dimanche 6 septembre 2015

Féminisme et climatisation

Il fait très chaud chez moi aujourd'hui, vraiment très chaud. Alors... permettez-moi de vous parler de climatisation. En fait, je vais vous parler du sexisme dans la climatisation des lieux de travail. Le sujet est tiré d'un article du Washington Post qui a ensuite été relayé par Judith Lussier du journal Métro. Le problème présenté est le suivant:
«So there you have it: the gender divide, thermostat edition. All these women who actually dress for the season — linens, sundresses, flowy silk shirts, short-sleeve tops — changing their wardrobes to fit the sweltering temperatures around them. And then there are the men, stalwart in their business armor, manipulating their environment for their own comfort, heaven forbid they make any adjustments in what they wear.»

Donc le sexisme réside dans le fait que la température ambiante des bureaux est ajustée de façon à ce qu'on y soit confortable en portant ce que les hommes y portent habituellement (un suit à cravate) et pas les vêtements portés habituellement par les femmes (vêtues pour la saison). Je voulais vous parler de cette situation parce que, pour moi, c'est un cas typique de ceux qui mériteraient une approche un peu plus «antisexiste» que «féminisme», c'est-à-dire plus axée sur la déconstruction des genres que sur l'amélioration de la condition féminine.

D'abord on perçoit tout de suite que cette situation dénonce plus un inconfort qu'une véritable oppression... mais, pour moi, cela ne la rend pas sans importance pour autant. Je pense qu'il faut prendre conscience de toutes ces situations du quotidien où les gens sont soumis à des contraintes ou des frustrations à cause de leur sexe ou d'une autre catégorie sociale. C'est important parce qu'il n'y a rien qui justifie cela. C'est comme à l'époque où les Américains forçaient les Noirs à s'asseoir au fond de l'autobus: c'est une situation anodine, comparée à l'esclavage ce n'est qu'un léger désagrément, mais ça n'a rien de légitime et ça maintient en vie un cloisonnement néfaste et arbitraire entre des catégories de personnes. Donc c'est sûr qu'avoir froid au bureau est moins pire que de ne pas avoir le droit d'avoir un bureau ou un emploi rémunéré, mais ça mérite quand même que l'on réfléchisse à cette situation. Pour moi, en matière de discrimination, il n'y a pas de problème qui soit insignifiant. 

Ce que je trouve intéressant dans ce problème c'est qu'on nous le présente ici comme une bavure du patriarcat envers les femmes... alors que ce sont les hommes qui en sont les vraies victimes! Je m'explique: dans un contexte formel, une femme possède une grande liberté vestimentaire. C'est sûr qu'elle se doit d'être habillée propre, mais elle a accès à des vêtements et des chaussures variés, tant dans leur esthétique que dans leur adaption à la température. Un homme n'aura pas ce pouvoir. Il devra toujours porté un suit chaud avec des pantalons longs et des chaussures fermées quelle que soit la saison. Conséquemment... lors d'un été caniculaire comme celui-ci, la différence de température entre l'extérieur et l'intérieur est trop significative pour qu'on y porte les mêmes vêtements, qu'on soit homme ou femme. Donc deux solutions:

  • Soit les femmes font comme les hommes et s'habillent plus chaudement même si c'est l'été, ce qu'elles ont déjà parfaitement le droit de faire.
  • Soit les hommes font comme les femmes, c'est-à-dire s'habiller de saison, ce qui serait le choix sensé et nous permettrait de monter un peu la température du thermostat... sauf que les hommes n'ont pas le droit de faire ça!


