jeudi 19 septembre 2013

Uniformes et codes vestimentaires

La nouvelle charte des valeurs communes du Québec que nous attendions tous n'aura été finalement qu'un nouveau code vestimentaire pour la fonction publique. Déception. J'aimais mieux la mienne. Je ne suis personnellement pas d'accord avec les exigences de cette nouvelle charte mais, je constate en y réfléchissant que mon point de divergence remonte bien plus en amont et se situe par rapport au concept même de code vestimentaire. Je profite donc de l'occasion pour vous faire part de mon opinion à ce propos.

Aimant profondément la liberté et la diversité, je suis intuitivement repoussé par l'idée que tous les individus d'une organisation quelconque soient vêtus de la même façon ou en suivant une même norme rigide. Toutefois, je comprends tout de même l'utilité de ce genre de contraintes dans certaines situations. Je vois trois motifs pour lesquels on impose un code vestimentaire:
  • On veut contrôler l'image de l'organisation face à l'extérieur;
  • On veut contrôler l'hygiène et la sécurité;
  • On veut contrôler les mœurs au sein de l'organisation;

Ainsi, si les deux premiers motifs sont défendables, le troisième me semble une contrainte abusive ayant un but malsain. Je comprends tout à fait, par exemple, qu'un restaurent chic exige de ses serveurs qu'ils soient habillés chics; pour que ceux-ci soient en phase avec l'image de marque de l'entreprise. Je comprends aussi qu'on exige des travailleurs de la construction qu'ils portent un casque et des bottes à cap d'acier sur un chantier pour des raisons de sécurité. Mais pourquoi, par exemple, un employé de bureau qui ne fait affaire avec des clients que par téléphone ou par courriel, devrait-il porter une cravate tous les jours?

Même dans les contextes où les employés font affaire avec le client, je trouve que l'on a tendance à exagérer le pouvoir qu'on laisse à l'entreprise sur la tenue de ses employés. Quand je vais dans un McDo (très très rarement, vu qu'il n'y pas grand-chose de végétarien), et que je vois le tee-shirt de couleur vive avec la casquette assortie que l'on fait porter à ceux qui sont en bas de l'échelle, versus la chemise et la cravate que portent les plus gradés, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les uniformes hideux des gens hiérarchiquement inférieurs servent à les humilier et les casser afin qu'ils demeurent à leurs places. Tout cela découle d'une culture d'entreprise qui ne devrait pas être encouragée, totalement à l'opposé de ma conception qui voit l'emploi comme un simple échange d'argent contre un travail.

Voici donc une suggestion de quelques principes qui devraient être inclus dans les normes du travail afin de limiter le pouvoir d'uniformisation vestimentaire de l'employeur sur l'employé:
  • Sauf pour des raisons d'hygiène ou de sécurité, il est interdit d'imposer un code vestimentaire à un employé qui n'a pas, dans l'exercice de sa fonction, à interagir visuellement avec le publique ou à représenter l'entreprise devant une instance externe;
  • L'employeur ne peut pas faire payer l'employé pour son uniforme et doit lui allouer un budget pour ses vêtements s'il y a un code vestimentaire;
  • Pour tout emploi dont le salaire est inférieur au seuil de faible revenu, il est interdit d'imposer une pièce de vêtement supplémentaire à que ce qui est nécessaire pour que l'employé puisse être reconnu comme tel par le client (par exemple, un tee-shirt ou une veste est suffisant, pas besoin de légiférer sur les pantalons et les chaussures). Si l'employé se situe en permanence à une caisse, derrière un comptoir, ou à tout endroit où son statut d'employé est évident, il peut refuser d'arborer une telle pièce de vêtement.
  • Pour tout emploi dont le salaire est inférieur au seuil de faible revenu, l'employeur ne peut exiger de l'employé qu'il retire un symbole (croix, carré rouge ou autre) seulement s'il s'agit du logo d'une entreprise rivale.
  • Pour un emploi au service à la clientèle, l'employeur peut prohiber le port d'un vêtement qui cache le visage ou réduit sa visibilité, par exemple une casquette, un masque ou un voile intégral.
  • Il est strictement interdit d'imposer un code vestimentaire différent selon le sexe ou l'âge de l'employé, ou tout autre facteur de discrimination arbitraire, incluant la présence de tatouages visibles. On ne peut pas non plus interdire un vêtement traditionnellement réservé à un sexe si l'on autorise un vêtement traditionnellement réservé à l'autre sexe couvrant une portion de peau équivalente.
  • Un uniforme doit toujours comporter un choix d'au moins deux pièces de vêtements pour chaque partie du corps. Par exemple, une chemise à manches longues et une chemise à manches courtes.
  • Le segment du corps délimité par le haut et le bas du sternum, ainsi que celui descendant des hanches jusqu'au haut des genoux, sont des parties que l'employé peut être contraint de cacher par l'employeur (même s'il ne travaille pas avec le public) et que ce dernier ne peut lui contraindre à montrer (je vous rappelle ma réflexion sur la pudeur).

