Pourtant, je constate que certains manifestent une réticence à ce que l'on donne des définitions fixes et précises à certains mots et semblent vouloir que l'on maintienne le flou sémantique qui les entoure. Par exemple, «intelligence», «humain», «art», «vivant», «religion», «Dieu» ou «bien et mal». Mais si nous avons inventé ces mots, et qu'ils sont censés permettre la communication, pourquoi ne pas leur donner un sens plus limpide? Si le lien entre le signifiant et le signifié est rompu, pourquoi conserver ce mot?
Dans un de mes cours d'anthropologie, qui portait sur la religion, mon professeur a un jour dit:
«Il n'existe pas de définition claire pour le mot "religion". Pour en fixer une, il faudrait prendre toutes les religions du monde et trouver les traits communs qui leur sont exclusifs.»
Même si ça semble sensé, il y a quelque chose d'aberrant là-dedans, et même de paradoxal. Pour pouvoir prendre toutes les religions et trouver leurs traits communs, il faut d'abord avoir une idée de ce qu'est la religion. Dans ce procédé, il y a donc déjà une définition initiale, ou du moins un critère, qui nous a permis de sélectionner les entités que l'on veut faire entrer dans notre définition finale. On veut que le christianisme et le bouddhisme soient des religions mais on ne veut pas que le raëlisme et les autres sectes en soient, alors on moule notre définition en conséquence. Puisqu'il est impossible de trouver des traits communs et exclusifs à toutes les religions, alors on ne peut générer de définition cohérente qui corresponde à nos intérêts et c'est pourquoi on maintient un flou autour de ce terme.
Et je constate justement que, même si on ne s'en rend pas compte, c'est presque toujours par idéologie que l'on s'affaire à maintenir certains mots dans l'usage tout en les privant de toute signification claire. Si l'on refuse de définir la religion, c'est pour que l'État puisse choisir démagogiquement les institutions à caractère spirituel qu'il approuve (et subventionne) et celles qu'il désapprouve. Si l'on refuse de définir l'intelligence, c'est pour préserver le dogme de l'égalité intellectuelle de tous les humains. Si l'on refuse de définir l'humain, c'est pour conserver des éthiques arbitraires anthropocentriques. Si l'on refuse de définir le bien et le mal, c'est pour accommoder le relativisme éthique. Si l'on refuse de définir Dieu, c'est pour qu'il soit plus hasardeux de dire qu'il n'existe pas. Et ainsi de suite. Dans tout ces cas, il y a souvent aussi un désir d'éviter de mettre en lumière l'absence de discontinuité entre le concept flou et ce qui l'entoure; dans le cas du vivant et de l'humain par exemple.
Personnellement, quand j'échange avec quelqu'un, ce que j'échange c'est surtout des idées et des concepts plus que de simples mots. Ces derniers ne sont qu'un moyen de transmettre ma pensée. Ainsi, un mot sans définition n'a aucune utilité. Pire, il est nuisible puisqu'il ne fait que rendre mes propos ambigus et induira des malentendus. Fixons donc nos définitions ou évitons ces termes creux.
Ça me fait toujours penser au concept des jeux de langage de Wittgenstein, dont je décris un peu les principes ici: http://www.simondor.com/blog/2009/01/un-concept-limit-ou-non-lusage-effectif.html
RépondreEffacerEn gros, il dit que la définition d'un mot est son usage, et qu'il n'y a pas de propriétés communes à tout ce qu'on appelle par un mot.
"Pour pouvoir prendre toutes les religions et trouver leurs traits communs, il faut d'abord avoir une idée de ce qu'est la religion."
Oui et non. Si on utilise toutes les utilisations du mot religion sans savoir si elle est bonne ou mauvaise. Mais là, on entre beaucoup de choses. D'où l'intérêt de ne pas faire ce travail inutile au fond.
Tu n'as pas traité de l'appropriation des mots par l'individu. Car si l'on peut donner un sens bien défini à un mots tous ne le respecteront pas. De plus dans certains milieux un mot en signifie un autre uniquement pour les membres d'un même groupe par exemple la mafia ou les gangs de rue.
RépondreEffacerPuis si on refuse de définir l'intelligence c'est aussi parce que les gens ne s'entendent pas sur sa définition, sur ce que ce concept comprend très exactement.
“Fixons donc nos définitions ou évitons ces termes creux.”
RépondreEffacerJe pense que vous avez omis quelques étapes philosophiques d importance :
_ la séparation entre le discours sémantique et la logique symbolique puis formelle, qui survient après les travaux de Descartes et Leibniz , et qui au départ ne sont pas concu comme une critique du langage mais une base sur laquelle établir “objectivement” ( en fait il s agit d intersubjectivité selon Popper , cf ci dessous) ce qui est autoproclamé : le progrés scientifique.
Cette distinction est cruciale , c est à partir de ce moment que les mathématiques sont devenues “inacessibles” aux gens cultivés mais non spécialisés. De plus , c est le symbolisme mathématiques qui est à l origine du concept moderne de logique, qui a été appliqué a tout dans nos société ( qui portent donc le nom de sociétés de l information)
Et pour certain la logique doit suffire a remplacer la religion et même l éthique ou la morale, nous allons revenir sur cela ensuite, car la technologie est le fruit de la logique, or nos contemporains sont confrontés à des problèmes de sens face aux innovations technologiques, nous essayerons d expliquer pourquoi nous en sommes arrivés là .