C'est là que réside le problème. Tout le monde est incommodé de la différence de température excessive entre le dedans et le dehors, mais si l'on ne mettait pas la climatisation aussi forte, les hommes seraient trop accablés par la chaleur et n'auraient pas plus le droit que maintenant de porter des vêtements de saison. Là au moins c'est égal: tout le monde doit s'habiller chaudement même en été. C'est parfaitement stupide, évidemment, et c'est très sain de dénoncer ça. Mais la solution n'est pas d'incommoder encore plus les hommes, en faisant en sorte qu'ils aient trop chaud à l'intérieur comme à l'extérieur, mais ce serait plutôt de leur donner à eux aussi la liberté de montrer leurs épaules, leurs mollets et leurs orteils lorsque c'est l'été. Voilà pourquoi je disais que c'était un problème avec une solution plus «antisexiste» que «féministe», on ne pense pas suffisamment à remettre en question les contraintes sociales auxquelles les hommes sont soumis, même lorsque le problème y tire manifestement sa source. Et pourtant, lorsque l'on est en face d'un désagrément plutôt que d'une oppression systémique, on ne devrait pas s'empêcher d'adopter ce genre de position.

Il y avait une autre perspective du même problème dans le Huffington Post. On y disait que, indépendamment des vêtements, à la même température, la femme aura légèrement plus froid que l'homme, études scientifiques à l'appui. À ce moment-là, oui, il va de soi qu'il faudra faire des compromis pour que chacun puisse ne pas trop être incommodé par la température... mais ça rend le problème des vêtements encore plus flagrant. Logiquement, ce sont les hommes qui devraient être habillés moins chaudement que les femmes puisqu'ils sont, en moyenne, naturellement plus enclins à avoir chaud.

Bref, quand on aura aboli le port obligatoire du suit à cravate pour les hommes (qui, pour moi, symbolise non seulement le patriarcat mais aussi l'ethnocentrisme occidental, puisque totalement inadapté à la chaleur des pays du sud) et que plus personne ne verra d’inconvénients à avoir un dîner d'affaires avec un homme vêtu d'une camisole, de shorts et de sandales, alors là, enfin, les gens pourront avoir un espace de travail dans lequel la température ambiante sera agréable.

dimanche 16 août 2015

L'innocence et la culpabilité

L'un des piliers de notre système de justice est le concept de culpabilité. On a un accusé, et on essaye de démontrer s'il est coupable ou innocent. On le punira s'il est coupable et le relâchera s'il est innocent. Pour moi, on serait dû pour un petit changement de paradigme à ce niveau. J'abandonnerais, en fait, le concept de culpabilité... J'en ai déjà parlé auparavant mais laissez-moi vous expliquer pourquoi en vous présentant trois petites mises en situations inspirées de scénarios de films de science-fiction connus:

  • A- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour créer des copies parfaites de lui-même, partageant son apparence, ses souvenirs et sa personnalité, mais n'ayant dans les faits rien à se reprocher dans ses actions.
  • B- Une technologie futuriste nous permet de prédire à l'avance, avec une marge d'erreur nulle, quand un crime sera commis et par qui.
  • C- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour modifier sa mémoire, effaçant les souvenirs de ses crimes et aussi ses douloureuses expériences de vie qui l'on mis sur le chemin de la criminalité, reprogrammant ainsi son esprit pour devenir un citoyen modèle. 


Ces trois expériences de pensée nous présentent différents contextes dans lesquelles la culpabilité de l'individu n'est plus corrélée avec sa dangerosité. Ainsi, si mon but n'est que de punir un coupable, je ne peux pas arrêter les clones du tueur dans le scénario A, ou le futur tueur de mon scénario B, même s'ils présentent le même danger pour la société qu'un meurtrier avéré. Inversement, il faudrait mettre en prison le tueur du scénario C même s'il n'est désormais pas plus dangereux que le citoyen moyen. 

