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lundi 20 mai 2019

Pour une vraie laïcité

Voici ce qu’il aurait suffit de faire au lieu de la loi 21:

  1. Enlever toute reconnaissance légale spécifique au caractère religieux d’une organisation, d’une croyance, d’un symbole ou d’une pratique (sans nier que des pratiques, croyances, symboles ou organisations soient importantes aux yeux de certains citoyens), ce qui est la définition de la laïcité; 
  2. Redéfinir les codes vestimentaires des employés et cadres des services publics et parapublics pour leur accorder une plus grande souveraineté sur leur corps (qui s’adonnerait à permettre de porter des signes religieux mais vraiment pas juste ça) et modifier les normes du travail pour que les employeurs privés soient soumis à des limites similaires dans leur pouvoir d’uniformisation vestimentaire;
  3. Dans les serments que doivent prêter les représentants de l’autorité de l’État, ajouter une clause d’impartialité spirituelle (qu’aucun «fanatique ayant un agenda secret» ne pourrait réciter sans commettre un blasphème mais que tout croyant modéré et tout incroyant pourraient dire sans s’offusquer);
  4. Faire en sorte que l’école apprenne davantage aux enfants à développer leur pensée critique (afin qu’il soit plus ardu de les endoctriner pour les groupuscules de droite, qu’ils soient islamistes ou néonazis) et à remettre en question leurs propres croyances, et qu’elle leur apprenne également mieux le vivre-ensemble (de sorte qu’il n’y ait désormais plus de débats de société aussi intense pour un sujet aussi trivial) ainsi que les religions mais sous une perspective historique et anthropologique.


C’est tout.

Un serment de modération

Oui, mes concitoyens provinciaux sont encore en train de se déchirer à propos de la présence ô dérangeante de symboles religieux dans leur environnement visuel. D’un côté on a les régions qui voudraient tapisser la province de crucifix et expulser tous ceux qui ne vénèrent pas Jésus (ce qu’ils appellent «la laïcité»), même s’ils n’en ont eux-mêmes jamais à les côtoyer. Et de l’autre on a Montréal qui, habitué à la diversité, veut que les individus puissent s’habiller comme ils veulent, mais trouvent que ça serait peut-être une bonne idée d’arrêter d’accrocher des crucifix dans les lieux publics représentant l’autorité de l’État.

Je comprends l’idée derrière le compromis Bouchard-Taylor. On pense que certains fonctions, notamment celles qui représentent l’autorité de l’État, devrait être neutre, impartial. Mais d’enlever une pièce de vêtement changera-t-il réellement quelque chose à la ferveur religieuse d’un représentant de l’État? Si l’on pense au maire de Saguenay, il n’a pas besoin d’avoir une croix autour du cou pour être un intégriste religieux. Par ailleurs, comme j’ai déjà dit, je ne suis pas fan des codes vestimentaires et je trouve que la situation actuelle est le symptôme d’un nationalisme qui s’érige en religion et qui tente de repousser ses rivales… Bref je propose qu’au lieu de faire une fixation sur comment s’habille le monde, on focalise un peu plus notre attention sur l’ensemble des symptômes de religiosité extrême et qu’on slaque un peu sur l’idée de contrôler le linge.

Comme alternative, je propose qu’on intègre dans les serments ou contrats de travail que doivent réciter ou signer les représentants de l’autorité de l’État, des clauses pour nous assurer d’écarter les intégristes. Quelque chose comme :
« Je conçois que le mandat qui m’est confié ici m’a été donné par la population via la démocratie, et n’est pas l’oeuvre d’une entité surnaturelle qui m’aurait élu pour cette fonction, et que les buts de ce travail sont à l’intérieur de cette vie-ci et non pour une hypothétique vie future. J’accepte donc de remplir ce rôle sans que n’intervienne dans mes choix les croyances que j’ai ou que je n’ai pas à propos du surnaturel, de Dieu ou d'autres entités surhumaines, de la vie après la mort, de la cause première de l’univers, du sens de l'existence, de la morale ou des bonnes mœurs. Je jure de servir les citoyens de la même manière, quel que soient leurs croyances sur ces sujets. J’accepte que si je me rends coupable de discrimination ou que j'utilise la tribune officielle qui m’est confiée ici comme d’un outil de propagande, je puisse subir des sanctions professionnelles allant jusqu’au congédiement. »

Bref, intégrons réellement la laïcité dans l'État et rassurons la plèbe que, non, le gouvernement ne s’est pas fait infiltrer par des méchants extrémistes étrangers qui menacent nos précieuses habitudes.

Pourquoi être contre le voile?

Voici ce que je crois qui se passe.

Des gens, qui se considèrent eux-mêmes comme de bonnes personnes, éprouvent un espèce de sentiment de malaise en face d’une femme voilée ou d’un homme enturbanné. Sachant ne pas être racistes ni intolérants, puisqu’ils n’éprouvent rien de semblable devant un Noir ou un gay, ils rejettent la faute de leur inconfort sur la personne qui se vêt de la sorte… mais un petit doute persiste en eux. Et s’ils étaient vraiment intolérants? Et s’ils étaient de mauvaises personnes? Au malaise initial s’ajoute donc une remise en question de leur propre valeur morale, inconfort encore moins supportable. Conséquemment, pour ne plus avoir à subir ce sentiment désagréable, ils votent des lois pour les aider à avoir le moins possible à interagir avec des voilées et des enturbannés. Ils n’ont rien contre ces personnes elles-mêmes, aussitôt qu’elles enlèvent cette pièce de vêtement exotique, le malaise disparaît. Mais ensuite, pour justifier leur décision, ils utilisent des arguments factices et contradictoires, soit la laïcité ou la crainte de l’islamisation.

La solution n’est donc ni d’argumenter à propos de l’infondé de cette peur de l’islamisation ou à propos du fait que ce n’est pas vraiment ça la laïcité, puisque, de toute façon, ce n’est pas leur vrai mobile. Il n’aide pas non plus de confronter ces personnes en leur disant qu’elles sont racistes puisque, justement, tout ceci est un mécanisme pour fuir l’idée qu’elles seraient racistes. Le souligner ne fera que nourrir leur besoin de se débarrasser des voilées. Le vrai remède serait plutôt de rassurer ces gens quant au fait qu’elles sont de bonnes personnes*, en leur disant que c’est normal d’éprouver un petit malaise à interagir avec quelqu’un présentant un trait que l’on n’est pas habitué de voir, mais qu’éventuellement on finit par s’y accoutumer, et que le sentiment s’en va.

Malheureusement, la loi 21 — et les débats qui en résultent — ne font qu’alimenter le problème. Justifiant l’inconfort de ses partisans envers les minorités vestimentaires, et les campant dans leur position via la réaction de leurs détracteurs qui les traitent de racistes.

Personnellement, je trouve que là où ça va clairement trop loin, où ce n’est plus de la petite xénophobie de malaises mais de l’hostilité pure, c’est quand, par exemple, un habitant d’une région éloignée s’insurge que Montréal veuille être exempt de cette loi parce qu’elle y est difficilement applicable. Bref, lui n’aura jamais à interagir avec des voilées de toute façon, mais il tient tout de même à leur nuire. Là je pense que, oui, on ne peut plus nier qu’il s’agisse d’intolérance.

