samedi 25 mai 2013

Faire sa part

Je vous cite de mémoire une sorte de conte que j'ai lu quelque part. Il me semble que c'est une fable amérindienne. Brièvement c'est:

Un terrible incendie ravageait la forêt. Tous les animaux s'enfuirent de l'autre côté de la rivière. Sauf le colibri. Il plongea dans la rivière pour se gaver d'eau, puis survola le brasier pour y recracher les quelques gouttes qu'il avait pu transporter, avec le vain espoir d'éteindre les flammes. Il répéta cette manœuvre à plusieurs reprises, tandis que les autres animaux le regardaient avec moquerie.
«Mais qu'essaies-tu donc de faire?» lui demanda l'orignal. «Tu vois bien que tes efforts ne servent à rien!»
«Peut-être…» lui répondît-il. «Mais moi au moins je fais ma part.»

Cette histoire m'a fait réfléchir. Au début, je trouvais moi aussi le colibri stupide. Concrètement, ses actions n'apportent aucune conséquence positive et ne sont donc que des efforts inutiles. Même après sa justification, comme quoi il «fait sa part» je trouvais cela tout de même absurde puisque cela n'apporte quelque chose qu'à lui-même; il recherche la satisfaction dans l'accomplissement d'une tâche vaine en se valorisant d'être le seul qui a essayé de lutter plutôt que de fuir. Ainsi, selon mon paradigme utilitariste, j'étais en désaccord, à prime abord, avec la morale de cette fable. Ce n'était qu'orgueil, à mes yeux, que d'agir inutilement pour se glorifier d'être un individu honorable.

C'est en y repensant plus tard que je me suis dis que si les conséquences immédiates des actions du colibri semblent les rendre futiles, elles auraient pu avoir des conséquences indirectes bien positives. Si tous les animaux avaient aidé le colibri en jetant sur les flammes autant d'eau qu'ils le pouvaient, leur forêt aurait pu être partiellement sauvée. Tout ce que le colibri pouvait donc faire, c'était prêcher par l'exemple et si tous les autres l'avaient imité, ses gouttes d'eau auraient fait partie d'une somme d'eau qui elle aurait eu un impact.

Ça m'a amené à penser qu'il y a plusieurs situations dans la vie où les actions d'une personne n'ont absolument aucune conséquence si elle est la seule à agir, mais nécessitent qu'une quantité significative de gens agissent de même pour avoir du sens. Par exemple:
  • Recycler,
  • Manger végétarien,
  • Boycotter un produit,
  • Voter pour un parti politique autre que l'un des deux au pouvoir,
  • Participer à une marche, à une manifestation ou à une pétition,
  • Faire un modeste don à une œuvre de charité,

Dans toutes ces situations, on peut arguer à juste titre que le fait qu'une personne donnée participe ou non a très peu d'influence sur le résultat final. Que la cause ait beaucoup ou très peu de supporteurs, un de plus ou moins ne changera pas grand-chose. Ainsi, plusieurs personnes ayant à cœur les objectifs d'une cause, mais n'étant pas certains de vouloir participer, se justifieront à eux-mêmes leur laxisme en se disant «Il y a déjà assez de gens qui participent, alors même si je participais aussi ça ne changerait rien» ou «Il y a si peu de gens qui participent, donc même si je participais aussi ça ne donnerait rien». Moi-même je fais souvent ça.

Je pense que la question que l'on devrait tous se poser dans ce genre de situation, c'est: Si tout le monde faisait comme moi, qu'est-ce qui se passerait? Si tout ceux qui contribuent à une cause décidaient d'abandonner en prenant pour acquis que tous les autres contribueront pour eux, la cause mourra. Si, à l'inverse, absolument tous les gens qui croient ne serait-ce qu'un peu à la cause décidaient de faire leur part, nous gagnerions notre cause. Par exemple, ça m'agace tellement quand quelqu'un vote pour un vieux parti corrompu en disant: «Bah, de toute façon, c'est sûr que c'est lui ou l'autre tout aussi corrompu qui va gagner…» Non. À chaque élection, tous les partis repartent à zéro. Si c'est toujours les mêmes qui gagnent, c'est justement parce que trop de gens se font ce même raisonnement absurde.

Bref, même quand notre pouvoir en tant qu'individu est nul si on est seul à agir, je pense que l'on doit tout de même faire notre part. Non seulement parce que c'est le seul pouvoir que l'on a, mais aussi parce que ça peut réellement faire une différence si l'on est plusieurs à agir, et qu'en nous comportant ainsi, nous prêchons par l'exemple ce qui incitera davantage de gens à se joindre à la cause. Pour moi quelqu'un qui ne fait rien du tout contre un problème, fait partie du problème et perd complètement son droit de chialer contre le problème en question.

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