Cette justice rétributive n'est pas celle que je prône. Pour moi, justement, c'est la dangerosité qui est à considérer, et non pas la culpabilité comme tel. Cette dernière ne devrait servir que d'un indice nous permettant de déduire qu'un individu a de fortes chances d'être dangereux pour la collectivité. Nous agissons déjà ainsi lorsque nous considérons qu'un individu n'est pas «criminellement responsable» pour des raisons de santé mentale, il échappe alors au système de justice traditionnel et est jugé par la science – si l'on peut dire – puisque ce sont des spécialistes de la santé mentale qui décideront de son sort et s'assureront de lui enlever le pouvoir de nuire à autrui et de le réhabiliter. À l'inverse, lorsque l'on criminalise certaines activités sans victimes directes mais présentant un indice de dangerosité -- telles que de fabriquer une bombe ou de prendre part à un complot -- c'est que l'on reconnaît que ce qui est important pour arrêter quelqu'un n'est pas tant d'avoir causé du dommage dans le passé, mais d'être dangereux dans le futur.

De la façon dont je vois ça, le criminel dangereux devrait être traité comme le porteur d'une maladie contagieuse grave: On lui propose un traitement, avec une mise en quarantaine si nécessaire, en prenant le temps de bien lui expliquer pourquoi cela est pour son bien autant que pour celui de la communauté, puis on le laisse sortir une fois que les risques sont écartés. S'il refuse le traitement, en dépit de nos explications, puisqu'il présente un danger pour la collectivité, il convient de l'isoler et de le traiter contre son gré, qu'il soit ou non «coupable» de sa maladie. C'est pareil avec un criminel dangereux, on veut le réhabiliter, on lui propose de le faire, s'il refuse on le réhabilite de force. Il faut toutefois que les dommages que le criminel pourrait causer constituent un mal supérieur au préjudice que subit sa liberté, d'où la nécessité d'avoir un système carcéral qui minimise la souffrance et maximise la liberté de ses pensionnaires, pour que cette équation soit juste.

À mon sens on devrait toujours agir ainsi. Identifier le problème, en cerner les causes, puis les neutraliser (dans la mesure du possible) et réparer les dommages déjà causés (dans la mesure du possible aussi). Non plus «juger», comme on aime tant le faire actuellement, mais juste dédommager les préjudices subis et éviter leur réitération. La «culpabilité», c'est un concept philosophique dont je me débarrasserais complètement. Trop lié à la croyance au libre-arbitre, qui elle aussi me semble à laisser tomber. Tout comportement délinquant devrait être traité comme un problème psychologique, ou encore comme un bogue dans le système. J'y reviendrai.

dimanche 2 août 2015

Travailler c'est trop dur

La Finlande a récemment annoncé qu'elle instaurerait un revenu universel pour tous ses citoyens, afin de remplacer l'aide sociale et l'ensemble des programmes sociaux. Pour moi, cette idée présente de nombreux aspects positifs et je suis très enthousiaste de voir comment elle sera mis en œuvre. J'ai déjà exprimé depuis longtemps mon opinion sur ce sujet et proposé une idée similaire mais avec quelques bémols; ce n'est donc pas de ça dont je voulais vous parler aujourd'hui. En fait, c'est qu'il y a quelque chose dans l'argumentaire des détracteurs de cette idée qui a attiré mon attention. Un argument qui ressemble à:
«Mais qu'arrivera-t-il pour les emplois peu qualifiés et les tâches ingrates? Plus personne ne voudra les occuper s'ils ne sont plus obligés de travailler pour avoir un revenu, à moins qu'on augmente drastiquement leur salaire et qu'on améliore leurs conditions de travail, ce qui entraînera des coûts pour les entreprises.»

J'ai, personnellement, beaucoup de difficulté à voir ça comme un argument contre le revenu universel. En fait, c'est horrible quand on y pense. Celui qui utilise cet argument reconnaît que certains emplois sont pénibles au point que la seule façon d'avoir des gens pour les occuper est de nous doter d'une classe sociale de pauvres désespérés? D'asservir une caste de démunis à des tâches ingrates avec des salaires de crève-faim et des horaires pas possible ne leur apparaît pas du tout comme quelque chose de problématique? Il me semble que ce n'est pas très loin de l'esclavage.