Nos sociétés hyperlogiques sont très vulnérables à ces problèmes de sens , et quelque part on peut se poser la question si l abandon du discours sémantique et donc des mots sans définitions qui a été induite par l adoption d un raisonnement logique appliqué à tout .
Ces mots donc, que vous considérez inutiles , n était ils pas finalement quand même porteur d une information : porteur d une partie du sens du processus considéré dans son ensemble ?
( Cf Boris Vian , la Java des bombes atomiques : je n m etais pas rendu compte , qu la seul chose qui compte , c est l endroit ou c qu elle tombe . )
En fait c est un peu l histoire des référentiels galilléens , et cela est formalisé par la théorie de l information : tout message est constitué de bruit ( considéré comme insignifiant) et signal ( considéré comme signifiant) , ce qui importe ce n est pas tant l idée de signifiant/signifié ou bruit/signal , mais du référentiel de travail,
En changeant de référentiel le bruit peut devenir un signal utile , et le signal se transformer en bruit inutile.
( exemple vous écoutez votre chaine HIFI dans votre appartement , au dessus de celui ci votre voisine pousse des gémissements bestiaux : pour vous la télé est le signal, les hurlements le bruit , pour la voisine c est l inverse. )
C est un peu plus complexe qu une simple question de référentiel , c est en fait l introduction de la notion de subjectivité intrinsèque dans toute information et donc dans toute expérimentation/phénomène.
Or Mr Popper Karl de son prénom, a dit que tout énoncé qui se veut utile aux sciences doit être INTERsubjectif , autrement dit que l expérimentation doit etre reproductible .
C est ce qui explique l attrait des mathématiques en sciences : le langage logique mathématique est un symbolisme qui a été crée dès l origine pour être intersubjectif = débarassé de ce que vous nommez mots inutiles.
Comment faire des lors pour étudier les phénomènes naturels et en extraire le signal ?
RépondreEffacer_ la logique formelle pure ( mathématiques ), suppose qu on connaisse d avance le signifiant/signal = symbole à analyser, or l objet de l expérimentation est précisement de l identifier .
_comment donc introduire les mathématiques qui sont nécessaire pour obtenir de l intersubjectivité et garantir la “scientificité” de l expérimentation ?
La réponse est une approche statistique de l information .
C est le dévellopement des concepts de norme et de normativité ( Canguilhem) qui ont permis l introduction des statistiques comme outil descriptif des phénomènes naturels bruts et les a rendu apte à :
_identifier le/les signal (ux)
_garantir l intersubjectivité de l interprétation de l expérience
La conséquences est que les termes ne sont plus défini par la notion signifiant/signifié, mais par des moyennes , des écart types, et des distributions ( normale , courbes de Gauss etc...)
Mais c est un peu le serpent qui se mort la queue quand même ( orobouros ) car il reste une perte d information : les résultats statistiques sont intersubjectifs , mais ne signifient rien sans une réflexion et une interprétation associé ( notion de sensibilité , spécificité, analyse rétrospéctive/prospective ).
Ce qu il faut retenir c est que :
_ le symbolisme formel des mathématiques a été concu pour être intersubjectif : c est une sorte de langage idéal : épuré des termes inutiles : c est le langage de la logique froide , dure et implacable.
_ grace a cette intersubjectivité on peut analyser des phénomènes naturels de facon vraiment scientifique selon la définition épistémologique de K.Popper ( opposée à l empirisme ).
_cependant cette analyse intersubjective/ logique reste toujours porteuse d une perte de sens ( le signal/bruit est subjectif et pas intersubjectif ), d ou l obligation de toujours completer les résultats statistiques par leurs limites ( valeur de spécificité , sensibilité , puissance des tests , biais etc...) et de rester subtil dans l interpretation de données statistiques.
La conclusion : le monde aujourd hui se divise en deux :
_ceux persuadés que la logique (= la démarche mathématique /intersubjective ) a ou aura réponse au tout, exemple B.Russell, Mr Hawking, cela semble être le cas de Feel 0’zof aussi.
et ceux qui pensent que la démarche logique ne peut faire l économie d une réflexion philosophique à caractère éthique ( recherche de sens ) concomitente.
Ma présentation est plutot orienté vers la seconde attitude ( distinction entre subjectivité et intersubjectivité qui est la source d une perte d information que les logiciens pur négligent et qui peut mettre l homme en danger ou du moins le fourvoyer ).
C est une vision moins idéale de la sciences , mais qui me semble plus prudente.
Vous pouvez toujours allez lire des auteurs comme Hawking , ou B Russell, mais leur position repose en partie sur une conviction intime , sans démonstration absolue autre que le fait d être ou d avoir été eux mêmes des individus “hyperinformés”, bien qu ils confessent qu ils ne l étaient pas encore assez ( déterminisme absolu ).
J.V