———
 * Je rappelle que je ne crois pas au concept de bonne ou de mauvaise personne, mais c’est malheureusement le paradigme ambiant,et la situation problématique décrite ici en est l’une des fâcheuses conséquences.

dimanche 6 septembre 2015

Féminisme et climatisation

Il fait très chaud chez moi aujourd'hui, vraiment très chaud. Alors... permettez-moi de vous parler de climatisation. En fait, je vais vous parler du sexisme dans la climatisation des lieux de travail. Le sujet est tiré d'un article du Washington Post qui a ensuite été relayé par Judith Lussier du journal Métro. Le problème présenté est le suivant:
«So there you have it: the gender divide, thermostat edition. All these women who actually dress for the season — linens, sundresses, flowy silk shirts, short-sleeve tops — changing their wardrobes to fit the sweltering temperatures around them. And then there are the men, stalwart in their business armor, manipulating their environment for their own comfort, heaven forbid they make any adjustments in what they wear.»

Donc le sexisme réside dans le fait que la température ambiante des bureaux est ajustée de façon à ce qu'on y soit confortable en portant ce que les hommes y portent habituellement (un suit à cravate) et pas les vêtements portés habituellement par les femmes (vêtues pour la saison). Je voulais vous parler de cette situation parce que, pour moi, c'est un cas typique de ceux qui mériteraient une approche un peu plus «antisexiste» que «féminisme», c'est-à-dire plus axée sur la déconstruction des genres que sur l'amélioration de la condition féminine.

D'abord on perçoit tout de suite que cette situation dénonce plus un inconfort qu'une véritable oppression... mais, pour moi, cela ne la rend pas sans importance pour autant. Je pense qu'il faut prendre conscience de toutes ces situations du quotidien où les gens sont soumis à des contraintes ou des frustrations à cause de leur sexe ou d'une autre catégorie sociale. C'est important parce qu'il n'y a rien qui justifie cela. C'est comme à l'époque où les Américains forçaient les Noirs à s'asseoir au fond de l'autobus: c'est une situation anodine, comparée à l'esclavage ce n'est qu'un léger désagrément, mais ça n'a rien de légitime et ça maintient en vie un cloisonnement néfaste et arbitraire entre des catégories de personnes. Donc c'est sûr qu'avoir froid au bureau est moins pire que de ne pas avoir le droit d'avoir un bureau ou un emploi rémunéré, mais ça mérite quand même que l'on réfléchisse à cette situation. Pour moi, en matière de discrimination, il n'y a pas de problème qui soit insignifiant. 

Ce que je trouve intéressant dans ce problème c'est qu'on nous le présente ici comme une bavure du patriarcat envers les femmes... alors que ce sont les hommes qui en sont les vraies victimes! Je m'explique: dans un contexte formel, une femme possède une grande liberté vestimentaire. C'est sûr qu'elle se doit d'être habillée propre, mais elle a accès à des vêtements et des chaussures variés, tant dans leur esthétique que dans leur adaption à la température. Un homme n'aura pas ce pouvoir. Il devra toujours porté un suit chaud avec des pantalons longs et des chaussures fermées quelle que soit la saison. Conséquemment... lors d'un été caniculaire comme celui-ci, la différence de température entre l'extérieur et l'intérieur est trop significative pour qu'on y porte les mêmes vêtements, qu'on soit homme ou femme. Donc deux solutions:

  • Soit les femmes font comme les hommes et s'habillent plus chaudement même si c'est l'été, ce qu'elles ont déjà parfaitement le droit de faire.
  • Soit les hommes font comme les femmes, c'est-à-dire s'habiller de saison, ce qui serait le choix sensé et nous permettrait de monter un peu la température du thermostat... sauf que les hommes n'ont pas le droit de faire ça!


C'est là que réside le problème. Tout le monde est incommodé de la différence de température excessive entre le dedans et le dehors, mais si l'on ne mettait pas la climatisation aussi forte, les hommes seraient trop accablés par la chaleur et n'auraient pas plus le droit que maintenant de porter des vêtements de saison. Là au moins c'est égal: tout le monde doit s'habiller chaudement même en été. C'est parfaitement stupide, évidemment, et c'est très sain de dénoncer ça. Mais la solution n'est pas d'incommoder encore plus les hommes, en faisant en sorte qu'ils aient trop chaud à l'intérieur comme à l'extérieur, mais ce serait plutôt de leur donner à eux aussi la liberté de montrer leurs épaules, leurs mollets et leurs orteils lorsque c'est l'été. Voilà pourquoi je disais que c'était un problème avec une solution plus «antisexiste» que «féministe», on ne pense pas suffisamment à remettre en question les contraintes sociales auxquelles les hommes sont soumis, même lorsque le problème y tire manifestement sa source. Et pourtant, lorsque l'on est en face d'un désagrément plutôt que d'une oppression systémique, on ne devrait pas s'empêcher d'adopter ce genre de position.

Il y avait une autre perspective du même problème dans le Huffington Post. On y disait que, indépendamment des vêtements, à la même température, la femme aura légèrement plus froid que l'homme, études scientifiques à l'appui. À ce moment-là, oui, il va de soi qu'il faudra faire des compromis pour que chacun puisse ne pas trop être incommodé par la température... mais ça rend le problème des vêtements encore plus flagrant. Logiquement, ce sont les hommes qui devraient être habillés moins chaudement que les femmes puisqu'ils sont, en moyenne, naturellement plus enclins à avoir chaud.

Bref, quand on aura aboli le port obligatoire du suit à cravate pour les hommes (qui, pour moi, symbolise non seulement le patriarcat mais aussi l'ethnocentrisme occidental, puisque totalement inadapté à la chaleur des pays du sud) et que plus personne ne verra d’inconvénients à avoir un dîner d'affaires avec un homme vêtu d'une camisole, de shorts et de sandales, alors là, enfin, les gens pourront avoir un espace de travail dans lequel la température ambiante sera agréable.

mardi 7 juillet 2015

Regarder avec insistance

Un statut facebook récemment diffusé par l'humoriste Jean-François Mercier a suscité un tollé. Il y disait:
«La pensée du jour. S'habiller sexy et se déhancher de manière suggestive dans une discothèque pour ensuite se plaindre des regards insistants des hommes, c'est un peu comme manger de la crème glacée dans un village éthiopien et de dire : "Coudonc calice, pas moyen de manger un cornet icitte sans se faire regarder!"»

Les réactions n'ont pas tardé à fuser, autant pour s'insurger contre de tels propos que pour les défendre. Alors je me suis dit ici que j'allais essayer d'analyser la situation pour faire comprendre aux deux parties ce qu'ils ne semblent pas comprendre de l'opinion de l'autre.

La raison principale de pourquoi un commentaire de la sorte est inacceptable, c'est parce qu'il s'inscrit dans un type d'argument qu'on appelle le slut-shaming. Comme, par exemple, de dire qu'une femme qui se fait violée est à blâmée de son sort puisqu'elle s'habillait trop sexy. Évidemment, l'humoriste ici n'est pas allé aussi loin, il n'a pas parlé de viol, juste de regard. Au fond, il n'a rien dit de si choquant. Mais c'est la similitude avec cet argument, et la pente glissante qui semble y mener, qui rend son propos déplacé.