Je pense qu'il est justement nécessaire que les moins nantis ne soient plus désespérés afin que la transaction employeur/employé devienne un deal équitable, avec un salaire proportionnel aux tâches demandées et des conditions de travail décentes. Si l'on a inventé le salaire minimum, c'est justement pour éviter que des gens trop désespérés ne viennent faire baisser trop bas les salaires et aussi parce que l'on reconnaît qu'il faut un minimum de revenu pour vivre. D'ailleurs, une telle mesure permettrait d'abolir la loi sur le salaire minimum – puisque l'on sera assuré que tout le monde reçoit assez d'argent – tout en, paradoxalement, augmentant les salaires – puisque plus personne n'acceptera d'être mal payé.

J'aimerais que l'on réfléchisse aussi davantage à ce que c'est, dans une société, d'avoir des «tâches ingrates» qui doivent bien être faite par quelqu'un, et à la façon dont on traite les gens qui se dévouent aux dites tâches. Ce n'est pas qu'une question de salaire, je pense. Il me semble que l'on pourrait minimiser les inconvénients pour eux de d'autres façons également, en leur donnant de bons horraires de travail et en limitant à 32 plutôt qu'à 40 leur nombre d'heures par semaine, afin qu'ils puissent s'épanouir dans leur vie personnelle au lieu d'avoir à consacrer tout leur temps d'éveil à leur emploi aliénant. D'ailleurs, j'y reviendrais, mais ça c'est quelque chose qui, je pense, devrait être repensé pour tous les emplois. Mais bref, en attendant que les machines ne puissent s'occuper de toutes ces tâches ingrates donnons au moins à ceux qui les occupent des salaires décents.

lundi 13 juillet 2015

Être ce que l'on veut

Récemment, nous avons entendu parler de l'histoire de Rachel Dolezal, cette Blanche qui se faisait passer pour Noire. Cette personne était une grande militante dans la lutte contre le racisme, elle travaille dans une organisation pour les droits des Noirs qui, si elle n'exige pas explicitement une généalogie particulière, aime se doter d'une certaine diversité parmi ses membres.

Cette histoire m'a amené à réfléchir à plusieurs choses. En fait, je me suis interrogé sur les motivations possibles de cette personne. Pourquoi se faire passer pour Noire? Je me suis dit qu'il y avait deux possibilités. La première étant tout simplement que cette personne voulait occuper un poste dans une organisation militante antiraciste, parce que c'est une cause qui lui tient à cœur, et qu'elle craignait qu'on le lui refuse pour la seule raison de son origine ethnique. Certains pourraient voir ça comme de voler une place qui revenait de droit à une personne noire... De mon impopulaire point de vue antiprivilèges, il est tout à fait légitime de dissimuler la catégorie dans laquelle la société nous classe si l'on pense que l'on pourrait être discriminé pour celle-ci. Par exemple, quand je postule dans un cégep et que l'on me demande si je suis femme, autochtone ou handicapé, je coche toujours «préfère ne pas répondre». Je serais stupide de déclarer ouvertement être un homme en sachant que, même si les femmes sont majoritaires parmi les postulants, je passerais après elles à cause de mon entrejambes. Mais ce qu'il y a de particulier dans la situation de cette femme, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'usurper une catégorie pour avoir un poste, elle voulait un poste dans une organisation antiraciste. Elle tenait tellement à la cause contre le racisme envers les Noirs, elle voulait tant y participer, qu'elle s'est fait passer pour Noire pour ne pas être discriminée d'être Blanche... C'est comme ces hommes qui se sont déguisés en femmes pour participer à cette manifestation non-mixte organisée par les Hyènes en jupons, parce que la cause leur tenait à cœur. Il y a, je trouve, quelque chose de terriblement paradoxale dans cette situation...

