mercredi 31 juillet 2013

Mutiler sexuellement un enfant

L'excision et la circoncision sont des mutilations sexuelles qu'on pratique sur des enfants au nom de certaines croyances religieuses. Outre le fait que ces opérations ont pour conséquence de réduire la capacité à ressentir du plaisir sexuel, comme elles sont pratiquées sans que ce ne soit médicalement nécessaire sur des individus qui ne sont ni adultes ni consentants, il est clair que c'est contraire à l'éthique. Pour cette raison, plusieurs États interdisent l'excision et songent à faire de même pour la circoncision.

J'ai réfléchi à cette situation. Évidemment, l'action elle-même de mutiler sexuellement un enfant est indéfendable. Mais la prohiber serait-il une solution? J'ai déjà dit que faire des lois devait être pensé, non pas en nous interrogeant sur l'éthique de l'action sur laquelle on légifère, mais bien sur les conséquences d'une telle législation. Ainsi, que se passerait-il si l'on interdisait ce genre de pratiques barbares? Les gens continueraient de s'y adonner mais dans la clandestinité, ce qui empêcherait l'État d'exercer le moindre contrôle sur la façon dont elles sont pratiquées.

J'avais le même raisonnement lorsque je parlais de la drogue, de la prostitution, de la possession d'armes ou de la pornographie pédophile en animations. Mon point était que même en étant contre ces dernières, on pouvait être pour leur légalisation si cela avait pour conséquence une réduction de leur nuisance. Mais dans le cas des mutilations sexuelles d'enfants, j'ai bien de la difficulté à me rallier à cette même position. Évidemment, on pourrait essayer d'obtenir un accommodement qui soit réellement raisonnable. Disons que ça serait pratiqué dans un hôpital, par un médecin, sous anesthésie, et que l'on ne ferait l'ablation que d'une petite partie du prépuce ou du clitoris. Et, supposons qu'avant de la pratiquer on forcerait les parents à lire de la documentation sur le sujet, avec des avis de médecins mais aussi de membres de leur clergé qui sont contre, pour maximiser les chances qu'ils changent d'idée... Mais tant que ce n'est pas fait sur un adulte consentant, ça me répugne tout de même.

Ici, j'ai délibérément mis dans le même bateau l'excision des jeunes filles (coutume rare en Occident et outrageuse dans notre culture féministe) et la circoncision des jeunes garçons (beaucoup plus fréquente en Occident, et que nul n'oserait critiquer de peur d'être accuser d'antisémitisme) pour faire un exercice de relativisme culturel. Bien que, objectivement, la circoncision soit légèrement moins pire, il s'agit dans les deux cas de mutilations sexuelles religieuses sur des enfants. Pourquoi tolérer l'un et s'insurger contre l'autre? De la même façon, je pense que l'on ne devrait pas tolérer qu'un parent fasse percer les oreilles de son enfant, puisque c'est une atteinte à son intégrité physique et que de tolérer le perçage des oreilles en interdisant le tatouage ou d'autres formes de perçage, pour la seule raison que c'est une coutume à laquelle on est plus habitué, serait parfaitement arbitraire et ethnocentrique.

Au fond de moi-même, je ne peux m'empêcher de me dire qu'une personne ayant pour croyance qu'elle doit mutiler sexuellement son enfant ne mérite tout simplement pas d'avoir la garde d'un enfant. Par contre, je réalise que si la majorité des gens dans notre société ne le font pas, ce n'est pas parce qu'ils sont de meilleures personnes, mais simplement parce qu'ils sont par hasard nés dans une religion n'ayant pas cette pratique. Aussi, je conçois qu'une personne puisse être un bon parent sur tous les autres aspects, même si elle est porteuse de cette croyance indésirable. Bref, je pense que l'on a comme société un devoir d'éducation pour que les gens abandonnent ce genre de barbarie. En attendant, je ne sais pas comment la loi devrait regarder ces pratiques.

dimanche 14 juillet 2013

Charte des valeurs communes

Apparemment que le gouvernement du Québec a encore repoussé l'échéance du début de son projet de créer une «charte des valeurs québécoises» pour encadrer, entre autres, les demandes d'accommodements religieux. Cela m'a donc poussé à me demander quels devraient être les valeurs communes d'un État? Ou, disons, les vertus qui meuvent ses interventions et ses non-interventions? Au Québec, il me semble y avoir un énorme flou à ce niveau. C'est comme si on ne savait pas trop dans quelle direction on allait ni comment s'y rendre.

En ce qui me concerne, je donnerais personnellement à la charte des valeurs communes un mandat plus large que d'être une simple ligne directrice pour réguler les demandes d'accommodements. J'en ferais une sorte de substitut de religion officielle et d'identité commune. Ce pourrait même être le fondement de notre constitution. Être ce devant quoi on plaide allégeance lors d'un procès ou en recevant notre citoyenneté. Elles seraient enseignées dans les écoles primaires lors des cours d'éthique qui remplacent les cours de catéchèse. Bref, elles auraient un rôle analogue à une idéologie religieuse ou nationaliste mais n'en seraient pas une puisqu'elles permettraient l'existence d'une beaucoup plus vaste diversité d'opinions.