Mais justement, un autre point de mécompréhension semble résider dans cette nuance subtile entre deux actions, apparemment semblables, mais entre lesquelles existe pourtant la ligne de partage entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Je parle de la distinction entre:
  • Regarder quelqu'un,
  • Regarder quelqu'un avec insistance,

Ça semble la même affaire, mais ça ne l'est pas du tout. Je vais faire une analogie. Je n'aime pas trop celle de la crème glacée employée par l'humoriste, alors je vais en faire une autre, sûrement de tout aussi de mauvais goût, mais que risquent de comprendre les gens concernés. Imaginons quelqu'un qui s'achète une belle voiture de luxe et qu'il l'entretient soigneusement. On peut supposer qu'il sera content d'attirer les regards. C'est sans doute ce qu'il recherche, la raison pour laquelle il s'est acheté un tel véhicule. Mais, si des gens tournent autour de sa voiture dans le stationnement, en s'en approchant beaucoup trop, et en restant là beaucoup trop longtemps, ne serait-il pas normal qu'il s'inquiète qu'on la lui vole ou qu'on la vandalise? Et, s'il se fait suivre en voiture sur une longue distance par un fan de son auto, ne serait-il pas normal qu'il soit inquiet pour sa sécurité? Et est-il obliger de laisser n'importe qui conduire sa voiture juste parce qu'il le lui demande? Évidemment que la fille qui se met belle, qui sort dans les bars et qui danse sensuellement veut se faire trouver belle. C'est normal et il n'y a rien de honteux là-dedans. Mais ça ne veut pas dire qu'elle veut se faire dévisager par un creep pendant des heures ou se faire dire des remarques déplacées.

Par ailleurs, je pense que c'est important de souligner que si, moi, je trouve que la tenue de telle personne est sexy et aguichante, ça reste subjectif. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle-même voit son propre habillement de la même façon. Même chose pour sa façon de bouger soi-disant suggestive. Peut-être qu'elle aime s'habiller ainsi, sortir avec ses amies et danser. Je n'ai pas à présumer de ses intentions. Et, si cette jeune femme précise qu'elle est incommodée par tous ces regards insistants, je n'ai pas à m'imaginer qu'au fond elle pense le contraire. J'ai l'impression que plus la fille est belle, et plus facilement on aura tendance à qualifier son habillement ou son attitude comme «aguichant».


Bon. Maintenant j'aimerais expliquer l'autre versant de la médaille: Quelle est cette émotion dans le commentaire de l'humoriste et que d'autres semblent partager? Je parle de cette colère envers les femmes sexys. D'où vient-elle? Je pense que cette phrase humoristique que j'ai lue dans un mème sur facebook résume très bien la cause de leur frustration:
«The only difference between creep and romantic is if the guy is attractive.»

Ce n'est évidemment pas vrai; c'est de l'humour. Comme je l'ai dit, il y a une distinction entre «regarder» et «regarder avec insistance» qui ne dépend pas du fait que le gars soit attirant. Mais le fait est que certains ont vraiment l'impression que plus le gars est moche, et moins longtemps son regard ne peut durer avant d'être considéré «avec insistance». Même chose pour le fait d'essayer de crouser et de se faire dire que l'on fait une remarque déplacée: si l'autre te trouve attirant physiquement, tu peux dire pas mal d'affaires déplacés avant d'être vraiment considéré comme déplacé. Cette frustration du gars qui ne pogne pas, parce que trop moche ou parce qu'il ne sait pas crouser, est reportée sur la fille parce que le gars a l'impression qu'elle est intolérante envers lui juste parce qu'il est moche. Une sorte de discrimination, finalement, qui le priverait de son droit inaliénable de crouser une fille cute.

En ce qui me concerne, je pense qu'il n'y a rien de mal à essayer de courtiser une personne qui nous attire, même si elle est vraiment trop belle pour nous, il faut juste ne pas trop insister et savoir se retirer quand elle nous a clairement manifesté son désintérêt. C'est peut-être ça aussi le problème: ces gars ne savent pas suffisamment bien interpréter et comprendre les signaux de «ça ne m'intéresse pas» et continuent leur tentative de séduction ou leurs regards insistants au-delà de cette limite. Donc oui, dans certain cas – comme probablement celui du elevatorgate – la personne courtisée est peut-être trop prompte à crier à l'agression sexuelle en face d'une personne qui ne l'attire pas, mais bien souvent c'est peut-être juste que l'individu qui courtise n'a pas suffisamment porté attention aux rétroactions de celle qu'il convoite.

dimanche 6 avril 2014

Dissimuler son racisme

Lorsqu'il est question de la présence de viande casher ou halal dans nos cantines et dans nos épiceries, beaucoup de gens s'insurgent en nous rappelant à quel point ce rituel est cruel envers les animaux. En effet, il paraîtrait que l'animal souffre davantage lors de cet abattage rituel. Et ici, au Québec, la cruauté envers les animaux c'est contre nos valeurs.

Je trouve toujours ça drôle de voir une personne non végétarienne, qui normalement n'en a rien à faire du bien-être animal, devenir soudainement une animaliste engagée lorsqu'il est question de viande halal. Habituellement, elle n'a aucun scrupule à manger les bêtes torturées dans les plus cruels des élevages intensifs, même qu'elle en consomme tous les jours, mais le label halal attise mystérieusement son indignation.

Même chose lorsqu'un macho de la pire espèce devient magiquement un ardent défenseur des droits des femmes lorsqu'il est question de la façon dont elles sont considérées par l'islam. Il n'hésitera pas à rappeler à quel point les femmes ont dû se battre pour acquérir leur égalité, et qu'il serait outrageant que tout cela ne se perdre parce que l'on voudrait accommoder certains immigrants beaucoup trop conservateurs.

Ou encore, quand je vois que des catholiques pratiquants qui, à propos du maire de Saguenay, disaient «laissez-le don faire sa petite prière», deviennent étrangement d'actifs militants pour la laïcité de l'État lorsqu'il est question du port du voile chez les fonctionnaires. En fait, les croyants ne se sont jamais autant prononcés pour la laïcité (et les athées contre) que depuis la sortie de la Charte péquiste.

Tout cela m'agace. Comme lorsque l'on gratte une fourchette sur une assiette. Qu'on instrumentalise comme ça de nobles causes qui me tiennent réellement à cœur, comme l'égalité des sexes, la laïcité ou les droits des animaux, pour dissimuler de façon très peu subtil un sentiment beaucoup moins noble… ça m'agresse.

Car oui, ce qui se cache derrière ce soudain engagement social est ce qu'on appelle communément du racisme, mais que le terme «xénophobie» décrit plus justement. Comme c'est tabou de nos jours de s'afficher ouvertement comme un xénophobe (heureusement!), il est devenu courant de dissimuler sa haine agressive envers les étrangers en la faisant passer pour un militantisme passionnel envers une cause progressiste. Évidemment, toutes les traditions sont sexistes, les autres comme la nôtre. Mais ici, le seul combat qui soit une guerre juste est celui contre le conservatisme, pas celui contre les étrangers. Ça c'est raciste.

samedi 15 février 2014

Ce n'est pas dans le Coran

Lorsque quelqu'un revendique le droit de porter le voile – eh oui, encore ce sujet-là! – au nom du droit à la liberté religieuse, certains arguent qu'on devrait l'interdire puisque ce commandement n'est pas dans le coran ou découle d'une mauvaise interprétation de ce dernier. Par ailleurs, la majorité des musulmanes ne portent pas de voile, plusieurs imams sont même contre, donc on pourrait l'interdire puisque cela n'enlève à personne le droit de croire en l'islam.

