonne que les traits qui m'attirent sont très fortement corrélés avec le sexe d'une personne.

Ma réflexion ici est analogue à celle que je me suis fait dans mon billet contre la parité des sexes. Je suis comme le propriétaire d'une entreprise de déménageur de piano: bien qu'il ne soit pas sexiste, il s'adonne que les seuls employés qu'il engage sont des hommes même si son critère de sélection n'est pas le sexe mais la force physique. De la même façon, il s'adonne que les seules personnes qui avaient ce qu'ils fallaient pour m'attirer étaient des femmes, mais mon critère de sélection n'est pas le sexe comme tel, mais des variables qui semblent fortement corrélées avec le sexe. Même si ce n'est jamais arrivé, peut-être un jour rencontrerai-je un homme qui va m'attirer?

D'ailleurs ce ne sont pas toutes les femmes qui m'attirent. Il y a des femmes qui ne sont tellement pas de mon goût physiquement qu'elles ne peuvent pas m'attirer, indépendamment de leur personnalité, comme si elles étaient des hommes. Et ces mêmes femmes sont très certainement aux goûts d'autres personnes également aux femmes. L'orientation sexuelle n'est donc pas quelque chose d'aussi simpliste que homo/hétéro/bi. Deux personnes considérées de la même orientation ont souvent des goûts différents et, conséquemment, les ensembles représentants les gens qui les attirent se chevauchent mais ne sont pas identiques. Et il y a également une possible diversité dans les types d'actes sexuels que l'on préfère. Bref, pour moi il y autant d'orientations sexuelles qu'il y a d'individus.

Ainsi, oui, mon antisexisme implique la déconstruction des identités sexuelles autant au niveau du genre de l'individu que des identités liées à l'orientation sexuelle. Je m'oppose donc de la même façon au fait de véhiculer et d'entretenir des stéréotypes et des identités collectives sur les sexes que sur les orientations. Par exemple, je suis contre la parade de la fierté gay (et la façon dont les médias la couvrent) parce que je considère qu'elle a surtout pour effet de donner une image erronée ou, disons, trop étroite et trop extravagante des homosexuels. Cela contribue très certainement à renforcir les préjugés chez les homophobes, et cela fait en sorte que les jeunes gays sont moins enclins à sortir du garderobe ou à se reconnaître comme gay, puisqu'ils ne s'identifient pas à cette image stéréotypée que véhicule l'événement.

Mais bref, en aucun cas mon antisexisme n'implique d'instaurer une parité des sexes chez mes potentiels partenaires sexuels.

7 commentaires:

  1. Tout à fait d'accord avec l'idée générale, les gens ne comprennent plus la tension entre l'individuel et le collectif effectivement, et le féminisme ne peut par définition être antisexiste. Quelqu'un qui te dit que pour pouvoir être antisexiste il faut être bi ne comprend pas qu'il est lui-même sexiste. Car si l'antisexisme est contre la discrimination basée sur le genre, il est aussi contre la discrimination basée sur la sexualité !
    Enfin les majorités ont toujours été stupides, même dans les plus beaux moments historiques, et la plupart des gens ne sont capables que de réciter des mots qu'on leur a mis dans la bouche, c'est dommage mais j'avoue être assez pessimiste... Enfin la vérité n'a pas de prix, n'oublions pas qu'on n'avait pas le droit d'être de gauche sans être stalinien (LE destructeur du socialisme avec Mao) chez les ouvriers, ou sans vénérer Pol Pot dans la petite bourgeoisie en 68 (bon je caricature un peu certes mais...). On peut être tranquille pour ce qui est de ne pas être féministe ou masculiniste ("genriste" bref) aujourd'hui ! D'autant plus que le féminisme devient un truc lâchement sécuritaire et complètement "social-libéral" (enfin de droite quoi) pour l'essentiel, mais c'est dans la logique des choses, car participant d'une logique identitaire il ne pouvait rester indéfiniment réellement ancré à gauche. Le logique sécuritaire crée le mal qu'elle prétend combattre à mon avis, mais la plupart des gens ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre comment fonctionnent réellement les choses. En effet si certaines personnes s'ouvraient à la vérité elles pourraient risquer d'être mal vues par leur "camarades", vilipendées, voilà comment la bêtise se génère indéfiniment malheureusement ! Par la terreur ! Surtout lorsque celle-ci croit vraiment elle-même dans ce qu'elle croit à force d'obligation et n'a même plus l'air d'une terreur ! La plupart des gens ont une conscience à retardement, empirique, et il faut qu'un danger commence à les menacer sérieusement pour qu'ils s'en rendent compte, bref lorsque c'est déjà trop tard (cf le Canada ou les USA avec son triste "masculinisme" à bien des égards assez traditionnaliste face à un féminisme tyranique, et confondant souvent marxisme et féminisme, matérialisme et idéologie fascisante). Les masculinistes jouent le jeu de l "-isme" (que les féministes leur ont mis dans la bouche) et ont le défaut de prendre trop au sérieux les prétentions des féministes au modernisme, au marxisme etc., du coup ils pensent que pour enrayer le mal il faut être rétrograde ! Le féminisme est un sexisme qui a marqué des points historiques en chapeautant le mouvement des femmes et c'est pourquoi on peut facilement blâmer ceux qui s'y opposent. Mais soyons courageux et vive l'antisexisme qui pose un problème au pouvoir, surtout en temps de crise, car non-divisant ! Ce qui est drôle c'est que le type de femme qui aurait été antiféministe hier (craintive, légèrement pétasse) devient féministe aujourd'hui et vice-versa ! C'est parce que le féminisme a su rapprocher les sexes dans et pour la lutte, pour l'émancipation du genre humain, malgré ses théorisations erronée, et poser une première pierre dans l'histoire de l'antisexisme qui ne fait que commencer, mais qui devra prendre garde dorénavant à bien lutter contre tous les "-ismes" à l'instar de l'antiracisme (qui n'est pas un "-isme") !

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  2. Intéressant, "Antisexisme", ton texte me fait un peu la même impression que ceux de "Feel O’Zof" : une bonne moitié de réflexions très justes à mes yeux, et des conclusions à l'opposé des miennes.

    - "le féminisme ne peut pas, par définition, être antisexiste"

    Ça fait plaisir de lire des phrases courtes qui ne s'emberlificotent pas pour dire le juste. ;)

    - "participant d'une logique identitaire, [le féminisme] ne pouvait rester indéfiniment réellement ancré à gauche"

    C'est clair dans la prémisse comme dans la conclusion. De même, dans l'actualité française, il est aberrant que ceux qui se disent de gauche soutiennent le projet de mariage homosexuel, qui manifeste une vision hyper-individualiste d'une société structurée par les désirs des individus et la réification et la technicisation de la procréation. Une seule organisation de gauche, et même d'extrême-gauche, a choisi de privilégier la vérité sans trop de crainte de "risquer d'être mal vus par leurs 'camarades' ". C'est l'ARS-Combat, l'Alliance révolutionnaire et socialiste (http://www.ars-combat.fr/journal/article/combat-39-article-480.html)

    - "voilà comment la bêtise se génère indéfiniment malheureusement ! Par la terreur !"

    Pas la "terreur" imposée ; c'est pire, c'est la peur auto-entretenue, assortie d'un matérialisme (au sens non philosophique mais commun) au ras des pâquerettes qui n'offre aucune vision positive de sortie de la peur. C'est du même ordre que la "servitude volontaire" entretenue encore aujourd'hui par ceux-là mêmes qu'elle asservit, comme dans la fable de La Fontaine "Le Loup et le Chien".