Avant d'énumérer les valeurs communes, je commencerais par déclarer en préambule que le bonheur est le souverain bien, au service duquel seront nos valeurs communes. Ainsi, l'on quitterait le paradigme capitaliste pour adopter l'utilitarisme. Tout ne se mesurerait plus en profit mais en amélioration de la qualité de vie. Voici donc ce que je propose comme valeurs communes:

Égalité: Dans ma réflexion sur le concept d'égalité, je souligne que ce mot a plusieurs définitions mais que la seule qui ait du sens est l'égalité de considération des intérêts. C'est-à-dire, le désir pour une société d'abolir la discrimination arbitraire sous toutes ses formes, actuelles ou potentielles. C'est donc au nom de cette valeur que l'on se doit de lutter contre le sexisme, le racisme et l'homophobie. Certaines mesures visant à accroître l'égalité des chances dans la vie d'une personne, comme le fait de fournir aux personnes handicapées des moyens de paliers à leur handicap, ou le fait d'avoir l'école obligatoire gratuite pour tous, découle de notre quête d'égalité.

Liberté: Je définis la liberté comme étant l'absence d'obstacle entre un désir et son assouvissement. Combinée à l'égalité, elle place elle-même ses limites puisque la liberté de l'un devient la limite à celle d'autrui. Si l'on a réellement pour objectif de maximiser la liberté, l'État ne devrait intervenir par coercition dans les activités volontaires d'un individu totalement conscient des conséquences, que lorsqu'elles interfèrent avec les droits d'autrui. Aussi, toute contrainte de la loi devrait toujours faire augmenter le bilan de liberté d'un individu, en imposant une contrainte moindre que ce qu'imposerait l'absence de cette loi. La démocratie est le rejeton de l'égalité et de la liberté, puisque si le peuple est libre et que tous sont égaux, il n'y a pas de classe dirigeante, seulement des élus au service du peuple.

Solidarité: Avoir cette valeur fait en sorte que l'on reconnaît aux individus des droits qui ne dépendent ni de leur participation à la collectivité, ni de leur capacité à prendre ces droits par la force. C'est au nom de ce principe que l'on donne des droits aux chômeurs, aux personnes dites invalides, aux touristes, aux enfants, aux déficients intellectuels et aux animaux. C'est aussi cette valeur qui exige de l'État qu'il se soucie de ce qui se passe ailleurs que sur son territoire. Cela nous oblige à accepter de recevoir comme citoyen autant de personnes que nous le pouvons parmi les demandeurs ayant tout ce qu'il faut pour. Cela force également notre armée à s'investir dans des missions humanitaire à l'étranger, tant qu'elle en a les capacités et que les conséquences sont plus désirables que celles de sa non-intervention.

Relativisme culturel: J'aurais pu prendre la laïcité comme valeur commune, mais je pense que celle-ci est en fait une subdivision du relativisme culturel (qu'on pourrait aussi simplement appeler «ouverture» ou «multiculturalisme»). Celui-ci nous impose de séparer l'État pas seulement de la religion, mais de la tradition. De laisser aux citoyens non seulement la liberté de conscience, mais aussi celle de pratiquer et de perpétuer leur culture, dans la mesure où cela se fait dans le respect des cultures des autres et des autres valeurs communes. Cela veut dire être à l'écoute des demandes d'accommodements et nous impose de ne rien rejeter qui ne contrevienne pas aux valeurs communes. Cette valeur requiert également que l'État prenne des mesures pour préserver sa diversité culturelle et s'y adapter. Le seul «bémol» que j'ajouterais serait qu'il est important d'avoir une langue commune même si, personnellement, je ne vois pas ça comme une attente à ce principe, tant que cela est pensé comme un droit pour le citoyen et non comme un devoir.

Science: J'aurais pu aussi la nommer «connaissance» ou «raison». Dans un premier temps, je pense que l'État devrait reconnaître que la science a été historiquement et est encore aujourd'hui un moteur de progrès qui a permis d'améliorer la qualité de vie des citoyens. Conséquemment, il convient de subventionner la recherche même lorsqu'elle n'a pas d'autre utilité que d'accroître notre compréhension du monde. C'est au nom de la «science» au sens large que l'on se doit d'avoir un système d'éducation publique, pour libérer le peuple de l'ignorance et la superstition, et lui donner un minimum de bagage intellectuel et de connaissances générales, afin que les individus puissent faire leurs choix de vie de façon autonome et éclairée. D'avoir la science comme valeur commune nous permet également de lutter activement contre les formes plus extrêmes d'obscurantisme comme le créationnisme, les pseudomédecines, l'intégrisme religieux et la propagande haineuse.
Art: L'État doit considérer l'art et la vie culturelle comme étant un bien désirable en soi. C'est pourquoi l'on donne des subventions aux artistes, mais aussi que l'on se soucie de la beauté de notre urbanisme et de notre architecture. Que l'on s'assure d'avoir en place des médias permettant de diffuser les productions culturelles. C'est au nom de cette valeur que l'on préserve notre patrimoine et que l'on offre des bourses à ceux qui étudient dans les arts. Combiné au relativisme culturel et à la liberté, la valeur art nous impose la liberté d'expression, faisant en sorte qu'un artiste sera financé indépendamment de la «qualité» ou de la «moralité» de ses œuvres.

