Dans son ouvrage Frames of Mind: the Theory of Multiple Intelligence, le psychologue Howard Gardner soutient que l'intelligence est pluriel. Ces multiples intelligences seraient des aptitudes intellectuelles autonomes qui ne seraient donc pas mutuellement corrélées. Par exemple, on peut être doué en maths (intelligence logicomathémathique) mais être faible en français (intelligence verbolinguistique).
J'ai toujours été globalement d'accord avec cette théorie. Bien que j'y apporterais une ou deux critiques. Je me demande si l'on ne divise pas en plusieurs intelligences des intelligences qui n'en sont qu'une ou, au contraire, qu'on amalgame plusieurs aptitudes différentes pour en faire une seule intelligence alors qu'elles procèdent d'une méthode de réflexion distincte. Par exemple, si le fait d'organiser différents éléments en un système de classification logique est sans doute une intelligence en soi (intelligence naturaliste ou écologique, selon les auteurs), je ne vois pas pourquoi le fait de pister des animaux ou de cuisiner en forêt appartiendrait à la même intelligence. On a mis ensemble plein d'aptitudes n'ayant pour lien que la thématique de la nature mais je ne vois pas ce que, cognitivement, ça a en commun.
Mais que l'on soit ou non d'accord avec la façon dont Gardner découpe les intelligences, on doit admettre que ce qu'on appelle communément l'intelligence n'est pas qu'une seule faculté homogène mais un ensemble de plusieurs facultés mentales qui ne sont pas nécessairement corrélées les unes avec les autres. Ainsi, il est extrêmement réducteur que de croire qu'il n'existe qu'une seule forme d'intelligence. C'est un peu comme si l'on n'utilisait qu'un seul mot pour nommer la force physique, la souplesse du corps, l'endurance et la dextérité; ce serait manquer de précision. L'intelligence n'est pas unidimensionnelle.
Toutefois, je constate que cette théorie de la pluralité des intelligences est souvent récupérée à des fins idéologiques. J'ai souvent l'impression qu'on a érigé en dogme l'égalité des humains, au point que l'on niera cette asymétrie des aptitudes intellectuelles. Généralement, on va considérer que c'est l'intelligence qui est la plus déterminante et donc postuler que tous les humains sont exactement aussi intelligents les uns que les autres. Lors d'une situation où une personne est manifestement moins intelligente qu'une autre, on va utiliser le flou sémantique du mot intelligence, ou le fait qu'il existe plusieurs sortes d'intelligence pour présumer que si la personne semble moins intelligente, c'est qu'elle est sûrement plus intelligente dans d'autres domaines. On conclura donc que tous les individus possèdent exactement autant d'intelligence mais qu'ils l'ont investi dans différents domaines ou différentes formes d'intelligence.
Un autre exemple de récupération idéologique de cette théorie est lorsqu'un croyant (religieux ou ésotérique) utilisera la pluralité des intelligences pour discréditer la raison au profit de l'intuition. Comme si les croyants utilisaient simplement une intelligence distincte de celle des sceptiques et que c'est pour ça qu'on ne comprenait pas l'éblouissante logique de leurs raisonnements circulaires et autres sophismes. Quelqu'un m'a même déjà dit qu'il avait une «intelligence spirituelle» puisqu'il avait de la facilité à mémoriser la bible…
Bref, je suis d'accord sur le fait qu'il y a plusieurs formes d'intelligences, mais je suis souvent en désaccord avec plusieurs des raisonnements qui découle de ce constat. Dire à la défense d'une personne stupide qu'il y a plusieurs sortes d'intelligence est aussi absurde que de dire à la défense d'une personne laide que la vraie beauté est intérieure.
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