jeudi 15 janvier 2009

Le sens de la vie

La question «Quel est le sens de la vie?» peut être interprétée de nombreuses façons. Le mot «sens» peut vouloir dire «but», «cause», «raison d'être» ou «direction» tandis que le mot «vie» peut faire référence à la vie d'un individu particulier, à l'ensemble des êtres vivants ou même à l'univers tout entier. Cette ambiguïté fait en sorte que l'individu sera enclin à croire que le sens qu'il donnera à sa vie doit nécessairement être lié à la raison d'être de l'univers lui-même (donc soit l'univers est téléologique, soit nos vies n'ont aucun sens). Rien n'est plus faux, selon moi. Mais laissez-moi d'abord vous expliquer comment je définis le sens de la vie.

La sélection naturelle a favorisé chez l'humain le développement de l'intelligence. Il y a moult réalités dont l'humain est conscient et qui échappent à l'esprit des bêtes. L'une d'elle étant la fatalité de la mort. Nous sommes conscients qu'en dépit de tous les efforts que nous mettrons pour repousser la mort – bien s'alimenter, faire de l'exercice, ne pas prendre de risque inutile – cette dernière nous rattrapera inévitablement. Ce constat entre en conflit direct avec ce qu'on appelle souvent «l'instinct de survie», c'est-à-dire notre viscéral désir d'autoconservation. Nous sommes enclins à vouloir continuellement perpétuer notre existence individuelle mais nous savons que nous échouerons tôt ou tard dans cet éternel combat contre la mort.

Cet antagoniste donne naissance à un nouveau besoin que j'appelle «la quête de sens». C'est un mécanisme de défense psychologique qui nous permet de sublimer cette angoisse et d'accepter notre propre mortalité. Le «sens» de notre vie, d'après ma définition, c'est l'ensemble des accomplissements, des projets ou des expériences qui nous font apprécier nos vies en dépit de leur caractère éphémère. Lorsque l'on a l'impression que notre vie est «complète» ou que l'on a laissé dans le monde une part de nous-mêmes qui nous survivra, mourir devient moins angoissant.

La sélection naturelle a «recyclé» ce besoin en l'orientant de façon à ce qu'il optimise la propagation des gènes de l'individu. Ainsi, fonder une famille sera pour beaucoup de gens un accomplissement satisfaisant et donnera un sens à leur vie. Mais l'on peut assouvir notre quête de sens de bien des façons. En s'accomplissant artistiquement par exemple, ou en faisant progresser la science. Bref, ma vie a le sens que je lui donne.

On peut assouvir notre quête de sens mais on peut aussi se contenter de neutraliser l'antagonisme dont elle est issue en niant l'existence de la mort. C'est le principal pilier des croyances religieuses. Elles prolifèrent sur cette base en nous racontant que la mort n'est pas une fin mais une étape vers une autre vie bien meilleure que celle-ci. Bien sûr, pour y accéder, il faut obéir aveuglément aux commandements divins dont les prêtres de tout acabit se disent les porte-parole exclusifs…

6 commentaires:

  1. La fatalité de la mort serait une évidence autre que celle d'une statistique dont les données ne sont que celles dont nous disposons ?

    J'avoue ne pas connaître d'immortels "déclarés", et je dois même vous avouer que je connais surtout des vivants "déclarés", et que seulement une minorité d'entre eux sont passé de vie à trépas. Je crois que c'est même ce manque d'expérience de la mort et surtout de la nôtre qui fait qu'une bonne part de l'humanité agit comme si elle était, de facto, immortelle.

    La sélection naturelle a bon dos, mais si elle est sensée favoriser la meilleure adaptation, son but n'est pas incompatible avec l'accession à l'immortalité. Je dirais même qu'avec l'avènement de l'espèce humaine, elle a perdu une partie de son influence en voulant jouer gros. Il faut avouer que celle-ci joue sur le très long terme, ce qui nous joue un tour pendable puisque l'espèce humaine, ayant posé un moratoire sur la sélection du génome le plus "rentable", court forcément vers la plus grande tare génétique possible. L'évolution de l'espèce humaine est en sursis, et il est logique de penser qu'à terme les maladies génétiques vont se multiplier.

    Peut-on être immortel ? Potentiellement, mais génétiquement, oui. Il suffit de faire conserver son ADN. Déjà les femmes n'ont plus besoin des hommes pour se reproduire.

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  2. En ce qui concerne les croyances religieuses, je dirais qu'il ne faut avoir "pensé" l'hypothèse religieuse que très superficiellement pour n'en tirer que ce que vous dites. Je dirais même que la majorité des "croyants" font pareil. Ce qui ne disqualifie pas un croyant d'être raisonnable et de vivre sa croyance en parfaite cohérence avec l'univers, sans autre guide que lui-même.

    Chacun admettra que les religions sont de fabrication humaine et que l'argument d'autorité divin correctement posé est en parfaite contradiction avec l'hypothèse religieuse.

    Est-ce que l'hypothèse d'une "vie" après la mort est si farfelue que cela ?

    J'opposerais la réalité même de notre existence, par la naissance, à cette déclaration. Ce n'est pas parce que nous serions "vidé" de l'information d'une "vie" antérieure, que nous ne serions pas dans un cycle de "renaissances". Si la vie après la mort est assez "incroyable", la vie, elle-même, est aussi assez incroyable.

    À nouveau, nous tirons des conclusions hâtives par manque d'expérimentation. Pire, même, si c'est effectivement le cas, nous n'en saurons rien. Ce qui est assez ironique. Dans tous les cas, il y a une évidence qu'il serait ridicule de nier : nous vivons au présent, et si nous n'avons aucun contrôle sur le passé, nous ne pouvons que désirer le futur, sans que nous ayons beaucoup plus de contrôle sur lui.

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  3. Reste le sujet lui-même à traiter : "Le sens de la vie".

    Que savons-nous ?

    - Que nous appartenons à l'espèce humaine, et que celle-ci est une espèce grégaire.

    - Que les générations succèdent aux générations.

    - Que chaque génération profite des progrès de la génération précédente et/ou des générations précédentes.

    - Que par une manière de réciprocité, nous sommes sensés être inscrits dans ce processus de progression, si ce n'est par respect pour nos aînés, que ce soit alors par esprit de responsabilité pour ceux qui nous suivent.

    Par suite de ce préambule, il semble évident que puisque nous naissons nus d'information et que nous perdons toute information en passant l'arme à gauche, le sens minimum de l'existence est donc celui de transmetteur de l'information aux générations futures. On peut même imaginer qu'en dehors de cette simple transmission de l'information, nous puissions même désirer l'améliorer.

    Le simple fait que vous écriviez vos réflexions va bien dans ce sens, sinon vous n'écririez pas. Ça, vous ne pouvez pas le nier. Tout au plus, si vous êtes très jeune, pouvez-vous prétendre que vous ne vous adressez qu'aux générations présentes, mais si vos écrits perdurent ainsi que si vous continuez à écrire, tôt ou tard, vous serez pleinement dans le cas d'espèce professant ce sens de l'existence.

    Ceci clôture ma première salve de réflexions sur ce sujet.

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  4. Le bénéfice apporté par la croyance dans le sens de la vie n'est-il pas lié à l'illusion que précisément ce sens est réel et pas uniquement un moyen de supporter la mort ? Dit autrement le bénéfice n'est-il pas un effet essentiellement secondaire ? Vouloir l'obtenir,n'est-ce pas se condamner à ne pas l'avoir ?

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  5. Si je vous comprends bien, vous dites qu'en étant conscient que le sens de la vie n'est que subjectif, cela diminue notre sentiment que notre vie peut avoir un sens? C'est plutôt vrai. C'est le côté négatif de cette prise de conscience. Le côté positif, est que l'on peut donner à la vie le sens que l'on veut et qu'il n'y a pas de mauvaise réponse. Personne à la fin va nous dire «Non, ce n'était pas ce qu'il fallait faire»

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    1. Oui, vous me comprenez bien !
      Peut-on se dire "c'est que je dois faire" et agir en conséquence - c'est-à-dire avoir une croyance pleine : elle sert comme prémisse de l'action - en ayant simultanément la connaissance de l'arbitraire d'un tel devoir ? Je fais l'hypothèse suivante : quand on donne un sens à sa vie de ce type ("mon sens") et qu'on agit en fonction de cette croyance, il y a un phénomène de duperie de soi (l'agent sait bien qu'un tel sens de la vie est peanuts mais cette croyance désagréable est reléguée au fond de lui - forme synchronique de la duperie de soi - ou bien abandonnée puis reprise - forme diachronique -).

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