Je vois un problème dans cette catégorie d'arguments. En fait, c'est bien d'utiliser la théologie ou l'autorité des écritures saintes ou d'un clergé pour tenter de convaincre une personne d'abandonner une pratique ou un croyance. Utiliser l'origine et la raison d'être sociohistorique des coutumes religieuses est également un bon argument. On pourrait même intégrer ça dans les cours de cultures religieuses, de façon à ce que les gens aient une meilleure perspective sur ces pratiques et puissent s'en émanciper. 

Mon problème est plutôt avec ceux qui veulent interdire une pratique religieuse qu'ils désapprouvent en utilisant le prétexte qu'elle ne fait pas partie de l'interprétation reconnue de la religion. Pour moi, c'est important que la liberté de croyances et d'incroyances soit une liberté pour l'individu. L'État n'est pas là pour déterminer quelles pratiques sont orthodoxes et lesquelles sont hérétiques. Que ce soit dans le coran ou non nous importe peu, puisque nous ne reconnaissons aucune révélation divine. L'opinion des prêtres, des imams ou des rabbins sur le sujet n'importe pas plus que celle de n'importe qui d'autre, puisque nous ne reconnaissons pas l'autorité des clergés. Ça a aussi quelque chose de discriminatoire envers les petites religions non reconnues.

Bref, si l'individu croit que c'est important de s'adonner à telle pratique contraignante, c'est ça sa croyance et il faut le respecter là-dedans. On ne peut pas forcer inutilement une personne à être un mauvais pratiquant selon sa propre conception. Parce que, si nous ne reconnaissons pas le caractère sacré d'un livre ou d'un clergé, nous reconnaissons la liberté individuelle comme «sacrée». Ce n'est donc qu'au nom de celle-ci qu'on peut la limiter. Si on arrive à faire comprendre au croyant qu'il peut abandonner cette pratique, tant mieux. Mais sinon, il sera paradoxalement plus libre en s'obligeant à la faire que si on l'oblige à ne pas la faire.

dimanche 13 octobre 2013

Critique de la Charte péquiste

Apparemment que les gens ne sont pas aussi nombreux que je l'aurais crû à être contre notre nouvelle charte des valeurs chrétiennes québécoises. Je me suis dis que ça valait la peine d'expliquer clairement ma position à ce propos. En gros, je n'ai rien contre l'idée de créer une charte de cette sorte, c'est la façon dont cela a été fait qui m'irrite viscéralement. Sommairement, mon objection se résume en quatre points:
  • Elle ne règle aucunement les problèmes pour lesquelles elle a été créée;
  • Elle crée des problèmes qui n'existaient pas du tout avant sa création;
  • Elle est ethnocentrique;
  • Elle attise l'intégrisme au lieu de le neutraliser.

La raison pour laquelle le désir de créer une telle charte existait, c'était pour baliser les demandes d'accommodements religieux. Évidemment, ce problème à la base était une pure construction des médias et des politiciens. On a pris quelques anecdotes sans importance et on en a fait d'énormes scandales en utilisant l'insécurité identitaire. Cette tactique a particulièrement été efficace chez les gens qui, dans leur quotidien, n'ont jamais à fréquenter les gens de minorités religieuses, et donc qui sont plus enclins à se référer à l'image que leur envoient les médias pour se faire une idée là-dessus. Mais maintenant que ce problème fabriqué existe, il importe de le régler. Et il est vrai que d'adopter une posture claire sur le sujet permettrait de désembuer le flou qui entoure ces questions.

J'ai déjà exprimée mon opinion sur les «accommodements raisonnables». Pour moi, la religiosité d'une coutume n'a pas à être considérée, ni pour l'autoriser ni pour l'interdire. Ce qu'on doit mettre dans la balance c'est l'importance que ça a pour l'individu qui la pratique (peu importe que ce soit une tradition religieuse, culturelle, familiale ou personnelle) versus la nuisance potentielle que cette activité pourrait représenter pour autrui. Point. Je vous ai déjà aussi présenté un plan de charte des valeurs communes dans lequel je suggérais de simplement énoncer une série de valeurs (liberté, égalité, solidarité, relativisme culturel, art, science, environnement) accompagné d'une définition de notre conception de ces valeurs, et des incidences que cela aurait sur notre interprétation des lois. Une sorte de substitut de constitution ou de religion officielle mais en plus soft. Mais, finalement, j'ai été déçu de voir que la nouvelle charte ne ressemblait à rien de tout ça et n'était rien d'autre qu'un nouveau code vestimentaire pour la fonction publique, avec quelques ajouts ambigus dans la charte des droits et libertés.

D'ailleurs, je ne suis pas certains qu'ils ont vraiment réfléchis à fond à cet ajout. Le principe d'égalité homme/femme n'est pas partout en vigueur dans notre société et il pourrait en découler des incidences imprévues. Par exemple, les situations de sexisme léger envers les hommes tel que de leur refuser l'accès à un gym ou de leur charger un prix d'entrée dans un bar ou sur un site de rencontre auquel les femmes peuvent accéder gratuitement, vont directement à l'encontre de cette charte. Même chose si une piscine publique autorise les hommes à montrer leurs mamelons mais l'interdit aux femmes. D'ailleurs, comme elles sont employées de l'État, les sauveteurs femmes des piscines municipales auront-elles le droit de se voiler les seins, ou devront-elles les montrer comme leurs collègues masculins? Moi ça fait mon affaire qu'on abolisse tout sexisme, mais je ne sais pas si c'était prévu et si le peuple est prêt pour ça. Par ailleurs, pour moi d'introduire l'idée d'égalité des sexes n'a rien de nouveau et est tout aussi nébuleux. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire?

L'autre problème de cette charte c'est qu'elle crée une situation conflictuelle nouvelle plutôt que d'en régler une autre. À ce que je sache, personne ne s'était plaint que des fonctionnaires quelconques portent un foulard sur leurs cheveux. Ce n'était pas un enjeu à régler. Maintenant c'en est un. Des tensions élevées entre les partisans et les opposants de cette charte sont apparues. Même si c'est «pour le principe» qu'on voudrait que tous les employés de l'État soient vêtus de façon «religieusement neutre», le gouvernement devrait avoir la sagesse de ne pas focaliser sur les principes mais de se concentrer sur les conséquences. Dans la pratique, ces fonctionnaires voilées ou enturbannés ne causaient aucun mal, alors de nous mettre à dos une partie de la population juste pour une raison d'uniformité vestimentaire, ce n'est pas l'alternative la plus raisonnable. Par ailleurs, au Québec, on a nationalisé plusieurs choses (et, si on est intelligents, on va continuer de le faire) mais, ces fonctions n'en sont pas devenus pour autant des postes de «représentants de l'État». Un employé - qu'il soit au public ou au privé - ne demeure qu'un employé. Le commis de la SAQ et le commis du dépanneur ont des rôles analogues pour le citoyen. Même chose pour l'employé de la compagnie d'électricité par rapport à celui de la compagnie du câble. Pourquoi l'État interdirait au premier de porter un turban, mais interdirait à l'employeur du second de l'empêcher de porter un turban?

