lundi 29 octobre 2018

De la discrimination systémique

Lorsque l’on a voulu faire au Québec une consultation sur discrimination systémique, les détracteurs de cette idée se sont rapidement insurgés arguant qu’il s’agissait là de «faire le procès des Québécois» et que c’était traiter les Québécois de racistes. Et souvent, du même souffle, ils disaient que le mot «systémique» ne voulait rien dire, que ce n’était du jargon d’intellectuel pompeux. Dommage, parce que s’ils avaient compris le sens de ce mot, ils se seraient probablement jetés sur cette idée…

Disons que l’on distingue ces trois formes de discrimination:
  • systémique
  • institutionnelle
  • personnelle

Ce que j’appelle la discrimination personnelle, c’est, comme le nom le dit, quand une personne spécifique est raciste, sexiste, homophobe ou intolérante de quelque chose d’autre. Ce genre de discrimination peut être basée sur n’importe quoi – l’origine ethnique, la main avec laquelle on écrit ou le signe astrologique – et peut aller dans n’importe quelle direction – l’un peut être intolérant envers les hommes blancs hétérosexuels – puisqu’elle est, justement, personnelle. Toute forme de préjugés, de haine ou d’intolérance dont fait preuve un individu à l’égard de ceux qu’il classe personnellement dans une telle catégorie est une discrimination personnelle. Si l’on faisait une consultation publique sur ce genre de discrimination, peut-être pourrait-on parler de «procès des Québécois».

La discrimination institutionnelle, c’est quand la loi elle-même est explicitement discriminatoire. Quand les Noirs, les femmes et les Autochtones n’ont pas le droit de voter ou d’être rémunérés par exemple. Ou, si l’on veut ratisser plus large, ce peut être à chaque fois que la loi considère différemment les individus selon la catégorie dans laquelle elle les classe, voire quand la loi catégorise les individus même si elle les traite indistinctement par la suite. Pour moi, il y a encore du chemin à faire à ce niveau. Tant qu’il y aura une loi sur les Indiens et que mon sexe assigné apparaîtra sur mon permis de conduire, la loi sera discriminatoire, mais c’est déjà beaucoup mieux qu’autrefois. Même que souvent, la loi fait de la discrimination positive pour tenter de balancer la discrimination systémique...

Mais c’est quoi au juste la discrimination systémique? C’est l’ensemble des facteurs qui font que les personnes classées dans des groupes historiquement opprimés sont encore aujourd’hui dans une position défavorable en comparaison avec celles qui sont dans les groupes historiquement dominants. Pourquoi le salaire moyen des femmes est encore en-dessous de celui des hommes? Pourquoi les personnes racisées sont surreprésentées dans les prisons? Comment expliquer ces données factuelles si, justement, ni les gens ni la loi ne sont discriminatoires? Parce que c’est LE SYSTÈME qui est discriminatoire! Et c’est ça le merveilleux de la chose. Dire qu’il y a discrimination systémique, ce n’est pas faire le procès des Québécois, c’est l’inverse! C’est leur enlever la faute pour la mettre sur celle «du système». C’est pourquoi je me dis que si tous ces gens qui avaient peur de la consultation sur la discrimination systémique s’étaient seulement donné la peine de comprendre ce que ça veut dire, ils se seraient volontiers ralliés à cette idée.