vendredi 18 février 2011

Suis-je anarchiste?

Je me suis quelque fois demandé si l'on pouvait me définir comme étant un anarchiste ou non. En fait, ça dépend de comment on défini l'anarchisme. À quoi s'oppose-t-il? Jusqu'à quel point s'y oppose-t-il?

Généralement, on considère que l'anarchiste prône l'abolition de l'État. Mais l'État n'est en fait qu'une forme particulière d'institution. La religion et l'entreprise en sont deux autres. On peut presque dire que c'est un arbitraire culturel que de les distinguer. Et, il existe très certainement un spectre plus large de diversité parmi les formes possibles que pourrait revêtir l'institution. Donc l'anarchiste est-il seulement contre l'État ou s'oppose-t-il à d'autres manifestations de l'institution? Historiquement, je pense que l'anarchisme est toujours allé de pairs avec l'anticléricalisme et l'anticapitalisme. On peut donc dire que c'est une opposition contre plusieurs formes d'institutions et pas seulement contre l'État. C'est un point de vue cohérent avec lui-même. S'opposer uniquement à l'État pour qu'il laisse plus de pouvoirs à des institutions moins démocratiques telles que les religions et les entreprises, serait paradoxal si on prétend le faire au nom de la liberté des individus.

Mais à quel degré cette opposition doit-elle être pour qu'on la qualifie d'anarchisme? Voici trois formes que l'on pourrait distinguer:
  • Modérée: S'oppose aux institutions actuelles et voudrait qu'on les réforme ou les remplace, afin d'avoir des institutions du même type (État, religion, entreprise) mais qui pourraient mieux répondre à nos besoins.
  • Moyenne: S'oppose aux institutions actuelles et voudrait qu'on les remplace par de nouvelles formes d'institutions qui pourraient mieux répondre à nos besoins.
  • Extrême: S'oppose à toute forme d'institutions existantes ou potentielles.

Pour moi, l'organisation sociale parfaite serait une «anarchie éclairée», c'est-à-dire une société où les individus seraient si sages et bienveillants qu'il ne serait pas nécessaire d'avoir des institutions pour réguler leurs comportements. Chacun ferait exactement ce qu'il a faire pour optimiser le bonheur de tout le monde. Mais les humains sont trop imparfaits pour cette organisation sociale parfaite. Il m'apparaît donc nécessaire de se doter d'institutions pour pallier à cette lacune du genre humain. Ainsi, je ne suis pas contre l'existence d'institutions; elles sont un vecteur d'ordre indispensable au bonheur collectif. L'anarchie éclairée n'est donc que l'asymptote vers laquelle l'État devrait s'orienter, c'est-à-dire en maximisant la liberté individuelle et en ne la limitant que pour compenser ce manque d'«éclaircissement» chez l'individu. Ce qui implique, aussi, que l'État devrait chercher à favoriser autant que possible l'éducation des citoyens afin de pouvoir se permettre de leur accorder davantage de liberté.

Revenons au trois niveaux d'oppositions aux institutions dont j'ai parlé plus haut. Je pense, donc, que la forme que je qualifie ici de «modérée» n'est pas considérée comme de l'anarchisme. La forme extrême, par contre, l'est très certainement. Qu'en est-il de la forme moyenne? J'imagine que ça dépend des définitions, mais aussi du niveau de puissance qu'elle accorderait aux institutions alternatives qu'elle proposerait. Je me situe personnellement quelque part entre la forme modérée et la forme moyenne. De mon point de vue, il serait positif à long terme de changer éventuellement nos institutions pour de nouvelles formes d'institutions. Je ne suis donc pas vraiment anarchiste même si je pense que l'on devrait essayer de réduire au strict minimum les ingérences de l'autorité sur la liberté de l'individu.