En plus, la principale conséquence sera probablement que beaucoup de femmes voilées vont choisir de rester à la maison plutôt que de travailler, se refermant encore plus sur leur famille et ayant donc moins de chance de quitter la religion. Est-ce vraiment un bon plan? Par ailleurs, si ce qu'on leur reproche vraiment c'est d'avoir des croyances intégristes, en quoi le fait de retirer leur voile ou de cesser de travailler les rendra moins intégristes dans leur croyance? À moins que ce que l'on souhaite secrètement c'est qu'elles quittent le pays? Ce qu'il faut comprendre c'est que le voile n'est que le symptôme d'un mal qu'on appelle l'obscurantisme. Interdire aux intégristes de se voiler, c'est comme interdire aux enrhumés d'éternuer. Ce à quoi l'on doit s'attaquer c'est la croyance elle-même, pas la pratique qui en découle (sauf lorsqu'elle est elle-même directement préjudiciable). Et on ne peut malheureusement pas interdire à quelqu'un de croire quelque chose. C'est par l'éducation qu'on lutte contre l'obscurantisme, pas par la coercition. Au contraire, ça lui donne du capital de martyre ce qui lui permet de se répandre davantage. Mais je suis d'accord pour interdire ces signes religieux pour les gens dans une situation d'autorité, de pouvoir ou d'influence; de façon à limiter la propagation de l'obscurantisme.

Finalement, ce que je reproche surtout à cette charte est son ethnocentrisme à peine dissimulé. Au sein des partisans de la laïcité existe une faction qui simule son désir de laïcité mais qui, dans les faits, prône le christianisme; cette charte s'inscrit dans ce courant. On utilise l'argument de vouloir une neutralité religieuse pour faire reculer les religions étrangères, mais on donne au christianisme toute sorte de passe-droits aussi illégitimes qu'arbitraires. Qu'on nous propose sérieusement et sans sourciller une charte sur la laïcité qui autorise la présence d'un crucifix au-dessus du trône du président de l'assemblée nationale. Sérieusement!? Qui autorise les conseils municipaux à réciter une prière avant chacune de leurs rencontres. Vraiment? Qui ne dit mot sur le financement des écoles religieuses et l'exemption d'impôts des clergés. Ce n'est pas important? Et de définir les signes ostentatoires d'une façon qui, comme par hasard, permet aux chrétiens de continuer de porter leurs croix autour du cou (sauf si elle est trop grosse… comme si ça existait de cette taille là) et qui interdit tous les symboles des autres religions. C'est même pas subtil. Le message c'est «Au Québec, on est catholique!» En tant qu'athée, ça me dégoûte.

J'ajouterais en terminant que je n'ai pas non plus aimé la campagne publicitaire autour de cette charte. Des slogans comme «On y croit!» ou «C'est sacré!» ne m'apparaissent pas correspondre tout à fait avec le principe de laïcité qui est, justement, une non-ingérence de l'État dans le domaine de la croyance ou du sacré.

Heureusement, Québec Solidaire a proposé une nouvelle charte qui ne présente pas ces problèmes. Mais bon, je sais déjà comment elle sera reçue. Mais bref, abolissons les écoles religieuses (point sur lequel la charte péquiste ne dit mot) et donnons aux générations suivantes une éducation laïque avec de belles valeurs. Enseignons-leur la pensée critique et, dans les cours de culture religieuse, renseignons-les sur les origines sociohistoriques des pratiques religieuses pour qu'ils aient une meilleure perspective là-dessus. Je suis sûr qu'on luttera ainsi beaucoup plus efficacement contre l'intégrisme.

jeudi 19 septembre 2013

Uniformes et codes vestimentaires

La nouvelle charte des valeurs communes du Québec que nous attendions tous n'aura été finalement qu'un nouveau code vestimentaire pour la fonction publique. Déception. J'aimais mieux la mienne. Je ne suis personnellement pas d'accord avec les exigences de cette nouvelle charte mais, je constate en y réfléchissant que mon point de divergence remonte bien plus en amont et se situe par rapport au concept même de code vestimentaire. Je profite donc de l'occasion pour vous faire part de mon opinion à ce propos.

Aimant profondément la liberté et la diversité, je suis intuitivement repoussé par l'idée que tous les individus d'une organisation quelconque soient vêtus de la même façon ou en suivant une même norme rigide. Toutefois, je comprends tout de même l'utilité de ce genre de contraintes dans certaines situations. Je vois trois motifs pour lesquels on impose un code vestimentaire:
  • On veut contrôler l'image de l'organisation face à l'extérieur;
  • On veut contrôler l'hygiène et la sécurité;
  • On veut contrôler les mœurs au sein de l'organisation;

Ainsi, si les deux premiers motifs sont défendables, le troisième me semble une contrainte abusive ayant un but malsain. Je comprends tout à fait, par exemple, qu'un restaurent chic exige de ses serveurs qu'ils soient habillés chics; pour que ceux-ci soient en phase avec l'image de marque de l'entreprise. Je comprends aussi qu'on exige des travailleurs de la construction qu'ils portent un casque et des bottes à cap d'acier sur un chantier pour des raisons de sécurité. Mais pourquoi, par exemple, un employé de bureau qui ne fait affaire avec des clients que par téléphone ou par courriel, devrait-il porter une cravate tous les jours?

Même dans les contextes où les employés font affaire avec le client, je trouve que l'on a tendance à exagérer le pouvoir qu'on laisse à l'entreprise sur la tenue de ses employés. Quand je vais dans un McDo (très très rarement, vu qu'il n'y pas grand-chose de végétarien), et que je vois le tee-shirt de couleur vive avec la casquette assortie que l'on fait porter à ceux qui sont en bas de l'échelle, versus la chemise et la cravate que portent les plus gradés, je ne peux pas m'empêcher de me dire que les uniformes hideux des gens hiérarchiquement inférieurs servent à les humilier et les casser afin qu'ils demeurent à leurs places. Tout cela découle d'une culture d'entreprise qui ne devrait pas être encouragée, totalement à l'opposé de ma conception qui voit l'emploi comme un simple échange d'argent contre un travail.

Voici donc une suggestion de quelques principes qui devraient être inclus dans les normes du travail afin de limiter le pouvoir d'uniformisation vestimentaire de l'employeur sur l'employé:
  • Sauf pour des raisons d'hygiène ou de sécurité, il est interdit d'imposer un code vestimentaire à un employé qui n'a pas, dans l'exercice de sa fonction, à interagir visuellement avec le publique ou à représenter l'entreprise devant une instance externe;
  • L'employeur ne peut pas faire payer l'employé pour son uniforme et doit lui allouer un budget pour ses vêtements s'il y a un code vestimentaire;
  • Pour tout emploi dont le salaire est inférieur au seuil de faible revenu, il est interdit d'imposer une pièce de vêtement supplémentaire à que ce qui est nécessaire pour que l'employé puisse être reconnu comme tel par le client (par exemple, un tee-shirt ou une veste est suffisant, pas besoin de légiférer sur les pantalons et les chaussures). Si l'employé se situe en permanence à une caisse, derrière un comptoir, ou à tout endroit où son statut d'employé est évident, il peut refuser d'arborer une telle pièce de vêtement.
  • Pour tout emploi dont le salaire est inférieur au seuil de faible revenu, l'employeur ne peut exiger de l'employé qu'il retire un symbole (croix, carré rouge ou autre) seulement s'il s'agit du logo d'une entreprise rivale.
  • Pour un emploi au service à la clientèle, l'employeur peut prohiber le port d'un vêtement qui cache le visage ou réduit sa visibilité, par exemple une casquette, un masque ou un voile intégral.
  • Il est strictement interdit d'imposer un code vestimentaire différent selon le sexe ou l'âge de l'employé, ou tout autre facteur de discrimination arbitraire, incluant la présence de tatouages visibles. On ne peut pas non plus interdire un vêtement traditionnellement réservé à un sexe si l'on autorise un vêtement traditionnellement réservé à l'autre sexe couvrant une portion de peau équivalente.
  • Un uniforme doit toujours comporter un choix d'au moins deux pièces de vêtements pour chaque partie du corps. Par exemple, une chemise à manches longues et une chemise à manches courtes.
  • Le segment du corps délimité par le haut et le bas du sternum, ainsi que celui descendant des hanches jusqu'au haut des genoux, sont des parties que l'employé peut être contraint de cacher par l'employeur (même s'il ne travaille pas avec le public) et que ce dernier ne peut lui contraindre à montrer (je vous rappelle ma réflexion sur la pudeur).

Bon d'accord, c'est juste quelques idées que je lance comme ça pour donner des exemples. Mais, en gros, je pense qu'il faudrait accorder plus de liberté à l'employé pour ses vêtements, surtout pour les jobs mal payées donc pour lesquelles le critère de devoir être chic ne peut être invoqué. Et, je trouve vraiment que c'est ridicule de vouloir contrôler comment s'habille quelqu'un dans ton entreprise si tes clients ne le verront même pas. Voilà. Ici, j'ai parlé des uniformes en utilisant le vocabulaire des entreprises, mais je mettrais des principes analogues pour les uniformes dans une école ou une fédération sportive.

D'accord, mais là vous vous dites: «Oui mais, les employés de l'État eux autres? Si on veut être un État laïc, me semble que c'est logique de leur interdire des signes religieux!»

Pour moi, les employés de l'État devraient, au contraire, bénéficier de la plus grande permissivité possible dans leur code vestimentaire. Afin, justement, d'illustrer perceptiblement à quel point la liberté et la diversité font parties de nos valeurs communes. Et pour ce qui est du cas plus spécifique des signes religieux ostentatoires, je me range à la seule opinion sensée que j'ai entendue sur le sujet ces derniers jours: seuls les fonctions impliquant une position d'autorité sur le citoyen devraient exiger le retrait de ce genre de symboles. En fait, j'aurais formulé ça un peu différemment, j'aurais dit «toute personne en position de pouvoir, d'influence ou d'autorité» et, plutôt que de parler du port de signe religieux, j'aurais dit «manifestant publiquement une trop forte ferveur religieuse» pour ratisser plus large en incluant aussi les paroles et les actions, pas seulement les vêtement. Je considère les enseignants du primaire comme figure d'autorité mais pas ceux du secondaire (puisque l'élève y a plusieurs enseignants au lieu d'un seul toute l'année) ou des niveaux supérieurs (puisque ce n'est plus de l'autorité). Je n'inclus pas non plus les employés de garderie vu que les enfants y sont de toute façon trop jeunes pour réellement y apprendre une religion.

Je ne suis pas non plus d'accord avec le gouvernement pour définir ce qu'est un signe ostensible. Pour moi, une croix quelle que soit sa grosseur est un symbole religieux – tout comme un logo de Nike en demeure un même s'il est petit. Tandis qu'un foulard ou un turban pourrait n'être qu'un vêtement comme une tuque ou un chapeau melon. C'est donc seulement dans les cas où le poste exige un uniforme strict (policier, juge, militaire) avec lequel la pièce de vêtement en question est incompatible que je les interdirais. Je peux présumer toutes sortes de choses mais, dans les faits, je ne sais pas si la femme qui est devant moi se cache les cheveux parce qu'elle se croit inférieure aux hommes, parce qu'elle est fière d'afficher sa foi et sa culture ou simplement parce qu'elle a raté sa teinture.

jeudi 26 juillet 2012

Prisonnière de sa liberté

Il existe des fortes similitudes mais aussi des profondes divergences entre mon antisexisme et le féminisme de la culture dominante. Entre autres, comme je l'ai déjà dit, j'ai l'impression que le féminisme commun semble ne pas se préoccuper du tout du sort des mâles. Mais également, je trouve que, dans certains cas, c'est la conception même de la femme qu'ont certains féministes qui semble ne pas être la même que la mienne. Pour éclaircir ce point, voici différentes mises en situations. Imaginons que l'on a:
  • Une femme qui choisit volontairement de ne pas avoir de carrière et de rester à la maison pour s'occuper de ses enfants et des tâches ménagères, tandis que son conjoint pourvoie aux besoins financiers de la famille,
  • Une femme qui choisit volontairement de porter le voile,
  • Une femme qui choisit volontairement de se prostituer,
  • Une femme qui choisit volontairement de se marier à un homme ayant plusieurs autres épouses,

Quelle attitude serait vraiment féministe face à chacune de ces situations? Comment devrait-on considérer une femme qui ferait l'un de ces choix? J'entends parfois quelques prétendus féministes qui, non contents de désapprouver le choix de ces femmes, vont jusqu'à dire que dans certains cas on devrait les leur interdire. Dans ce genre de situation, le discours des «ultraféministes» me semble en réalité antiféministe, puisqu'il considère la femme comme une sorte d'enfant, trop stupide pour faire ses propres choix de vie, et qu'il faudrait donc décider pour elle, «pour son bien». Au nom de la liberté des femmes on voudrait enlever aux femmes certaines libertés puisqu'on considère que les femmes qui font ces choix sont forcément contraintes, manipulées ou stupides.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on voudrait interdire certaines activités aux femmes mais toutes partent du même postulat: «Aucune femme sensée ne ferait ce choix» Dans certains cas, il s'agit d'activités issues d'une autre culture (port du voile, polygamie, excision, etc.). On prend pour acquis que les désirs et les aspirations d'une femme occidentale moyenne sont identiques à ceux des femmes de toutes les cultures. C'est une forme d'ethnocentrisme (que l'on pourrait appeler «ethnomorphisme» puisqu'il s'agit d'attribuer à une personne d'une autre culture des traits propres à quelqu'un de sa culture) que de refuser de reconnaître que certains de nos désirs ont été implantés en nous par notre culture et ne sont donc pas nécessairement partagés par tous les humains.

Si l'on répugne à ce qu'une femme se comporte comme une ménagère traditionnelle, c'est davantage parce que l'on a l'impression qu'elle «recule» et parce que l'on a une mauvaise estime des tâches traditionnellement féminines. La problématique d'avant le féminisme, outre le fait que la femme était considérée comme inférieure à l'homme et que les sexes étaient cantonnés à des rôles qu'ils ne pouvaient choisir, était aussi que les rôles de la femme étaient considérés comme inférieurs à ceux de l'homme. Or, si le féminisme s'est attaqué aux deux premiers aspects du problème, il semble avoir maintenu et même utilisé le troisième. Puisque la femme est l'égale de l'homme, elle devait s'émanciper de ces rôles inférieurs auxquels on la confinait. Je trouve que la dévalorisation des tâches traditionnellement féminines est quelque chose contre quoi le féminisme aurait dû se battre, et non quelque chose qu'il devrait prôner.

