jeudi 18 septembre 2014

Nos anglicismes

Une des réalités du français québécois est la présence flagrante de nombreux termes issus de l'anglais ou d'expressions calquées de l'anglais. Dans notre langue vernaculaire, nous les employons quotidiennement. Le français de France comporte aussi nombre de mots empruntés à l'anglais, mais ce ne sont pas les mêmes. L'exemple souvent cité est que les Français «se stationnent dans un parking» alors que les Québécois «se parquent dans un stationnement». Mais, la principale différence selon moi n'est pas tant dans le choix des mots empruntés que dans la cause de ces anglicismes. En France, j'ai l'impression que c'est par anglophilie que l'on va volontairement intégrer au langage des termes anglais (ou qui donnent l'impression de venir de l'anglais, comme «footing», «WC» ou «bit-lit») tandis qu'ici c'est plus spontané. Il ne s'agira pas seulement de termes techniques pour désigner des concepts importés des États-Unis, on les intégrera dans des phrases très basiques.

Notre politique linguistique réprouve l'existence de ce genre d'emprunts. Nous avons des dictionnaires d'anglicismes pour répertorier tous les mauvais usages et nous en suggérer de meilleurs. Ce qui m'agace, c'est que ce qui y est considéré comme anglicisme sont des expressions québécoises très répandues, et ce qu'on nous y recommande sont soit des expressions européennes, soit des mots inventés n'ayant pas été consacrés par l'usage. Tout cela me semble artificiel et, en même temps, c'est continuer d'avoir une mentalité de colonisés: par peur de se faire assimiler par l'anglais, on s'assimile volontairement à la France, sans se dire qu'on pourrait revendiquer fièrement notre propre parler et assumer son influence anglophone. Car, oui, la proximité d'avec l'anglais est quelque chose qui caractérise notre dialecte depuis sa séparation d'avec la France, cela fait partie de notre histoire linguistique.

Par ailleurs, on ne fait pas que copier bêtement des mots d'anglais parce qu'on ne connaît pas leur équivalent en français. On se les réapproprie et on leur donne un sens plus spécifique et plus nuancé, plus propre à certains contextes, plus porteur de certaine connotation ou émotion, que leur signification originale (qui, elle, est laissée au mot français). Par exemple si je dis «C'est nice!» ça n'aura pas tout à fait la même signification que si je dis «C'est bien!». Et certains termes comme les verbes «tchôquer» (de l'anglais, to choke, «étouffer», signifie «annuler un engagement à la dernière minute, généralement par crainte ou lâcheté») et «céduler» (de schedule) ne sont pas des anglicismes à proprement parler puisqu'ils n'ont pas de synonymes en français normatif.

J'ai également comme impression que si on aseptise trop notre langue, on ne va que la tuer. Une langue vivante, ça évolue, ça emprunte à ses voisins, et ça forge de nouvelles expressions et de nouveaux mots. L'une des forces de l'anglais, je pense, est qu'elle autorise ses locuteurs à créer des néologismes, par exemple en verbant un nom. Plutôt que de faire du français une langue figée et dissociée de l'usage courant, on devrait avoir pour but de maintenir sa vitalité en la laissant s'exprimer comme elle veut. Bien sûr, on aura l'impression que davantage d'anglais violera ses frontières, mais cet apport ne compromettra en rien son unicité. 

Bref, notre langue, le français québécois, a des racines anglophones au même titre qu'elle a des racines latines et germaniques. Acceptons-le.

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