Mais j'avais également une deuxième hypothèse à propos des motivations de cette personne. Peut-être s'est-elle fait passer pour Noire parce qu'elle se sent Noire. De la même façon que l'on peut se sentir de l'autre sexe, peut-être se sentait-elle d'une autre race. Elle serait alors une transraciale, une Noire dans un corps de Blanche qui a modifié son extérieur pour qu'il ressemble à ce qu'elle se sent être à l'intérieur. Je trouve ça vraiment intéressant comme phénomène. Pour moi, les races comme les genres, sont avant tout des constructions sociales. Des fictions mais qui ont été échafaudées sur des superficialités dans l'apparence physique des personnes. Ainsi, si, pour sentir qu'elle est elle-même, une personne sent qu'elle doit modifier son corps, elle devrait être libre de le faire et d'être du sexe ou de la race de son choix. Donc nier que cette femme soit Noire est aussi offensant que de nier, par exemple, qu'une personne transgenre soit du sexe qu'elle a choisit d'être.

Un de mes amis m'a parlé d'un autre phénomène semblable mais complètement différent en même temps... Je ne sais pas s'il me niaisait, s'il était lui-même victime d'un canular ou si ça existe vraiment. Les «trans-handicapés». Des personnes valides qui se sentent handicapés à l'intérieur et qui choisissent volontairement de se faire handicaper pour devenir ce qu'elles sentent être. Bon. La différence c'est qu'il ne s'agit plus seulement d'esthétique, l'individu se prive de certaines capacités dans le but d'entrer dans la catégorie sociale qu'il sent être la sienne. Comme j'ai dit, je ne sais pas si c'est vrai mais, ce que j'en pense, c'est que si ça l'est on devrait là aussi laisser les individus devenir ce qu'ils sentent être déjà.

Mais le fait est que s'il y a des trans et des cis c'est parce qu'il existe des frontières. Des enclosures entre des catégories sociales étanches que certains individus réussissent tout de même à traverser, parce qu'ils sentent qu'ils sont nés du mauvais côté de la clôture. Qu'est-ce que ça nous dit? Que des gens soient prêts à s'amputer d'un membre ou de subir une séries de chirurgies pénibles pour transformer leur physique afin d'être reconnus par la société pour ce qu'ils sont vraiment... Pourquoi? Mon ami qui m'a parlé des trans-handicapés a commenté ce fait par cette remarque sarcastique:
«Moi je suis dans un corps d'homme mais au fond je suis un hélicoptère... La société est obligée de le reconnaître et de l'accepter parce qu'aujourd'hui tout le monde peut être ce qu'il veut!»

Ce à quoi je répondrais: Oui! Oui et c'est merveilleux! Que l'on puisse être ce que l'on veut, traverser les frontières entre les catégories, c'est formidable. Mais... le vrai progrès sera accompli lorsque l'on aura réussi à faire éclater ces frontières. Quand il ne sera plus possible de se sentir intérieurement d'un autre sexe, race, culture, génération ou capacité, puisqu'il n'existera plus de telles catégories sociales pour classifier rigidement les citoyens. Quand il n'existera plus aucune forme de trans puisqu'il n'y aura plus de frontières à transgresser; se faire changer de sexe sera comme se faire teindre les cheveux. Là, rendu là, on pourra dire que chacun peut vraiment être libre de ce qu'il est. Et c'est vers ça qu'on devrait s'en aller selon moi. Pouvoir être ce que l'on veut.

mardi 7 juillet 2015

Regarder avec insistance

Un statut facebook récemment diffusé par l'humoriste Jean-François Mercier a suscité un tollé. Il y disait:
«La pensée du jour. S'habiller sexy et se déhancher de manière suggestive dans une discothèque pour ensuite se plaindre des regards insistants des hommes, c'est un peu comme manger de la crème glacée dans un village éthiopien et de dire : "Coudonc calice, pas moyen de manger un cornet icitte sans se faire regarder!"»