J'ai déjà défini la liberté comme étant «la capacité d'agir selon nos désirs» indépendamment de ce qui détermine lesdits désirs. C'est possible qu'un conditionnement culturel ou une manipulation psychologique soit responsable d'un choix que fait l'individu, mais notre rôle ne devrait alors pas être de choisir à la place de l'individu. Simplement de l'informer à propos des alternatives, afin qu'il puisse s'émanciper de la tradition. Si une personne persiste à faire un choix de vie qui nous semble aberrant, même après qu'on l'ait éduquée à ce propos, alors on doit présumer que son choix est éclairé et que c'est vraiment ça qu'elle veut faire.

L'antisexisme que je prône veut avant tout la non-considération du sexe d'une personne lorsqu'on lui accorde des droits. Je prône la suppression du sexe en tant que catégorie sociale; la déconstruction des genres. La personne doit pouvoir être libre de faire ses choix sans qu'on lui interdise au nom de son sexe. Après tant d'années de progressisme, on a finit par accepter qu'une femme puisse choisir de faire une activité traditionnellement masculine... acceptons maintenant qu'une femme puisse choisir de faire une activité traditionnellement féminine.

lundi 27 décembre 2010

Se promener nu en public

Dans la plupart des États du monde, qu'ils soient progressistes ou conservateurs, il est illégal de se promener nu dans les lieux publics. Est-ce dû à l'influence d'une tradition religieuse trop pudique? Devrions-nous tolérer qu'une personne s'exhibe dans son plus simple appareil? Je vous propose que nous fassions l'exercice de réfléchir à la dimension éthique de cette question. Si, en elle-même, cette dernière ne présente que peu d'intérêt – étant donné qu'il n'y a, à ce que je sache, personne qui revendique sérieusement le droit de se promener nu en public – les fondements de cet interdit influencent très certainement d'autres aspects de nos lois et de nos vies.

Du point de vue purement utilitariste qui est le mien, il n'y a rien qui justifie que l'on prohibe la nudité dans les lieux publics. C'est une entrave inutile à la liberté individuelle puisque cela ne ferait de mal à personne. En ce qui a trait à la liberté civile, j'adhère presque systématiquement à la position que le philosophe utilitariste John Stuart Mill (1806-1873) défend dans De la liberté, c'est-à-dire que :
«Le seul but en vue duquel on puisse à juste titre recourir à la force à l'égard de tout membre d'une communauté civilisée, contre sa propre volonté, c'est de l'empêcher de faire du mal aux autres.»

Comme l'acte de se promener nu ne fait de mal à personne, l'individu devrait pouvoir le faire sans que l'on ne lui interdise ni qu'on ne manifeste de l'intolérance à son égard… Mais ce nudiste ne fait-il réellement de mal à personne? Dans ma réflexion sur la tolérance, j'ai soulevé le point que la personne intolérante souffrait, d'une certaine façon, des actions ou de la présence de la personne face à qui elle est intolérante. Par exemple, l'homophobe «souffre» lorsqu'il voit deux hommes s'embrasser. Ma conclusion était que l'on devait simplement se demander qui souffre le plus entre l'intolérant et l'intoléré, puis faire pencher nos lois vers la moindre souffrance. Ainsi, celui qui voudrait se promener nu mais à qui on l'interdit souffre-t-il vraiment de cette atteinte à sa liberté? La souffrance pour les passants qui seraient incommodés de le voir non vêtu sera-t-elle inférieure à la sienne? On peut, sans trop risquer de se tromper, affirmer qu'être nu en public est moins important pour lui qu'il ne l'est pour les passants de ne pas avoir à voir de nudistes lorsqu'ils circulent dans les lieux publics. On pourrait donc alors conclure qu'il est parfaitement légitime d'interdire aux gens de se promener nu hors de chez eux ou des camps réservés à cet effet.

Mais cette conclusion partait d'un certain postulat. J'ai pris pour acquis que l'individu désireux de se promener nu, ainsi que ceux qu'il risquait de croiser, étaient des individus typiques d'une culture que je connais. Culture dans laquelle il est mal vu et bizarre d'être nu en public. Dans ce contexte, il est évident que si quelqu'un veut se promener nu ce n'est que par défi ou pour provoquer, et il est aussi évident que ceux qui le verront seront choqués. Mais si les croyances personnelles de cet individu faisaient en sorte qu'il est, pour lui, vraiment très important d'être nu dans un lieu public? Et si les gens qu'il croisera sont tous des personnes exceptionnellement ouvertes d'esprit qui seront indifférentes face à sa nudité?

Par ailleurs, ce qui m'agace vraiment dans ce genre de situation c'est que l'État érige nos mœurs en lois, comme pour normatiser nos us et coutumes. Une telle ingérence va à contre-courant de ce que je prône, soit la séparation de l'État et de la tradition. J'en arrive à la même conclusion que dans ma réflexion sur le port du voile, c'est-à-dire que l'État n'a pas la légitimité pour légiférer sur notre tenu vestimentaire mais qu'il devrait autoriser les établissements à se doter eux-mêmes d'un code vestimentaire. L'important est que cette interdiction émane de quelque chose de moins solide que l'État et qui puisse plus facilement être mise à jour. À la limite, qu'il s'agisse d'une loi municipale me semblerait plus légitime qu'une loi fédérale ou provinciale.

J'admets que ce que je défends ici est plus une question de principes que de conséquences. Je ne désire pas personnellement me promener nu en public et je serais probablement très mal à l'aise de croiser un nudiste sur le trottoir. Mais je me dois d'être cohérent avec moi-même. Par ailleurs, s'il n'y avait aucune loi pour interdire la nudité, il n'y aurait pas nécessairement des dizaines de gens nus dans les lieux publics. Ce ne sont pas les lois qui font les mœurs. Le regard désapprobateur des passants est souvent une menace suffisante pour dissuader les gens d'agir de façon extravagante ou incommodante. Aucune loi ne m'interdit de me promener en tutu rose avec un ananas sur la tête en criant que je suis un idiot, mais je ne vais pas le faire pour autant.

mercredi 7 juillet 2010

Xénophobie contre sexisme

Toutes les traditions sont fondamentalement sexistes (et, généralement, homophobes et un peu xénophobes). Parfois la femme est ouvertement considérée comme inférieure à l'homme ou comme un bien qui lui appartient, d'autrefois c'est simplement que la répartition du travail est déterminée par le sexe sans qu'il n'y ait nécessairement une hiérarchisation. Pour cette raison, il n'est pas rare qu'il y ait conflit entre l'égalité des sexes prônée par les valeurs modernes, et le respect des cultures traditionnelles. Certains opportunistes intolérants ou conservateurs utiliseront cet antagonisme pour défendre la xénophobie au nom de l'égalité des sexes ou, à l'inverse, pour défendre le sexisme au nom du relativisme culturel.

D'un côté, on doit garder en mémoire que le principe de tolérance ne nous force pas à tolérer l'intolérance. Ainsi, si une personne commet un acte sexiste (ou homophobe, ou raciste, etc.) parce que cela est dans ses traditions, il est légitime de réprouver une telle discrimination. Le relativisme culturel nous prescrit toutefois de ne pas «juger» cette personne, mais il ne faut pas la laisser faire pour autant.

