lundi 19 janvier 2009

L'univers est un continuum

L'univers qui nous entoure est un continuum. La façon dont on le «découpe» est donc toujours plus ou moins arbitraire. Cependant, si l'on ne se dote pas d'ensembles et de catégories, il nous est impossible de nous représenter la réalité. Le découpage de l'univers n'est donc pas nécessairement à éviter, il faut simplement demeurer conscient des biais inhérents à notre système de classification.

J'aimerais beaucoup réussir à vous faire comprendre ce point car c'est l'un des piliers de ma philosophie. Je risque donc d'y revenir souvent sur ce blogue. Les conséquences de ce constat sont multiples. Par exemple, cela nous révèle que toute discrimination considérant le groupe d'appartenance comme un critère suffisant est fallacieuse. Les groupes et les catégories n'existent qu'en tant que concepts; ils n'ont pas d'existence empirique. C'est vrai autant pour la frontière hommes/femmes, que pour celles entre les races humaines ou les orientations sexuelles, la frontière humains/bêtes, vivant/inerte, corps/esprit, etc. sont toutes aussi abstraites. On doit considérer les individus selon leurs caractéristiques intrinsèques et non selon les catégories dans lesquelles ils seraient d'après un système de classification quelconque.

Même si on les définit souvent en nous basant sur des critères réels, les ensembles sont, finalement, de pures fictions. Par exemple, en biologie une espèce animale est un ensemble d'individus interféconds. Donc même si l'interfécondité existe réellement, et même si c'est un critère tout à fait pertinent pour circonscrire un groupe, l'ensemble que constitue ce groupe n'existe pas comme une chose tangible et empirique.

Imaginons que nous contemplons un arc-en-ciel. On nous a appris à y voir sept couleurs distinctes et étanches mais ce n'est qu'une illusion. Le spectre lumineux est un continuum parfait et c'est par simple convention que l'on décrète qu'à tel point s'arrêtent les nuances de verts et commencent les nuances de bleus. Mais même s'il fait partie des verts, le vert perroquet est plus proche du bleu des mers du sud que du vert bouteille. Il y aurait même d'ailleurs des langues dans lesquelles le bleu et le vert ne sont que des nuances d'une seule et même couleur. Toute chose s'inscrit dans une vaste continuité et nous choisissons de placer les frontières de la manière la plus facile pour nos esprits ou la plus avantageuse pour nos intérêts personnels.

Sans toutes ces divisions et ces regroupements, l'univers serait insaisissable pour nos esprits humains. Nous serions bien fous de nous passer de tels raccourcis mentaux. Il nous faut simplement conserver la vigilance intellectuelle nécessaire afin que nos systèmes de représentations demeurent des outils pour faciliter notre compréhension de la réalité, et non des œillères nous voilant la réalité.

Je vous donnerai sans doute ultérieurement plus de détails sur ma conception des choses à ce propos. Entre autres, je vous expliquerai l'arbitraire de nos catégories mentales et les bases qu'utilisent nos esprits pour les façonner.

3 commentaires:

  1. "Les groupes et les catégories n'existent qu'en tant que concepts; ils n'ont pas d'existence empirique."

    Ça me fait penser à une conférence de Wlad Godzich à l'Université de Montréal, qui disait qu'on avait confondu un groupe "théorique, de recherche" ou un groupe "réel". Les gens affichaient une appartenance à un groupe qui servait en tant qu'outil méthodologique pour les sociologues. Remarque, on peut bien dire ce qu'on veut là-dessus, la discrimination était un phénomène existant, il est normal qu'elle engendre un phénomène inverse, comme celui de la négritude d'Aimé Césaire.

    Je suis d'accord que ça n'existe pas dans l'absolu. Mais je crois que ça existe parfois dans le relatif, et même si je préférerais probablement qu'aucun groupe de ce type (national, sexuel, ethnique, etc.) n'existe, je crois qu'ils ont parfois leur place pour contre-balancer l'existence d'un autre.

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  2. La perception n'est pas l'objet observé. Ce n'est qu'une représentation de cet objet.

    C'est ce que dénonçait René Magritte dans son tableau "Ceci n'est pas une pipe".

    Nous avons une relation avec l'objet-autre. Cette relation n'est pas nôtre, c'est, en dehors de "soi" et de "lui", un troisième objet étranger aux deux premiers et pourtant intriqué à ceux-ci et en ceux-ci.

    La relation est un objet particulier. C'est le principe même de la création (n'y voyez pas un alibi à une discussion religieuse). C'est un épiphénomène de la "rencontre". La promesse d'une mise en réalité potentielle qui ne trouve sa forme et son fond que dans l'intrication de deux objets qui s'observent.

    Si l'on prend la victime et son bourreau, il naît de la rencontre de ces deux objets une réalité qui n'a d'avenir que dans l'importance que ces deux objets lui accordent. Du croisement de deux vécus, se fabrique une toile qui peut s'épaissir et devenir fondamentale à ses deux vécus.

    Il y a effectivement "interfécondité". On peut s'en cacher, la fuir dans une croyance de sa propre individualité comme un univers clos, mais plus on la fuit et plus elle prend corps, parce que la fuite est une reconnaissance de ce que l'on fuit.

    Vous parlez de l'arbitraire de "la découpe" du continuum. J'utilise une métaphore pour expliquer cela. Celle de l'oiseau en vol et celle de l'oiseau posé. Je compare la libre-pensée à l'oiseau en vol dont le regard voit au-delà de l'horizon, alors que la pensée arbitraire est telle que l'oiseau posé dont le regard n'a plus accès qu'à ce qui lui est adjacent. Ce qui est important, ce n'est pas que la pensée atterrisse, c'est que la pensée posée puisse toujours reprendre son envol. Ces deux états de la pensée ne sont pas contradictoires, ils sont complémentaires.

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  3. L'univers est un continuum ? Ah, tiens, vous êtes capable de trancher les débats les plus avancés de la physique fondamentale aussi simplement que ça ?

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