dimanche 8 décembre 2013

L'extinction des livres

Vu que je suis libraire, on me demande souvent si je pense que les livres vont un jour disparaître. Comme on entend parler de ce sujet ces temps-ci à cause de la loi sur le prix unique, je me disais que c'était le temps d'exprimer mon avis là-dessus. Donc, à la question «Est-ce que les livres en papier vont disparaître?» je réponds… oui. Sans l'ombre d'un doute.

C'est inéluctable. Pourquoi? Pour la simple et bonne raison que le principal argument de ceux qui croient que les livres existeront pour toujours est celui de l'attachement émotionnel au produit. Que c'est don l'fun de tenir un livre dans ses mains, que ça sent bon le papier, etc. Nous sommes attachés au livre papier et toute notre vie nous allons continuer à utiliser ce média. Mais nous sommes mortels. Et la génération d'après? Celle qui aura été habituée autant au livre papier qu'au livre numérique? L'objet sera-t-il pour elle aussi imprégné de souvenirs et de nostalgie? Eh non. Le livre papier va donc progressivement reculer et rejoindre les parchemins et les tablettes d'argile. Je dirais que les livres format poche vont disparaître en premier, dans un avenir assez proche, puisqu'ils occupent plus la même niche de marché que les livres numériques. Le livre grand format, par contre, mettra beaucoup plus de temps à sombrer dans l'obsolescence puisque l'aspect esthétique de l'objet est important.

La loi sur le prix unique est utile mais ne fait que repousser la fatalité. Son rôle est que les grandes surfaces (qui ne vendent que des best-sellers mais à prix réduit) ne fassent plus de concurrence déloyale aux librairies. Le but c'est que les livres qui ne sont disponibles qu'en librairies (donc les pas-best-sellers) continuent d'avoir un point de vente. Mais même si les livres deviennent aussi chers dans les grandes surfaces que chez les libraires, encore faut-ils que les clients se rendent dans les librairies. Si tout ce que tu lis ce sont les best-sellers, c'est bien plus pratique de les acheter en faisant ton épicerie. Interdire aux grandes surfaces de vendre des livres auraient été drastique mais plus efficace, mais ç'aurait été sans compter le fait que l'on peut désormais se commander des livres par internet. Et quand tu commandes tes livres par internet, c'est souvent plus tentant de juste télécharger une version que tu peux lire immédiatement, plutôt que d'attendre que passe le livreur qui t'en donnera une version papier. Bref, l'inéluctable mort des librairies accélérera très certainement celle du livre papier.

Mais il ne faut pas voir la mort du livre comme quelque chose de triste, en autant que ce qui meurt n'est que le support. Le contenu va continuer d'exister mais sous une autre forme. La littérature ne mourra pas avec le livre en papier. Bien sûr, ça va changer un peu le contenu aussi. Déjà, j'ai l'impression que l'internet affecte la forme que prennent les livres papiers. On voit de plus en plus de livres écrits au «je», en langage vernaculaire, et découpés en chapitres très courts, comme si on lisait un blogue. D'une certaine façon, que le livre devienne numérique augmente le potentiel de diversité de la littérature. Il y a moins de contraintes au niveau du nombre de pages par exemple, et puisque c'est moins cher pour l'éditeur (qui n'a plus à l'imprimer ni à le distribuer, son rôle ne devient qu'une sorte de sceau de qualité), il n'est plus contraint de n'accepter qu'une quantité limitée de manuscrits. Le numérique permet également d'intégrer au livre du matériel multimédia. Bref, la littérature ne meure pas, ce n'est que l'un de ses supports qui nous quitte tranquillement.

4 commentaires:

  1. je n'aime pas émotionellement l'objet livren ni même le contenu. ca m'est utile.

    Le format poche est très pratique dans certains usages.
    Dans le métro, sur la plage, une liseuse n'est pas si pratique comparé a un livre...
    Le format A4 est pratique pour d'autres usages.
    d'un autre coté la fonction recherche d'un PDf est fantastique.
    J'aime lire un livre en papier, puis y rechercher des informations en PDF...

    l'avenir est peut être d'un coté une imprimante à faible cout qui imprime votre livre dans un magazin, et de l'autre une association entre livre et liseuse.

    a l'opposé la liseuse ou le laptop on signé l'arrêt de mort de la documentation technique papier.
    le livre c'est pour lire d'une traite partout

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  2. On peut aussi ajouter l'argument écologique à la disparition du format papier, à savoir que le passage au format numérique permettra de sauver pas mal d'arbres.

    Personnellement, la seule raison qui me fait préférer les livres aux e-books est le prix (un abonnement à la médiathèque me coûte 2 ou 3 €, tandis qu'une liseuse va chercher dans les 150). Je me demande ce qu'il adviendra des bibliothèques, tiens. Trouveront-elles le moyen de se convertir au numérique ou seront-elles vouées à la disparition ? J'imagine que les grandes bibliothèques choisiront la première voie et les petites la seconde...

    Un article de Cracked en rapport avec le sujet : http://www.cracked.com/article_19453_6-reasons-were-in-another-book-burning-period-in-history.html

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  3. Oui et non pour l'argument écologique. Oui on imprime moins de livre, mais les gadgets électroniques conçus pour lire les livres numériques contiennent des matériaux beaucoup plus polluants et, puisqu'ils sont fabriqués dans une société de surconsommation, ont une durée de vie limitée. Donc je suis pas sûr à quel point c'est plus écologique.

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  4. Je fait parti de la génération qui à connu les livre papier autant que les livre numériques. Je me suis attaché au livre papier au point que souhaite souvent posséder la version papier des livre que j’apprécie le plus, mais le fait que les livres papier sont encombrant et coûteux, lorsqu'en grande quantité, me pousse à acheter mes livres en version numériques.

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