lundi 15 avril 2013

Le masculin l'emporte

En français, lorsque l'on a un groupe qui contient à la fois des sujets masculins et féminins, on doit l'accorder au masculin. Intuitivement, il semble y avoir quelque chose de sexiste là-dedans. Si vraiment notre langue influence notre conception du monde, d'avoir une langue dans laquelle le masculin l'emporte systématiquement pourra imprimer en nous l'idée selon laquelle le masculin est supérieur au féminin, ou que le masculin est un état «par défaut» et le féminin quelque chose de «différent». Toutefois, peut-être que cette conception des genres n'est pas tant dans la langue elle-même que dans la façon dont on nous l'enseigne.

Il y a une nuance entre le genre grammatical et le sexe. Les objets inanimés ont des genres mais pas de sexe. Si l'on essayait d'enseigner la langue en s'efforçant de dissocier le concept de masculin/féminin de celui de mâle/femelle, il n'y aurait rien de sexiste dans le fait que le masculin l'emporte. On pourrait présenter les choses en disant simplement que les deux genres grammaticaux sont des catégories arbitraires, et qu'il s'adonne que les mots «homme», «garçon» et «monsieur» sont dans l'une et que «femme», «fille» et «madame» sont dans l'autre, sans que ce ne soit plus significatif que le fait que «maison» soit féminin et «arbre» masculin.

Sinon, on pourrait introduire un genre neutre, sans même avoir à modifier quoique ce soit dans la langue comme telle, mais seulement dans notre conception de celle-ci. Plutôt que de considérer qu'un adjectif ou un titre est par défaut masculin et que l'on forme le féminin en le modifiant, on pourrait se dire qu'il est par défaut neutre, que le féminin et le masculin se forment tous les deux à partir de la forme neutre, mais qu'il s'adonne que le masculin est presque toujours identique au neutre. De telle sorte que, au pluriel, ce ne serait pas le masculin qui l'emporterait, mais le neutre.

J'aime bien malgré tout que l'on utilise des appellations plus inclusives envers les femmes. Par exemple, dire «Chers Québécois et chères Québécoises…» pour souligner qu'on s'adresse aux deux sexes. Pour savoir si je dois dire la forme masculine ou féminine en premier, je me fis à l'ordre alphabétique. Mais je reconnais que parfois ça peut devenir lourd de toujours nommer les deux genres. En plus, je me dis que de les nommer distinctement comme ça, ça peut peut-être faire sentir qu'ils sont deux ensembles distincts? Si, à la place, on disait une expression qui englobe les deux, par exemple «Cher peuple du Québec», ça m'apparaîtrait encore plus inclusif.

C'est quand même compliqué tout ça. Si moi j'avais inventé la langue, il n'y aurait tout simplement pas eu de genre grammatical. Ça sert à rien.

2 commentaires:

  1. En fait, c'est plus compliqué que ça : on emploie "ils" au pluriel parce que c'est le genre neutre, mais que celui-ci ressemble au genre masculin.

    D'ailleurs, on a en France des féministes qui luttent contre cela, un engagement que je ne trouve pas particulièrement utile.

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  2. C'est vrai. Il faut choisir ses batailles. Par contre, en France, votre dialecte est un peu plus sexistes que le nôtre. Féminiser les noms des titres et des professions, lorsqu'ils se réfèrent à des femmes, comme nous le faisons ici, me semble aller de soi. Utiliser des expressions comme «les personnes» plutôt que «les Hommes» me semble également basique et nécessaire. Mais remplacer tous les «ils» d'un texte par des «ils/elles»... là ça devient lourd.

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