jeudi 17 août 2017

Déconstruire les catégories

Je regardais une conversation sur facebook. Je pense que c’est partie d’un article à propos de la demisexualité, c’est-à-dire le fait pour une personne de ne pas être asexuelle mais de ne ressentir le désir que pour quelqu’un avec qui elle a développée une très forte relation émotionnelle. Bref, quelqu’un qui n’a pas autant de libido qu’une personne moyenne mais n’est pas non plus asexuelle. Les réactions dans les commentaires à cet article tournait autour de:
«Mais on est-tu vraiment obligé de donner un nom spécifique à ça? D'étiqueter les gens selon les moindres nuances de leurs préférences sexuelles?»
En fait, je suis d’accord avec cet objection. L’affaire, c’est que je ne la vois pas vraiment comme une objection…

Mais avant de vous expliquer ça en détails, je voulais juste expliciter l’autre opinion car elle est loin de m’apparaître stupide. L’idée c’est qu’en ayant justement une étiquette pour se désigner soi-même d’une manière qui nous semble plus approprié que l’étiquette qu’on nous imposait jusque là, on se sent moins anormal et c’est l’fun, d’où la nécessité de multiplier les étiquettes. Je suis d’accord avec ça! Et c’est justement là que je voulais en venir parce que ces deux opinions ne sont pas des contraires pour moi. 

J’ai fait un dessin pour expliciter mon propos:


Mon idée c’est que le but ultime est bel et bien l’abolition de ce genre d’étiquette réducteur, mais que la multiplication continuelle de ces catégories est le chemin nécessaire vers cette déconstruction.

Par exemple, avant on avait les hommes et les femmes. Être aux femmes faisait alors partie de la définition d’être un homme. On a ensuite inclut les orientations sexuelles dans nos catégories, puis on a dit que certains pouvaient avoir les deux orientations, ou aucune, que certains pouvaient se sentir de l’autre sexe, etc. Et, comme on était habitué d’avoir des identités sexuelles, plutôt que d’abolir notre système binaire initial, on lui a ajouté de nouvelles identités pour toute ces variations.

Ainsi, plutôt que de se sentir une marginalité, voire une anomalie, au sein d’un grand groupe, l’un peut se voir comme la norme d’un plus petit groupe. Éventuellement, cette idée de groupes et, surtout, de normalité, devra être abandonnée. Quand on arrivera au point où chacun sera l’unique représentant de sa propre catégorie, on pourra juste renoncer à l’idée de tout classer comme ça.

La pente glissante c’est que, inconsciemment, en tentant de procéder à une réelle déconstruction des catégories, on ne fasse que toutes les fusionner en une unique supercatégorie. Cette manoeuvre serait alors pratiquement un retour au point de départ. C’est-à-dire que les marginalités au sein de cette catégorie perdraient de leur poids, et que les nouveautés redeviendraient des aberrations. Bref, on retomberait dans une dualité simpliste entre le normal et l’anormal.

La déconstruction ultime se doit donc d’affermir ses principes solidement. On doit réellement être rendu à un stade où le système de classement est si complexe qu’il devient plus simple de prendre pour acquis que chacun est unique plutôt que demander à quelqu’un son étiquette. Donc, de multiplier les catégories et les axes sur lesquels on peut avoir des catégories, est le bon chemin.. En attendant, on peut commencer par abolir les catégories de ce genre dans nos documents officiels par exemple, mais continuer d’accepter que tant que les gens s’obstinent à nous classer dans leurs grosses catégories qui ne nous ressemblent pas, le mieux à faire est de leur opposer nos petites catégories marginales.

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