Les réactions n'ont pas tardé à fuser, autant pour s'insurger contre de tels propos que pour les défendre. Alors je me suis dit ici que j'allais essayer d'analyser la situation pour faire comprendre aux deux parties ce qu'ils ne semblent pas comprendre de l'opinion de l'autre.

La raison principale de pourquoi un commentaire de la sorte est inacceptable, c'est parce qu'il s'inscrit dans un type d'argument qu'on appelle le slut-shaming. Comme, par exemple, de dire qu'une femme qui se fait violée est à blâmée de son sort puisqu'elle s'habillait trop sexy. Évidemment, l'humoriste ici n'est pas allé aussi loin, il n'a pas parlé de viol, juste de regard. Au fond, il n'a rien dit de si choquant. Mais c'est la similitude avec cet argument, et la pente glissante qui semble y mener, qui rend son propos déplacé.

Mais justement, un autre point de mécompréhension semble résider dans cette nuance subtile entre deux actions, apparemment semblables, mais entre lesquelles existe pourtant la ligne de partage entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Je parle de la distinction entre:
  • Regarder quelqu'un,
  • Regarder quelqu'un avec insistance,

Ça semble la même affaire, mais ça ne l'est pas du tout. Je vais faire une analogie. Je n'aime pas trop celle de la crème glacée employée par l'humoriste, alors je vais en faire une autre, sûrement de tout aussi de mauvais goût, mais que risquent de comprendre les gens concernés. Imaginons quelqu'un qui s'achète une belle voiture de luxe et qu'il l'entretient soigneusement. On peut supposer qu'il sera content d'attirer les regards. C'est sans doute ce qu'il recherche, la raison pour laquelle il s'est acheté un tel véhicule. Mais, si des gens tournent autour de sa voiture dans le stationnement, en s'en approchant beaucoup trop, et en restant là beaucoup trop longtemps, ne serait-il pas normal qu'il s'inquiète qu'on la lui vole ou qu'on la vandalise? Et, s'il se fait suivre en voiture sur une longue distance par un fan de son auto, ne serait-il pas normal qu'il soit inquiet pour sa sécurité? Et est-il obliger de laisser n'importe qui conduire sa voiture juste parce qu'il le lui demande? Évidemment que la fille qui se met belle, qui sort dans les bars et qui danse sensuellement veut se faire trouver belle. C'est normal et il n'y a rien de honteux là-dedans. Mais ça ne veut pas dire qu'elle veut se faire dévisager par un creep pendant des heures ou se faire dire des remarques déplacées.

Par ailleurs, je pense que c'est important de souligner que si, moi, je trouve que la tenue de telle personne est sexy et aguichante, ça reste subjectif. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle-même voit son propre habillement de la même façon. Même chose pour sa façon de bouger soi-disant suggestive. Peut-être qu'elle aime s'habiller ainsi, sortir avec ses amies et danser. Je n'ai pas à présumer de ses intentions. Et, si cette jeune femme précise qu'elle est incommodée par tous ces regards insistants, je n'ai pas à m'imaginer qu'au fond elle pense le contraire. J'ai l'impression que plus la fille est belle, et plus facilement on aura tendance à qualifier son habillement ou son attitude comme «aguichant».


Bon. Maintenant j'aimerais expliquer l'autre versant de la médaille: Quelle est cette émotion dans le commentaire de l'humoriste et que d'autres semblent partager? Je parle de cette colère envers les femmes sexys. D'où vient-elle? Je pense que cette phrase humoristique que j'ai lue dans un mème sur facebook résume très bien la cause de leur frustration:
«The only difference between creep and romantic is if the guy is attractive.»

Ce n'est évidemment pas vrai; c'est de l'humour. Comme je l'ai dit, il y a une distinction entre «regarder» et «regarder avec insistance» qui ne dépend pas du fait que le gars soit attirant. Mais le fait est que certains ont vraiment l'impression que plus le gars est moche, et moins longtemps son regard ne peut durer avant d'être considéré «avec insistance». Même chose pour le fait d'essayer de crouser et de se faire dire que l'on fait une remarque déplacée: si l'autre te trouve attirant physiquement, tu peux dire pas mal d'affaires déplacés avant d'être vraiment considéré comme déplacé. Cette frustration du gars qui ne pogne pas, parce que trop moche ou parce qu'il ne sait pas crouser, est reportée sur la fille parce que le gars a l'impression qu'elle est intolérante envers lui juste parce qu'il est moche. Une sorte de discrimination, finalement, qui le priverait de son droit inaliénable de crouser une fille cute.

En ce qui me concerne, je pense qu'il n'y a rien de mal à essayer de courtiser une personne qui nous attire, même si elle est vraiment trop belle pour nous, il faut juste ne pas trop insister et savoir se retirer quand elle nous a clairement manifesté son désintérêt. C'est peut-être ça aussi le problème: ces gars ne savent pas suffisamment bien interpréter et comprendre les signaux de «ça ne m'intéresse pas» et continuent leur tentative de séduction ou leurs regards insistants au-delà de cette limite. Donc oui, dans certain cas – comme probablement celui du elevatorgate – la personne courtisée est peut-être trop prompte à crier à l'agression sexuelle en face d'une personne qui ne l'attire pas, mais bien souvent c'est peut-être juste que l'individu qui courtise n'a pas suffisamment porté attention aux rétroactions de celle qu'il convoite.

dimanche 19 avril 2015

Investir dans le peuple

Notre politique de libéralisme économique implique que nous ayons une certaine foi envers les entreprises. En fournissant des emplois à la population, et en produisant un bien ou un service, elles contribuent à faire de nous un État prospère. Pour cette raison, nous leur donnons toute sorte d'avantage fiscaux et même des subventions. Nous agissons de même envers certains projets artistiques ou scientifiques. Nous subventionnons car nous savons que leurs fruits seront bénéfiques pour la population.

Je comprends l'idée et j'approuve globalement mais, il y a quand même quelque chose de curieux là-dedans. Ça relève un peu de la pensée magique. On donne de l'argent aux entreprises en espérant que cela aura des retombés positives sur l'économie et qu'elles partageront volontairement leur prospérité avec le peuple... D'accord, mais ne serait-il pas plus logique de faire comme le ferait un mécène privé, c'est-à-dire d'acheter des parts dans le projet plutôt que de juste donner de l'argent gratuitement?

C'est pour ça que je m'étais dit que l'on devrait collectivement se doter d'un programme de mécénat qui permettrait réellement de créer de la prospérité et qui ne reposerait pas que sur la gratitude et la bonne volonté de ses bénéficiaires. Par exemple:

  • Quand on financerait les recherches d'une équipe de scientifiques, l'État posséderait une partie du brevet de la technologie ou du médicament découvert.
  • Plutôt que de donner des subventions à une entreprise, l'État achèterait des parts dans l'entreprise. 
  • Quand on financerait une production artistique, l'État posséderait une partie des droits d'auteur. 
  • Quand on financerait la scolarité d'un étudiant dans un domaine où l'on a besoin d'employés et où les salaires sont élevés (par exemple, en médecine), l'État exigerait un «stage» de dix ans (pouvant être converti en «amende») pour contraindre le diplômé à travailler ici, avant de lui remettre réellement son diplôme.


Ainsi, supposons que je décide de me lancer en affaire, de fabriquer un nouveau médicament ou de produire un film. Si je demande l'aide de l'État, je recevrai quand même une sorte de subvention mais, la condition sera que je devrai rendre une partie de cet argent à l'État si je «réussis». Donc, si mon projet connaît un succès financier modeste ou nul, l'État choisirait de renoncer à sa part de profit pour me la laisser mais, dans l'éventualité ou le truc rapporterait gros, l'État se ferait ainsi de l'argent... dont il se servirait pour réinvestir dans d'autres projets du genre.