    - "La plupart des gens ont une conscience à retardement, empirique, et il faut qu'un danger commence à les menacer sérieusement pour qu'ils s'en rendent compte"

    Bon, ça, c'est la nature humaine, on est quasiment tous comme ça, au niveau individuel comme collectif.

    oOo

    Et puis il y a ce à quoi j'objecte :

    - "Tout à fait d'accord avec l'idée générale, les gens ne comprennent plus la tension entre l'individuel et le collectif effectivement"

    Eh bien il est urgent de la leur faire comprendre à nouveau ! Et si c'était la seule ! La condition humaine est faite de tensions diverses, le plus souvent entre deux pôles dialectiques comme ceux-ci. C'est pesamment chiant et long à y voir clair sur les meilleurs équilibres, mais jeter tout ce qui structure le collectif pour se débarrasser de ce rude challenge est d'une inculture et d'un manque de courage rares.

    - "Les masculinistes jouent le jeu de l "-isme" et ont le défaut de prendre trop au sérieux les prétentions des féministes au modernisme, au marxisme etc., du coup ils pensent que pour enrayer le mal il faut être rétrograde !"

    Ouh là, voilà le genre de sentence décevante après de fines analyses ! ;-> Je suis masculiniste modéré, je vais bientôt lancer mon blog masculiniste, et ce n'est pas l'écume dont tu parles qui me fait adopter cette démarche, mais bien les attaques en règle qui ne faiblissent pas de la nature masculine et qui dépassent désormais largement les bornes de l'acceptable.

    Le pouvoir corrompt tout le monde ; les féministes ont mené un beau combat historique qui s'est conclu par un gain de pouvoir manifeste pour les femmes (principalement moral, mais la contrainte morale peut être encore plus étouffante que la contrainte physique et celle-ci succède en général à la conquête d'un pouvoir, même dans le cas des femmes) ; certaines factions sont gagnées par l'ivresse que tout pouvoir est susceptible de donner et rêvent à déconstruire la moindre pierre qui ait joué dans la domination masculine au cours des siècles.

    .../...

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  3. .../...

    Cette démarche n'est "rétrograde" que s'il est établi que le cours actuel des choses est progressiste, ce qui n'a été argumenté sérieusement et de façon convaincante par personne. Mais comme tu le dis bien, "lorsque [la bêtise] croit vraiment elle-même dans ce qu'elle croit à force d'obligation et n'a même plus l'air d'une terreur", c'est encore pire, il n'y a même plus besoin de fournir l'argumentation qu'on a jamais fournie : à force de bourrage de crâne des mêmes prétendues vérités pendant 30 ans, elles sont prises pour argent comptant.

    - "Mais soyons courageux et vive l'antisexisme qui pose un problème au pouvoir, surtout en temps de crise, car non-divisant"

    "Courageux" ? Pour soutenir les options "qui ne risquent pas d'être mal vues par les camarades" ? "Non divisant" ?? Tu rigoles, ou quoi ? La France était prétendument complètement clivée et c'était Sarkozy le responsable et Hollande allait décliver tout ça, et le 1er projet de loi d'importance qu'il lance met plus de gens en pétard et dans la rue que jamais sous Sarkozy ?

    Ça n'est pas "au pouvoir" que toute cette idéologie mal étayée "pose un problème", les gouvernants n'en ont plus assez pour opposer une parole politique ferme à tous ceux qui réclament ceci ou cela, sinon je vais sur ma grue, sinon je m'immole, sinon je bloque tout le boulot des autres, etc. Ils gèrent au moins mal et c'est pas terrible, ça manque de courage, ça manque cruellement de vérité. C'est au petit peuple de tous les hommes que ça pose un problème qu'il devient urgent de corriger, et si "le pouvoir" ne le peut pas (on sait que Hollande lui-même n'est pas franchement favorable à un tel bouleversement et n'en fait usage que tactiquement), eh bien le peuple est parti pour.

    - ""C'est parce que le féminisme a su rapprocher les sexes [...]"

    Si le féminisme a rapproché les sexes, c'est tout de même d'emblée en condamnant les attributs masculins. Quand j'ai eu 18 ans, en 1971, on ne pouvait plus vraiment devenir un homme, on était historiquement forcé d'aller puiser dans la part féminine de sa nature d'homme pour exister quelque part.