Environnement: La conscience écologique est également une valeur importante. Cela fait en sorte que la pérennité des écosystèmes et de la biodiversité sont importants en soi sans que l'on ait à leur trouver une fonction pratique ou économique. Combinée à notre valeur science, cette valeur nous incite à écouter davantage les scientifiques plutôt que les économistes lorsqu'il est question de l'avenir de la planète. Également, la valeur environnement implique que les ressources naturelles du territoire de l'État appartiennent au peuple et que toute entreprise qui les exploite se doit de lui verser des redevances.

Ce ne sont pas tant les valeurs qui sont actuellement unanimes au Québec, mais plus celles que je désirerais qui le soient. Non seulement on aurait un guide pour savoir quelles demandes d'accommodements sont légitimes (seuls les traits culturels qui s'opposent aux valeurs communes sont indésirables, pour le reste on maximise la diversité), mais cela s'appliquerait pour à peu près tous les projets de société. Si ces valeurs communes étaient clairement affichées comme étant celles de l'État québécois, le fondamentalisme religieux, l'ultranationalisme et l'ultracapitalisme deviendraient tacitement des ennemis de notre société. On pourrait donc lutter plus ouvertement contre les grandes religions et les grosses firmes multinationales lorsqu'elles agissent contre les intérêts du peuple.

Afin de rendre plus attrayante et moins «froide» l'adhésion aux valeurs communes du Québec, on pourrait créer une terminologie, une iconographie et une série de slogans ou de maximes autour de ces valeurs communes pour en faire, non pas une religion ou une idéologie, mais simplement quelque chose de positif et d'inspirant. On pourrait même construire des monuments publics représentant allégoriquement l'union de nos sept valeurs communes autour d'une autre sculpture allégorique symbolisant le bonheur du peuple. J'ai même pensé à un logo (j'ai dû changer les noms de certaines valeurs pour que ça entre):

Imaginez-la plus belle que ça. On pourrait en sculpter un bas-relief en bois (avec sept essences d'ici) qu'on accrocherait au mur de l'assemblée nationale, àa la place du crucifix, pour montrer que ce sont ces valeurs et non les valeurs chrétiennes qui doivent servir de ligne directrice aux élus.

Je répète qu'il ne s'agirait pas d'une idéologie, puisque cela autoriserait et encouragerait la diversité d'opinions, de croyances et de pratiques. Ces valeurs ne feraient que baliser le tout, pour savoir quelles sont les dérives extrémistes que l'on ne tolérerait pas.

N.B. – Je rappelle que je n'ai aucun pouvoir. Donc que je n'en vois pas un paniquer à l'idée que j'impose à tous un «culte des sept valeurs communes». Tout ceci n'est qu'un exercice réflexif.

dimanche 7 juillet 2013

Notre patrimoine architectural religieux

Lorsque je dis que je veux que le gouvernement coupe toute subvention envers les organisations religieuses, on me rétorque généralement:

«Mais les églises font parties de notre patrimoine architectural. Ça prend de l'argent pour les entretenir. Si on coupe les subventions du clergé…»

Rassurez-vous, je suis d'accord avec l'essentiel de cette objection. Je suis tout à fait sensible à la nécessité de préserver notre patrimoine architectural, qu'il soit religieux ou non. Ce que je ne comprends pas, toutefois, c'est pourquoi une église devrait-elle continuer à servir d'église si elle n'est plus assez rentable sous cette fonction pour assurer le financement de son propre entretient? Quoiqu'il se passe à l'intérieur d'une bâtisse, c'est surtout son apparence extérieure qui contribuent à enrichir le paysage et qui constitue un trésor architectural.

C'est pourquoi je trouve que c'est une bonne chose de convertir une église en condos. Extérieurement, le bâtiment conserve la même allure et continue donc d'agrémenter le décor par son architecture. Sauf que son intérieur, plutôt que d'être une salle de messe sous-utilisée, est transformé en quelque chose d'utile. En même temps, les propriétaires des condos vont assurer l'entretient des lieux, de sorte que l'église continue d'être en bon état et de faire bénéficier ceux qui la regardent de son architecture.

Évidemment, l'immeuble à condos n'est qu'un exemple de ce qu'on pourrait faire d'une église. Si ces bâtiments étaient rachetés par l'État, on pourrait en faire des logements modiques ou des bâtiments publics quelconques. Mon point est simplement que de brandir la valeur patrimoniale d'un bâtiment pour justifier qu'il continue d'appartenir au clergé plutôt qu'à des gens qui en feront un meilleur usage, est un argument fallacieux pour maintenir des subventions contraires à la laïcité. Et si vous tenez tant que ça à ce que les églises restent des églises, allez-y don plus souvent!