mardi 25 juin 2013

Les différences entre les sexes

Il y a certains arguments que l'on entend souvent contre la déconstruction des genres qui font référence à des données scientifiques ou statistiques. On nous dira, par exemple, que les cerveaux des hommes et des femmes ne sont pas totalement identiques, ou alors que les petits garçons préfèrent jouer avec des camions. Cette catégorie d'arguments utilise un faux dilemme. C'est comme si on était obligé de choisir entre les deux options suivantes:
  • A) Les deux sexes sont fondamentalement différents.
  • B) Tous les individus sont pareils.

Or, il existe aussi cette troisième possibilité:
  • C) Les individus sont différents. Certaines différences sont fortement corrélées avec le sexe mais jamais à 100% (à part les caractères sexuels primaires puisqu'ils définissent le sexe). Donc on ne peut pas savoir avec certitude quelque chose sur un individu donné si l'on ne connaît que son sexe puisqu'il n'est peut-être pas représentatif de la majorité de son sexe.

Il y a une différence importante entre dire «La majorité des hommes sont comme ça» et «Tous les hommes sont comme ça» ou «Tous les hommes se doivent d'être comme ça». La première proposition n'est que descriptive et peut donc être juste, tandis que les deux autres sont à éviter, la deuxième étant une généralisation et la troisième étant prescriptive. Elles ne se contentent pas d'énoncer une différence générale entre les sexes, elles édictent un comportement que l'individu doit avoir en fonction de son sexe sous peine d'être anormal. Même si presque tous les petits gars aiment les camions, si un petit gars donné préfère les poupées, devrait-on l'obliger à jouer avec des camions? Bien sûr que non. Ce serait absurde et même paradoxal puisque le petit gars en question est la preuve vivante que notre prémisse est fausse.

Je déteste lorsque des livres pour enfants portent des titres tels que «Histoires pour petites filles». C'est une manifestation tangible de ce à quoi je m'oppose. Laissez le contenu du livre tel qu'il est mais changez le titre pour «Histoires de princesses et de fées», et je n'aurai (presque) plus d'objection. Le livre sera sans aucun doute tout de même offert surtout à de petites filles, mais on pourra l'offrir à un petit gars sans que ce ne soit aussi explicitement considéré comme aberrant.

Donc mon point n'est pas de nier qu'il existe des différences générales entre certaines catégories sociales dont le genre. L'idée c'est de déconstruire ces catégories pour que, même si la majorité des membres d'un groupe continuaient d'avoir tel comportement, nul ne se sente contraint de se conformer à un comportement pour la seule raison de son appartenance à une catégorie.

jeudi 20 juin 2013

Se croire l'élu de Dieu

Il y a peut-être deux ou trois ans de cela, l'un de mes amis facebook a mis un statut ressemblant à:
«Les prières ont été efficaces, l'hôpital a finalement donné son congé à ma grand-tante. Merci à Dieu et merci à la Sainte Vierge pour son pouvoir d'intercession!»
Quelque chose d'aberrant m'avait marqué dans cette réplique. J'ai failli le souligner en répliquant:
«Ah je comprends maintenant pourquoi Dieu n'a rien fait pour empêcher le tremblement de terre qui a tué des milliers de personnes au Chili la semaine dernière… il était trop occupé à sauver ta vieille tante.»
Mais bon, mon sens aigu de la politesse m'a retenu d'émettre ce commentaire. Mais c'est tout de même la première chose qui m'est venue à l'esprit. Pourquoi le très croyant voit-il des interventions divines dans les choses positives qui lui arrivent, même lorsqu'elles sont petites, sans se demander pourquoi des malheurs bien plus grands arrivent à autrui?

Un autre exemple c'est lorsqu'il y a un accident d'avion ou une catastrophe naturelle qui tuent de nombreuses victimes. Pourquoi la poignée de survivants se met-elle à «remercier le seigneur»? N'est-ce pas ce même Dieu qui nous a envoyé cette catastrophe naturelle en premier lieu? Sérieusement, pourquoi y voir une intervention divine? Il est tout à fait logique qu'une catastrophe faisant de nombreux morts épargnent quelques survivants. Si un avion s'écrase et que tous les passagers survivent, là oui on s'approche du miracle. Mais qu'une personne quelconque plutôt qu'une autre personne quelconque survive à une catastrophe, c'est tout à fait possible.

Un exemple encore pire: les athlètes qui prient pour gagner une compétition et qui remercient Dieu de leur victoire. Vraiment? Ce n'est même pas une guerre entre deux pays dont l'un pourrait défendre des idéaux plus nobles que l'autre. C'est un simple sport mettant en compétition des athlètes tout à fait interchangeables, et dont l'issu ne changera strictement rien au sort du monde. Pourquoi est-ce que le créateur de l'univers, s'il a tout le cosmos à gérer et s'il autorise des crimes, des guerres et des catastrophes naturelles, sentirait-il le besoin d'intervenir pour qu'une équipe de football d'une université américaine gagne le match plutôt que sa rivale?

Toutes ces situations me semblent découler d'une certaine croyance sous-jacente. Peut-être est-elle inconsciente ou tout simplement inavouable mais, on peut la détecter dans ce genre de propos. Le très croyant ne se contente pas de croire que la religion dans laquelle il a par hasard été élevée s'adonne à être la seule vérité. Au fond de lui-même, il a en plus l'arrogance de croire qu'il est «spécial» pour Dieu. Il est «élu» en quelque sorte. Ça explique non seulement pourquoi Dieu l'a fait naître dans la bonne religion, mais également pourquoi il l'épargne lui et les gens qu'il aime alors qu'il laisse des malheurs terribles s'abattrent sur d'autres. Dieu n'en a rien à foutre des enfants du Tiers-Monde ou du parfait inconnu assis à côté de moi dans l'avion. Ce qui lui importe c'est moi, car tout ce qui m'arrive est pour lui beaucoup plus important que tout ce qui pourrait arriver à n'importe qui d'autre.