    Le féminisme a été une lutte pour acquérir un supplément de pouvoir et d'autodétermination pour les femmes ; sa version française était éclairée, mais sa version américaine -- comme tu le sous-entend -- était carrément hargneuse et pathologique (Valerie Solanas, 1969, "SCUM Manifesto" = "Châtrez-les tous !). C'est malheureusement cette branche malade qui a fini par dominer tous les esprits et par déboucher sur encore plus aberrant, la "théorie du genre" de Butler.

    Comme "rapprochement", on fait mieux ! Ou alors c'est à entendre comme "le féminisme a su rapprocher les sexes suffisamment pour qu'ils se foutent à fond sur la gueule" ! ;-D

    Pour conclure, un exemple tout frais de misandrie d'une rare profondeur, dans une pub parue dans "Libération" ce matin même :

    http://www.archive-host.com/link/ca7e0546b486267f006c78ec3c08c88f7e36f0f9.jpg

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    1. Honnêtement, Monsieur Lumbroso, j'ai de la difficulté à saisir votre raisonnement... en gros, vous croyez que, puisque la société a toujours considéré les hommes et les femmes comme foncièrement différents et devant se marier l'un à l'autre, il faudrait continuer comme ça pour toujours parce que...? C'est là que je bloque. Je ne comprends pas pourquoi vous pensez que le mariage gay ou la non-considération du sexe du citoyen par l'État amènerait des conséquences fâcheuses... il manque des étapes.

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  4. Honnêtement, Monsieur Je-ne-sais-pas-qui, il n'est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Vous auriez pu au moins faire semblant de vous intéresser à ce que j'écris, en allant par exemple jeter un oeil à la pub extrêmement misandre à laquelle je faisais allusion en en fournissant le lien -- puisque l'antisexisme est paraît-il une de vos spécialités -- et qui ne suscite aucune désapprobation dans aucun média.

    Un "deux poids deux mesures" tellement flagrant qu'il semble temps de changer carrément de balance et qui atteste bien que le débat est totalement biaisé.

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  5. Pas du tout. Je dénonce très souvent sur ce blog la discrimination envers les hommes. En fait, je pense même en avoir parlé plus souvent que celle envers les femmes. C'est juste que je suis même pas sûr de comprendre la pub en question ni de voir en quoi elle est sexiste... Ça dit «Un homme sur deux est une femme» mais, de ce que je sais, en France vous utilisez souvent le mot «homme» pour dire «humain», non? Donc «Un humain sur deux est une femme» mais oui, c'est vrai. Où est le mal? Peut-être dans l'image qu'il y a en-dessous? Je suis pas sûr de comment l'interpréter.

    J'en ai entendu des bien pire que ça, de la misandrie. J'en ai déjà énuméré quelques uns sur ce blog dans mes réponses à Automne Vivace dans cette autre réflexion. Mais la pire que j'ai entendu, je pense, ce fut la fois qu'un antiféministe a commis une fusillade à l'école polytechnique de Montréal; une féministe notoire avait par la suite affirmé que dans tout homme (mâle) se trouvait le même tueur fou. Fort heureusement, on l'a forcé à se rétracter. Dans les publicités en général je trouve que l'homme est souvent dévalorisé. On le représente presque systématiquement comme le faire-valoir comique, alors que la femme est toujours sage, avisée et tolérante de la stupidité de son conjoint.

    Ce que je déteste de vous les masculinistes et les féministes c'est votre façon simpliste de voir le monde. Les féministes me traitent de masculinistes et les masculinistes de féministes, simplement parce que vous êtes incapable de voir le monde autrement que comme une guerre entre les sexes, et de comprendre ma position qui est pourtant toute simple : je suis contre le sexisme. Je ne suis donc ni contre les hommes ni contre les femmes, je suis contre la discrimination, contre cette guerre absurde entre les sexes.

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