Pour moi, l'image du végétarisme et du végétarien est quelque chose d'important. J'ai l'impression qu'il doit y avoir des gens qui ne sont pas végétariens, non parce qu'ils n'adhèrent pas à ses principes éthiques ou parce qu'ils aiment trop la viande, mais uniquement parce qu'ils ne veulent pas être mis sous ce label qu'ils considèrent négatif. Un peu comme l'homosexualité il n'y a pas si longtemps, celui qui a des tendances végétariennes s'efforcent de manger de la viande et de dénigrer le tofu (même s'il n'y a jamais goûté) parce qu'il répugne à être associé au fictif «végétarien enragé».
Je pense donc qu'une partie du «devoir» du végétarien est de redorer l'image du végétarisme de façon à ce que ce soit vu de plus en plus comme quelque chose de positif et, donc, que plus de gens choisissent cette alimentation. Je me suis donc donné une sorte de «code de conduite» à cet effet. En fait, ce n'est qu'une version plus spécifique des principes que j'applique à tout débat auquel je participe.
- Je n'aborde le sujet de mon végétarisme que si on m'en parle en premier (ce qui arrive assez souvent de toute façon).
- Lorsque je rencontre une nouvelle personne, j'essaie qu'elle apprenne à bien me connaître avant de lui laisser découvrir mon végétarisme (pour ne pas que ses potentiels préjugés sur les végétariens lui donne une mauvaise image de moi dès le départ).
- Je vais toujours exposer mon point en soulignant que je dis pourquoi moi je suis végétarien mais que cela ne s'applique pas nécessairement à d'autres.
- Je démontre qu'il ne s'agit pas d'un tabou alimentaire en exprimant et en décrivant les contextes lors desquels je mangerais de la viande.
- J'accepte occasionnellement certains accommodements, comme de manger une soupe qui contient un peu de gras de poulet si c'est tout ce que mon hôte a à m'offrir.
- Je rassure l'autre sur sa valeur morale. Par exemple, en révélant que je n'ai jamais vraiment aimé la viande mais que, si je découvrais que le chocolat ou le beurre de peanuts était produit d'une façon horrible, je ne serais peut-être pas capable d'arrêter d'en manger.
- S'il me dit quelque chose comme «J'essaie de manger moins de viande» ou «J'achète souvent ma viande chez des petits producteurs plus éthiques», je vais l'approuver dans son effort (et ce sera sincère, j'encourage le semi-végétarisme) plutôt que de lui dire que c'est insuffisant.
- J'essaie de savoir pourquoi mon interlocuteur n'est pas végétarien et j'adapte mon discours en conséquence, tout en tâchant de le respecter dans ses croyances. Je peux toutefois en profiter pour souligner que ma position antispéciste repose sur une conception plus scientifique de l'être humain et de l'animal, qui ne met pas de fossé entre les deux.
- Si je mange un plat végétarien devant lui, je vais lui faire goûter pour qu'il voit que ce n'est pas aussi mauvais et fade que le prétendent ceux qui n'y ont jamais goûté.
- Il ne faut pas avoir l'air d'être végétarien par «sensiblerie». J'essaie donc de faire des parallèles avec les droits que l'on donne aux personnes (nul ne considère que c'est faire preuve de sensiblerie que de s'abstenir de tuer son voisin pour lui voler sa télé) sans non plus aller trop loin dans cette direction puisque beaucoup associent cela à de l'extrémisme, surtout s'il s'agit de faire appel aux émotions.
- Je demeure calme, bienveillant et rationnel.
- Parfois je vais me retenir un peu de dire ce que je pense vraiment si je sens que la personne risque de le percevoir comme une attaque envers elle.
- Je ne m'acharne pas et je change de sujet si la personne confesse que sa consommation de viande n'est pas un choix reposant sur la raison. Par exemple, si elle dit «J'aime trop la viande de toute façon».
Ça a l'air de rien mais c'est très totché. Je suis dans une situation où l'autre me demande d'expliquer et de défendre pourquoi je considère qu'une pratique à laquelle il est très attachée est contraire à l'éthique, et je dois faire cela sans pour autant qu'il ne se sente dénigré par mes paroles. Ce n'est pas évident. Parfois j'ai l'impression que lorsque l'on me demande «Pourquoi t'es végétarien?» la seule réponse permise est «Aucune raison. Parce je suis un imbécile, voilà tout.» car même si j'essaie d'exprimer rationnellement et posément mes raisons, certains vont tout de même me considérer extrémiste et intolérant.
Bref, tout ça pour dire que je pense que briser les préjugés sur le végétarisme et améliorer son image est quelque chose de nécessaire. C'est aussi important pour la cause que l'est le boycott de la viande.