dimanche 16 août 2015

L'innocence et la culpabilité

L'un des piliers de notre système de justice est le concept de culpabilité. On a un accusé, et on essaye de démontrer s'il est coupable ou innocent. On le punira s'il est coupable et le relâchera s'il est innocent. Pour moi, on serait dû pour un petit changement de paradigme à ce niveau. J'abandonnerais, en fait, le concept de culpabilité... J'en ai déjà parlé auparavant mais laissez-moi vous expliquer pourquoi en vous présentant trois petites mises en situations inspirées de scénarios de films de science-fiction connus:

  • A- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour créer des copies parfaites de lui-même, partageant son apparence, ses souvenirs et sa personnalité, mais n'ayant dans les faits rien à se reprocher dans ses actions.
  • B- Une technologie futuriste nous permet de prédire à l'avance, avec une marge d'erreur nulle, quand un crime sera commis et par qui.
  • C- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour modifier sa mémoire, effaçant les souvenirs de ses crimes et aussi ses douloureuses expériences de vie qui l'on mis sur le chemin de la criminalité, reprogrammant ainsi son esprit pour devenir un citoyen modèle. 


Ces trois expériences de pensée nous présentent différents contextes dans lesquelles la culpabilité de l'individu n'est plus corrélée avec sa dangerosité. Ainsi, si mon but n'est que de punir un coupable, je ne peux pas arrêter les clones du tueur dans le scénario A, ou le futur tueur de mon scénario B, même s'ils présentent le même danger pour la société qu'un meurtrier avéré. Inversement, il faudrait mettre en prison le tueur du scénario C même s'il n'est désormais pas plus dangereux que le citoyen moyen. 

Cette justice rétributive n'est pas celle que je prône. Pour moi, justement, c'est la dangerosité qui est à considérer, et non pas la culpabilité comme tel. Cette dernière ne devrait servir que d'un indice nous permettant de déduire qu'un individu a de fortes chances d'être dangereux pour la collectivité. Nous agissons déjà ainsi lorsque nous considérons qu'un individu n'est pas «criminellement responsable» pour des raisons de santé mentale, il échappe alors au système de justice traditionnel et est jugé par la science – si l'on peut dire – puisque ce sont des spécialistes de la santé mentale qui décideront de son sort et s'assureront de lui enlever le pouvoir de nuire à autrui et de le réhabiliter. À l'inverse, lorsque l'on criminalise certaines activités sans victimes directes mais présentant un indice de dangerosité -- telles que de fabriquer une bombe ou de prendre part à un complot -- c'est que l'on reconnaît que ce qui est important pour arrêter quelqu'un n'est pas tant d'avoir causé du dommage dans le passé, mais d'être dangereux dans le futur.

De la façon dont je vois ça, le criminel dangereux devrait être traité comme le porteur d'une maladie contagieuse grave: On lui propose un traitement, avec une mise en quarantaine si nécessaire, en prenant le temps de bien lui expliquer pourquoi cela est pour son bien autant que pour celui de la communauté, puis on le laisse sortir une fois que les risques sont écartés. S'il refuse le traitement, en dépit de nos explications, puisqu'il présente un danger pour la collectivité, il convient de l'isoler et de le traiter contre son gré, qu'il soit ou non «coupable» de sa maladie. C'est pareil avec un criminel dangereux, on veut le réhabiliter, on lui propose de le faire, s'il refuse on le réhabilite de force. Il faut toutefois que les dommages que le criminel pourrait causer constituent un mal supérieur au préjudice que subit sa liberté, d'où la nécessité d'avoir un système carcéral qui minimise la souffrance et maximise la liberté de ses pensionnaires, pour que cette équation soit juste.

À mon sens on devrait toujours agir ainsi. Identifier le problème, en cerner les causes, puis les neutraliser (dans la mesure du possible) et réparer les dommages déjà causés (dans la mesure du possible aussi). Non plus «juger», comme on aime tant le faire actuellement, mais juste dédommager les préjudices subis et éviter leur réitération. La «culpabilité», c'est un concept philosophique dont je me débarrasserais complètement. Trop lié à la croyance au libre-arbitre, qui elle aussi me semble à laisser tomber. Tout comportement délinquant devrait être traité comme un problème psychologique, ou encore comme un bogue dans le système. J'y reviendrai.

dimanche 2 août 2015

Travailler c'est trop dur

La Finlande a récemment annoncé qu'elle instaurerait un revenu universel pour tous ses citoyens, afin de remplacer l'aide sociale et l'ensemble des programmes sociaux. Pour moi, cette idée présente de nombreux aspects positifs et je suis très enthousiaste de voir comment elle sera mis en œuvre. J'ai déjà exprimé depuis longtemps mon opinion sur ce sujet et proposé une idée similaire mais avec quelques bémols; ce n'est donc pas de ça dont je voulais vous parler aujourd'hui. En fait, c'est qu'il y a quelque chose dans l'argumentaire des détracteurs de cette idée qui a attiré mon attention. Un argument qui ressemble à:
«Mais qu'arrivera-t-il pour les emplois peu qualifiés et les tâches ingrates? Plus personne ne voudra les occuper s'ils ne sont plus obligés de travailler pour avoir un revenu, à moins qu'on augmente drastiquement leur salaire et qu'on améliore leurs conditions de travail, ce qui entraînera des coûts pour les entreprises.»

J'ai, personnellement, beaucoup de difficulté à voir ça comme un argument contre le revenu universel. En fait, c'est horrible quand on y pense. Celui qui utilise cet argument reconnaît que certains emplois sont pénibles au point que la seule façon d'avoir des gens pour les occuper est de nous doter d'une classe sociale de pauvres désespérés? D'asservir une caste de démunis à des tâches ingrates avec des salaires de crève-faim et des horaires pas possible ne leur apparaît pas du tout comme quelque chose de problématique? Il me semble que ce n'est pas très loin de l'esclavage.

Je pense qu'il est justement nécessaire que les moins nantis ne soient plus désespérés afin que la transaction employeur/employé devienne un deal équitable, avec un salaire proportionnel aux tâches demandées et des conditions de travail décentes. Si l'on a inventé le salaire minimum, c'est justement pour éviter que des gens trop désespérés ne viennent faire baisser trop bas les salaires et aussi parce que l'on reconnaît qu'il faut un minimum de revenu pour vivre. D'ailleurs, une telle mesure permettrait d'abolir la loi sur le salaire minimum – puisque l'on sera assuré que tout le monde reçoit assez d'argent – tout en, paradoxalement, augmentant les salaires – puisque plus personne n'acceptera d'être mal payé.

J'aimerais que l'on réfléchisse aussi davantage à ce que c'est, dans une société, d'avoir des «tâches ingrates» qui doivent bien être faite par quelqu'un, et à la façon dont on traite les gens qui se dévouent aux dites tâches. Ce n'est pas qu'une question de salaire, je pense. Il me semble que l'on pourrait minimiser les inconvénients pour eux de d'autres façons également, en leur donnant de bons horraires de travail et en limitant à 32 plutôt qu'à 40 leur nombre d'heures par semaine, afin qu'ils puissent s'épanouir dans leur vie personnelle au lieu d'avoir à consacrer tout leur temps d'éveil à leur emploi aliénant. D'ailleurs, j'y reviendrais, mais ça c'est quelque chose qui, je pense, devrait être repensé pour tous les emplois. Mais bref, en attendant que les machines ne puissent s'occuper de toutes ces tâches ingrates donnons au moins à ceux qui les occupent des salaires décents.