C'est ça. Je comprends juste pas comment une religion qui condamne le péché d'orgueil ait pu engendrer autant de narcissiques qui se pensent élus de Dieu.

dimanche 2 juin 2013

Les difficultés de l'utilitarisme

À la base, l'éthique utilitariste que je défends est assez simple. Il s'agit de maximiser l'indice de bonheur, de choisir l'option qui rendra autrui le plus heureux possible. On peut se représenter l'Autre comme une sorte de «jauge» nous disant où se situe son niveau de bonheur:


C'est donc très simple. Si je commets une action qui fait baisser cette jauge, j'agis mal, si je la fais monter, je suis gentil. Mais des difficultés peuvent survenir dès que la situation ne peut plus se modéliser de manière aussi simpliste, ce qui peut entraîner des désaccords entre les utilitaristes. Dans mon modèle de «jauge du bonheur», elles se classent dans deux catégories:
  • S'il y a plus d'une jauge à considérer, c'est-à-dire s'il y a plusieurs individus affectés différemment par mon action.
  • Si mon action modifie le nombre de jauges plutôt que le niveau de bonheur d'une jauge. Par exemple, si je tue un individu je ne le rends pas malheureux; sa jauge ne baisse pas mais disparaît.

Ces cas offrent plusieurs possibilités. Devrais-je additionner tous les individus de l'univers en une seule et même jauge? Devrais-je favoriser l'action qui causerait le plus grand bonheur à un individu spécifique? Devrais-je répartir ce bonheur sur le plus grand nombre d'individus possibles? Ou devrais-je plutôt m'assurer que tous ait, minimalement, un niveau acceptable de bonheur?

La tendance générale, chez les autres utilitaristes, sera de consolider toutes les jauges en une unique jauge – soit en les additionnant, soit en faisant une moyenne – ce qui implique que l'on peut sacrifier un individu donné pour le bénéfice de plusieurs, conclusion souvent contre-intuitive et critiquée par les adeptes d'éthiques déontologistes. Ma position est différente. Dans mon modèle, je considère que ce «bonheur de l'univers» est une pure construction de l'esprit – au même titre que l'honneur ou la souillure – puisqu'elle ne représente aucun individu réel. Ce fictif «monstre d'utilité» ne devrait pas avoir plus de droits que les individus, qui eux existent vraiment. En fait, la raison même qui m'a fait privilégier l'utilitarisme sur ses rivales, c'est parce qu'elle ne s'appuie que sur des choses terre-à-terre, mais en l'agrémentant d'un «bonheur du plus grand nombre», elle perd cet avantage.

Ce que je prône, si l'on s'en tient à ma modélisation de l'éthique sous forme de jauges, serait de ne pas additionner les jauges et de considérer celles qui n'existent pas ou plus comme étant à zéro (c'est-à-dire «neutres», ni heureuses ni malheureuses). Concrètement, ça se résumerait à:
  • Lorsqu'il y a plusieurs jauges (donc plusieurs individus) affectées par mon action ou mon inaction consciente, je dois favoriser le résultat qui permettra de répartir le bonheur de façon à ce que tous soient au-dessus du seuil de contentement, plutôt que le résultat qui donnerait une somme de bonheur supérieure. C'est ce que j'exprimais dans ma réflexion sur l'éthique sur le nombre.
  • Lorsque mon action pourrait faire disparaître une jauge existante (c'est-à-dire, tuerait quelqu'un), je dois considérer que je retirerais à cet individu le bonheur et la souffrance qui lui resterait à vivre si je ne le tuais pas (et que «retirer un bonheur» équivaut à «donner une souffrance» et inversement). Je dois aussi considérer que contrarier son désir de continuer à vivre ou de mourir est une souffrance. Ainsi, commettre un meurtre est répréhensible mais euthanasier une personne en phase terminale d'une maladie douloureuse et qui désire qu'on l'aide à mettre fin à ses jours, ne l'est pas.
  • Lorsque mon action fait apparaître une nouvelle jauge (par exemple, si je donne naissance à quelqu'un), cela ne constitue en soi ni un bien ni un mal, puisque celui qui n'existe pas ne souffre pas de son état et ne désir pas venir à l'existence. De plus, en amenant autrui à l'existence contre son gré (forcément!), je m'engage tacitement à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que le bonheur domine la souffrance dans sa vie, de sorte que je le fasse passer de «neutre» (inexistant) à «heureux».
  • Lorsque mon action empêche une potentielle nouvelle jauge d'exister (par exemple, si j'avorte ou que j'utilise la contraception), cela ne constitue en soi ni un bien ni un mal, puisque celui qui n'existe pas ne souffre pas de son état et ne désir pas venir à l'existence. De plus, empêcher une nouvelle jauge de naître (donc l'équivalent de laisser à zéro une jauge de zéro) est un acte éthiquement supérieur à celui de générer une nouvelle jauge dans laquelle la souffrance dominera sur le bonheur (donc, faire tomber dans les négatifs une jauge qui était à zéro). C'est ce que j'exprimais dans mes réflexions sur le futur et sur l'eugénisme.

Bref, bien que mon éthique soit clairement utilitariste, elle a ses propres manières de résoudre les difficultés de ce paradigme moral. Ainsi, pour la distinguer de ses sœurs, je qualifie mon éthique d'utilitarisme individualiste, puisque je focalise sur l'individu et non sur le groupe ou sur la somme des individus.