Soit. Mais je constate que l'on a souvent tendance à trop facilement accuser de sexisme une pratique issue d'une autre culture (ou commise par des personnes immigrantes), alors qu'on laissera passer si c'est une pratique d'origine locale (ou commise par des natifs). Par exemple, si une femme demande à se faire examiner par une femme médecin plutôt que par un homme, on répondra à sa demande si c'est possible. Mais si la femme en question est musulmane, on l'accusera d'être sexistes ou manipulée par un mari sexiste qui la considère comme un objet. Autre exemple, si des femmes musulmanes demandent à avoir des heures «femmes seulement» à la piscine parce qu'elles se sentent gênée de se mettre en maillot devant des hommes, on leur reprochera d'être sexistes. Mais quand un centre de conditionnement physique n'ouvre ses portes qu'aux femmes, personne ne l'accuse du même délit.

On va également se servir souvent du faux prétexte de défendre l'égalité des sexes ou la laïcité pour justifier notre intolérance à l'égard de coutumes nouvelles ou étrangères. Par exemple, il n'y a rien qui justifie que l'on soit haineux envers une femme qui choisirait volontairement de porter le voile pour montrer qu'elle n'a pas honte de ses croyances. Et il serait encore moins justifié qu'on l'accuse d'être antiféministe ou d'être contrôlée par un mari sexiste. Même chose pour la polygamie qui est autorisée dans plusieurs pays musulmans mais interdite au Canada. Si une union comporte plus de deux personnes mais qu'elle est composée d'adultes lucides et consentants, il n'y a aucune raison qu'elle soit illégale. Pourtant, on continue de la prohiber soi-disant au nom de l'égalité des sexes. C'est manifestement un cas d'ethnocentrisme: les femmes occidentales ne peuvent concevoir qu'une femme puisse désirer porter le voile ou partager leur mari, alors elles se disent qu'elles sont sûrement forcées de le faire.

Pour conclure, je dirais que l'objectif qui doit être visée ici pour régler le conflit tradition/discrimination n'est pas à chercher dans une sorte de «juste milieu» entre le sexisme et la xénophobie. Ce serait plutôt d'évaluer chaque situation spécifique en mettant dans la balance les intérêts réels des individus (désirs du discriminateur versus préjudices du discriminé) et en nous libérant des biais ethnocentriques.

vendredi 26 mars 2010

Cachez ce voile que je ne saurais voir

Je vous ai déjà présenté mon opinion sur les accommodements raisonnables. Je vais ici simplement développer davantage sur un exemple précis puisque ce sujet déjà surexploité par les médias vient d'être remis à l'ordre du jour. Je parlerai donc du port du voile, partiel ou intégral, par un individu privé ou par un fonctionnaire de l'État.

D'abord, je pense que l'État ne devrait pas nous empêcher de nous vêtir comme nous voulons. Que le gouvernement provincial impose un code vestimentaire à sa population serait abusif. Déjà qu'on n'a pas le droit de se promener nu en public, si en plus on ne pouvait pas porter de voile. Par ailleurs, quand il fait –40 dehors moi j'aime ça me voiler la face. Bref, dans les lieux publics on devrait pouvoir porter ce qu'on veut; un niqab ou un bikini.

Toutefois, lorsque l'on entre dans un établissement, il y a parfois des restrictions vestimentaires. Par exemple, il est interdit d'entrer dans un centre d'achats en bédaine ou nu-pieds. Je pense donc que, s'il serait illégitime pour le gouvernement d'interdire le port du voile intégral, il serait tout à fait pertinent qu'une banque ou un dépanneur oblige ses clients à se découvrir le visage en entrant, afin d'éviter qu'un voleur ne puisse demeurer inidentifiable. Et si c'est une école qui décide qu'un étudiant devrait se découvrir le visage pour passer un exposer oral, ça m'apparaît également légitime. Il me semble que c'est là que je mettrais la limite : le visage. Qu'une personne se voile les cheveux ou qu'elle nous montre son nombril, c'est de ses affaires. Mais se cacher le visage complique les interactions sociales et empêche l'individu d'être identifiable. Ce qui me fait dire que si un établissement a le droit d'interdire à ses usagers de se promener torse nu, il devrait encore plus avoir le droit de forcer ses usagers à se promener visage nu.

Pour le reste, je pense qu'il serait abusif et xénophobe d'interdire aux gens de se voiler les cheveux. Ce serait manquer de respect à la personne dans ses croyances et sa pudeur. Pour les Occidentaux, il est immoral de se montrer nu publiquement et c'est illégal dans plusieurs États d'Occident. Personnellement, j'ai de la difficulté à comprendre ce double standard de la pudeur. Peut-être que certaines personnes sont gênées de montrer leurs cheveux en public comme d'autres le seraient de montrer leurs seins. On ne devrait forcer personne à montrer contre son gré certaines parties de son corps, tout comme on ne devrait pas non plus forcer les gens à cacher leur corps.

Je tiens juste à souligner que je n'ai pas tenu compte de la religiosité de cette pratique car ça m'apparaît sans importance. Évidemment, l'idée même qu'il existerait un être tel que Dieu étant pour moi ridicule et puérile, le fait que ce Dieu puisse s'intéresser à nos vies au point de nous imposer un code vestimentaire dépasse à mes yeux les limites de l'absurdité. Toutefois, si c'est important pour une personne de se coiffer d'un voile ou d'un turban, alors on doit considérer cette importance et la mettre dans la balance avec les conséquences de cette pratique. Si une pratique est importante pour moi et que m'y adonner ne fait de mal à personne, il n'y a rien qui justifie qu'on m'en empêche. Vouloir à tout prix interdire tous les symboles musulmans ou sikhs sous le couvert de la laïcité (tout en défendant ardemment sur l'autre front les symboles chrétiens tel que le crucifix à l'assemblée nationale et la prière à l'hôtel de ville) m'apparaît être un manque flagrant de tolérance. Et si, vraiment, ce qui nous préoccupe n'est pas le voile comme tel mais la croyance dont il est le symptôme, l'interdire serait absurde puisque cela ne sortira pas pour autant la personne de sa croyance mais, au contraire, la poussera à y croire plus farouchement.

Maintenant un dernier cas plus spécifique : celui des employés de l'État (fonctionnaires et enseignants) dans le cadre de leur travail. Je ne suis pas aussi sûr de mon opinion sur ce point. Peut-être que, dans ce type de situation, la religiosité d'un vêtement devrait être pris en compte. Si une personne représente l'État et que nous sommes un État laïc, ça m'apparaît sensé de proscrire les signes religieux ostentatoires dans le code vestimentaire des fonctionnaires; tout comme il leur est logiquement interdit de porter un vêtement affichant leurs opinions politiques ou un message publicitaire. Toutefois un individu ne demeure qu'un individu. En autorisant le port des signes religieux par les fonctionnaires, quelles que soient leur religion, on mettrait en relief le fait que nous sommes un État pour la liberté des croyances. Non? C'est pour ça que moi je ne l'interdirais qu'aux gens qui ont une fonction de pouvoir, d'autorité ou d'influence, au sein de l'État.