vendredi 12 novembre 2010

Tolérer l'intolérance?

Je réfléchissais au concept de tolérance et je me demandais jusqu'où l'on devait en repousser les limites. Doit-on tolérer l'intolérance? Il me semble qu'il y aurait là quelque chose de paradoxal. Pourtant l'intolérance d'une personne fait partie de ses attributs au même titre que ses croyances religieuses.

Être intolérant est-il un droit? Y a-t-il des contextes dans lesquelles mon droit d'être intolérant envers un attribut quelconque chez autrui serait plus important que le droit de cette personne d'afficher cet attribut (ou d'exister avec cet attribut)? Qu'est-ce qui a priorité entre…
  • Le droit d'être homophobe ou le droit de s'afficher comme homosexuel?
  • Le droit d'être xénophobe ou le droit de pratiquer sa culture?
  • Le droit d'être raciste ou le droit d'être Noir?
Dans ces situations, il est clair que le droit d'être intolérant est injustifiable. On comprend que si je suis Noir, je ne peux pas cesser de l'être pour accommoder un raciste tandis qu'il est tout à fait possible pour ce dernier d'éviter de me manifester son intolérance. Le dilemme est donc absurde. Mais si j'étais homosexuel, bien que je ne pourrais pas cesser de l'être pour accommoder les homophobes, il me serait sans doute possible de me retenir de le montrer en public; par exemple en m'abstenant de tenir la main de mon conjoint de même sexe. Entre le droit d'afficher son homosexualité et le droit des homophobes de ne pas voir de manifestation d'amour entre deux personnes du même sexe, lequel a priorité?

Je pense que l'on peut utiliser une éthique utilitariste pour comparer les deux alternatives en mesurant l'ampleur du préjudice subit par chacune des parties dans chacun des cas. Est-ce que l'homophobe souffre plus du fait de voir deux gays s'embrasser sur un banc public que le gay ne souffrirait de devoir cacher son orientation sexuelle? Il m'apparaît évident que le préjudice subit par l'homosexuel serait supérieur à celui subit par l'homophobe. Pour cette raison, le droit à la tolérance prime sur le droit d'être intolérant.

Mais si j'imaginais d'autres situations plus extrêmes, telles que:
Dans ces situations, le principe de tolérance s'applique-t-il? Est-ce qu'être intolérant envers ce genre d'agissement serait un manque d'ouverture d'esprit? Mon point ici est de démontrer que de simplement dire que «l'intolérance est intolérable» serait un peu réducteur. C'est du cas par cas. À chaque fois, on doit mesurer le préjudice pour l'intolérant versus celui pour l'intoléré. Si se priver d'être intolérant est un moindre mal par rapport à se priver de ce pourquoi l'on est intoléré (qui, dans le cas d'une discrimination raciale ou sexuelle, équivaudrait à cesser d'exister), alors on doit pencher en faveur de l'intoléré. À l'inverse, si me priver de commettre une action intolérée par une autre personne me coûte moins de mon bonheur que cela lui en coûterait de me tolérer, alors c'est l'intolérant qui est dans son droit. C'est le gros bon sens; une vertu dont ont manqué les deux partis dans le débat sur les accommodements raisonnables.

Il y a pourtant une réalité dans le fait que certaines personnes sont racistes, sexistes ou homophobes et que plusieurs d'entre elles sont irrécupérables. Quelle attitude dois-je avoir à leur égard? Si je ne peux les convaincre de changer leurs opinions par la seule persuasion, et si je ne dispose d'aucun moyen coercitif pour les contraindre de ne plus être intolérants, que dois-je faire? Leur manifester mon aversion ou les sermonner perpétuellement aura pour seul effet qu'ils cesseront de m'apprécier. Éviter de les fréquenter ne fera que les priver de mon influence positive. Et si, en dehors de cet aspect détestable, ces personnes intolérantes sont une agréable compagnie? Ou si je suis obligé de les fréquenter en vertu d'obligations familiales ou professionnelles? Ma conclusion en face de cette réalité c'est que si l'on ne peut tolérer l'intolérance, on doit tolérer l'intolérant. Bien sûr, sans l'encourager dans ses croyances haineuses, et en lui demandant poliment de ne pas exprimer ses propos intolérants en notre présence. Et – qui sait? – peut-être aura-t-on un jour suffisamment d'influence sur cette personne pour lui faire changer d'avis.

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