Tout comme je suis un être limité spatialement dans une zone appelée «mon corps», je suis limité temporellement dans une période appelée «ma vie». Il ne peut en être autrement, car tout ce qui existe est défini par ses limites dans le continuum universel. Exister c'est être limité.
Se représenter le temps comme de l'espace nous aide à accepter l'aspect éphémère de toute chose. Une chose n'a pas besoin d'être omniprésente pour qu'on l'apprécie et qu'on la considère importante pour nous. Transposons cette conception sur l'axe du temps. Le fait qu'une chose ne soit pas éternelle ne la rend pas «vide de sens» si elle a une valeur dans le présent. On doit apprendre à apprécier le moment pour ce qu'il est.
Une autre conséquence du fait que le temps soit une dimension, c'est que le passé existe indépendamment du souvenir qu'on en a et qu'il est inaltérable. Conséquemment, se souvenir du passé n'apporte rien au passé. Cela ne peut être utile que pour le présent et l'avenir. Cela implique également que l'on ne doit pas s'attarder à ressasser inutilement des souvenirs douloureux; on doit apprendre à tourner la page. Inversement, on peut plus facilement faire le deuil du passé si l'on pense au fait qu'il n'a pas «cessé d'exister» mais que nous ne sommes tout simplement plus dedans.
La mort ne doit pas être une source d'angoisse inapaisable. Nos proches trépassés existent mais dans le passé (voyez cet autre époque comme un lieu inaccessible). Pour une conscience donnée, «le présent» se trouvera toujours à l'intérieur de la période que constitue sa vie. Nous sommes éternels pour nous-mêmes. Comme le disait Épicure : «la mort n'est rien pour nous». Ce qui est à craindre dans la mort n'est donc pas son inévitable imminence mais simplement qu'elle arrive avant que l'on ait accompli notre quête de sens.
Si le passé existe et est inaltérable indépendamment de nous, il en va de même du futur. Il n'y a qu'un futur, une seule séquence d'événements se produira et elle est prévisible pour quiconque dispose des données. Cela n'entrave aucunement notre liberté, car liberté et libre-arbitre font deux. Étant donné que la prise de conscience de l'inexistence du libre-arbitre trouble notre quête de liberté, notre ignorance des événements à venir accroisse ironiquement notre sentiment de liberté.
Les questions comme «Qui avait-il avant le début du temps?» sont vides de sens. Indépendamment de la forme de l'axe temporel, tout lien causal n'existe qu'à l'intérieur du temps. Conséquemment, si l'on remonte la chaîne des événements et qu'on arrive à un «début», on pourra avoir l'illusion que l'univers est apparu «à partir de rien». On recherche intuitivement un rapport causal mais notre démarche est vaine. Tous les maillons d'une chaîne ont un maillon avant eux et un maillon après eux, sauf le premier et le dernier. Cela n'a rien d'aberrant. Il ne le serait pas davantage que l'univers n'ait pas de cause. À moins que les dimensions soient bouclées, de sorte que le premier maillon serait attaché au dernier. C'est également concevable.
En relation : "Einstein/Gödel : quand deux génies refont le monde" de Palle Yourgrau.
RépondreEffacerPour le continuum, le débat discret/continu n'est pas tranché (René Thom évoque notamment l'aspect fondamental de ce débat). Plusieurs possibilités non continues :
- spéculation genre "jeu de la vie" de Conway.
- Au niveau des réponses non encore tranchées pour les problèmes non résolus en physique fondamentale (unification, matière noire, normalisation en physique quantique, etc.), différents possibles non continus, alternatives à la théorie des cordes (non encore prouvée par l'expérience): un modèle de Carlo Rovelli (il me semble), différents modèles d'espaces-temps granulaires (Salam évoque notamment le fait que les maths sont très en retard là-dessus) ou à pavages (plusieurs matheux-physiciens) ou bien d'autres encore. En fait, le continuum a la fâcheuse tendance de créer, à chaque résolution de paradoxe, une floppée de nouveaux paradoxes. D'un autre, côté, en topologie discrète, il y'a des théorèmes mathématiques limitatifs fondamentaux qui posent aussi de gros problèmes.
Pour la causalité : tout n'est pas forcément causal, lire Feynman ("la nature de la physique", par exemple) pour voir comment la réalité physique prend souvent le contre-pied du moindre bon sens philosophique.