Bon d'accord, c'est juste quelques idées que je lance comme ça pour donner des exemples. Mais, en gros, je pense qu'il faudrait accorder plus de liberté à l'employé pour ses vêtements, surtout pour les jobs mal payées donc pour lesquelles le critère de devoir être chic ne peut être invoqué. Et, je trouve vraiment que c'est ridicule de vouloir contrôler comment s'habille quelqu'un dans ton entreprise si tes clients ne le verront même pas. Voilà. Ici, j'ai parlé des uniformes en utilisant le vocabulaire des entreprises, mais je mettrais des principes analogues pour les uniformes dans une école ou une fédération sportive.

D'accord, mais là vous vous dites: «Oui mais, les employés de l'État eux autres? Si on veut être un État laïc, me semble que c'est logique de leur interdire des signes religieux!»

Pour moi, les employés de l'État devraient, au contraire, bénéficier de la plus grande permissivité possible dans leur code vestimentaire. Afin, justement, d'illustrer perceptiblement à quel point la liberté et la diversité font parties de nos valeurs communes. Et pour ce qui est du cas plus spécifique des signes religieux ostentatoires, je me range à la seule opinion sensée que j'ai entendue sur le sujet ces derniers jours: seuls les fonctions impliquant une position d'autorité sur le citoyen devraient exiger le retrait de ce genre de symboles. En fait, j'aurais formulé ça un peu différemment, j'aurais dit «toute personne en position de pouvoir, d'influence ou d'autorité» et, plutôt que de parler du port de signe religieux, j'aurais dit «manifestant publiquement une trop forte ferveur religieuse» pour ratisser plus large en incluant aussi les paroles et les actions, pas seulement les vêtement. Je considère les enseignants du primaire comme figure d'autorité mais pas ceux du secondaire (puisque l'élève y a plusieurs enseignants au lieu d'un seul toute l'année) ou des niveaux supérieurs (puisque ce n'est plus de l'autorité). Je n'inclus pas non plus les employés de garderie vu que les enfants y sont de toute façon trop jeunes pour réellement y apprendre une religion.

Je ne suis pas non plus d'accord avec le gouvernement pour définir ce qu'est un signe ostensible. Pour moi, une croix quelle que soit sa grosseur est un symbole religieux – tout comme un logo de Nike en demeure un même s'il est petit. Tandis qu'un foulard ou un turban pourrait n'être qu'un vêtement comme une tuque ou un chapeau melon. C'est donc seulement dans les cas où le poste exige un uniforme strict (policier, juge, militaire) avec lequel la pièce de vêtement en question est incompatible que je les interdirais. Je peux présumer toutes sortes de choses mais, dans les faits, je ne sais pas si la femme qui est devant moi se cache les cheveux parce qu'elle se croit inférieure aux hommes, parce qu'elle est fière d'afficher sa foi et sa culture ou simplement parce qu'elle a raté sa teinture.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire