mardi 17 février 2009

Sur l'inexistence des races humaines

La première fois que l'on m'a dit qu'il n'y avait pas de races au sein de l'humanité, je ne l'ai pas cru. C'était lors d'un de mes premiers cours d'anthropologie. J'estimais alors que cette théorie n'était motivée que par une idéologie antiraciste. Bien que je sois moi-même contre le racisme – ainsi que contre toute forme de discrimination arbitraire –, je pense que le devoir de la science est avant tout d'établir la vérité sans interférence idéologique, qu'elle soit positive ou négative. Par la suite, lorsque l'on m'a expliqué plus en détails l'infondé du concept de race, je me suis rallié à cette position qui me semble aujourd'hui la seule qui soit scientifiquement défendable. Je vais donc à mon tour vous enseigner pourquoi il n'existe pas de races au sein de l'espèce humaine.

D'abord sachez que la conception des races varie considérablement selon le lieu et l'époque. Les Latinos sont aujourd'hui considérés comme une race aux États-Unis – et souvent comme de la même race que les autochtones (!) –, alors qu'à l'époque coloniale ils faisaient partie de la race blanche et étaient totalement distincts de la «race rouge» des indigènes. Et cette même race blanche des colons européens était, au début du 20e siècle, divisée en la race des Aryens, la race des Sémites, celle des Arabes, des Slaves, etc.

Ensuite, les critères choisis pour définir les races sont toujours choisis arbitrairement. Bien sûr, ce sont des traits héréditaires. Mais pourquoi choisir la pigmentation ou la forme du faciès crânien plutôt que le groupe sanguin par exemple? Choisir des critères moins visibles nous révélerait que les populations se sont mélangées plus souvent qu'on pense. Prenez les haplogroupes par exemple.

En plus, les critères choisis sont des variables continues. À partir de quel niveau de pigmentation sépare-t-on la race blanche de la race noire? Avant l'époque coloniale, les populations de l'Afrique centrale jusqu'à l'Europe du nord pâlissaient graduellement à mesure que l'on montait en latitude, sans qu'il n'y ait de point de rupture. S'il est plus facile de faire une démarcation chez les Étatsuniens, c'est que leurs ancêtres viennent surtout des deux extrémités de ce continuum (quoique le métissage très fréquent rend cette dichotomie encore plus obsolète).

Finalement, comme c'est souvent un nombre pluriel de traits qui sont considérés comme définissant les races, je pense que peu importe sous quel angle on le prend, le nombre de bâtards dans l'humanité dépassera toujours de loin celui des purs-races…

Certains me répondront «Oui, mais si les chiens ont des races, pourquoi pas les humains...?» Le sens que prend le mot «race» chez une espèce d'élevage (breed, en anglais) est différent de celui qu'il a dans une espèce naturelle (race, en anglais). Les races de chiens, de vaches ou de moutons sont créées par des croisements sélectifs ayant pour but de rassembler certains traits particuliers dans un même individu. On définit la race par un phénotype précis puis on fabrique les individus de race en les faisant correspondre à ces critères. Cela est plus un concept «artistique» (ignoble selon moi…) qu'un concept scientifique. Les espèces nées par la sélection naturelle ne possèdent pas de races.

Le sexe est une catégorie fondée sur un ensemble de traits qui sont mutuellement très corrélés (la présence des seins révèle très souvent celle d'un utérus). L'espèce est basée sur un critère unique et empirique (l'interfécondité). Mais la race, elle, n'a rien de telle. Ce n'est qu'une étiquette de plus; et c'en est une particulièrement nébuleuse. Personnellement, je pense que le problème n'est pas tant de discriminer un groupe que de continuer à croire à son existence. Je trouve aberrant que, de nos jours, les médias continuent de parler comme si les Noirs et les Blancs étaient deux groupes distincts, étanches et clairement découpés. La réalité est un continuum.

Diviser l'espèce en sous-espèce ne serait légitime que si ces dernières seraient demeurée isolée suffisamment longtemps les unes des autres pour que les membres de chaque sous-espèce aient un ancêtre commun exclusif (ce qui en feraient des clades intraspéciques) ou si les accouplements mixtes entre ces sous-espèces seraient significativement moins fertiles que les unions d'individus de la même sous-espèce (ce qui serait un début de spéciation).

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