Ensuite, il s'agira de diviser les choses en deux catégories de projets, soit les «rentables» (un film commercial par exemple) et les «audacieux» (un film d'auteur). Les premiers ayant pour principale fonction de générer de l'argent qui pourra servir à financer les seconds qui, eux, ont une sorte de valeur intrinsèque. Le but n'est donc pas mercantile, on récolte de l'argent mais c'est pour mieux favoriser l'audace et la diversité dans les projets entrepreneuriaux, artistiques ou scientifiques chez la population. On pourrait, donc, recevoir un financement soit parce que notre idée a des chances de rapporter gros, soit simplement parce qu'elle est originale et contribuerait à notre richesse culturelle. 

Une autre conséquence positive sera que, si je suis quelqu'un de déjà bien nanti, plutôt que de quémander l'aide de l'État, détournant ainsi des sommes qui pourraient aller à des artistes ou des entrepreneurs moins bien nés, je vais me contenter d'y investir ma fortune personnelle pour éviter d'avoir à partager mes gains avec l'État, ce qui laissera plus d'argent pour ceux qui en ont réellement besoin.

Voilà. C'est ça qu'est mon idée. Mais... je dois avouer que c'est encore un de ces billets où je parle à travers mon chapeau... J'ai aucune idée vraiment de comment ça fonctionne en ce moment, c'est peut-être déjà comme ça.

Sur l'esclavage

En théorie, l'esclavage est illégal pas mal partout dans le monde. C'est merveilleux. Nous avons envers l'esclavage une répugnance viscérale culturellement bien implantée, comme par rapport à la prostitution. Mais j'aimerais que l'on réfléchisse réellement à ce que signifie dans le concret qu'être l'esclave de quelqu'un. Je pense que l'on prendrait rapidement conscience que cette situation n'a pas vraiment cessé d'exister. Entre l'esclave et le salarié, c'est une gradation que l'on a; le point de rupture n'est que symbolique. Nous sommes choqués à l'idée qu'une personne puisse en posséder une autre, mais cet état de fait implique quoi pour la qualité de vie et la liberté réelle de celui que l'on dit esclave?

Je vous ai déjà entretenu de ma conception de la propriété. Nous la percevons comme la pleine souveraineté d'un individu sur un objet mais, dans les faits, ce pouvoir n'existe que dans la tête de ceux qui y croient. Le maître n'a, en réalité, pas un pouvoir absolu sur son esclave. Il ne peut le transformer en crapaud ni contrôler ses pensées. Et, lorsqu'il ne le surveille pas, il ne sait pas ce que son esclave peut faire dans son dos. Il y a toujours donc quelques petites libertés discrètes dont l'esclave demeurera maître. En plus, quand on pense aux esclaves on s'imagine tout de suite les Noirs Américains dans les champs de coton mais, historiquement, il y eut des occasions où la condition d'esclave pouvait être relativement enviable, comme chez les Romains et les Aztèques.

J'ai l'air de vouloir faire l'apologie de l'esclavage mais c'est vraiment pas là que je m'en vais. Je voulais juste relativiser les choses pour pouvoir amener une comparaison avec le salariat. Prenons un pays où il n'existe aucune loi pour protéger le travailleur. Donc, où les gens reçoivent un salaire en échange d'un travail mais où les conditions de travail sont terribles, avec des journées de quatorze heures, où ils peuvent être congédiés arbitrairement et reçoivent une paye ridiculement basse. Objectivement, ne serait-il pas préférable d'être un esclave bien traité, logé et nourri, plutôt que d'être un salarié opprimé qui n'a aucun temps pour lui et n'a pas les moyens de se payer un toit ou de manger à sa faim? L'avantage du salarié demeure que s'il n'est pas content il peut démissionner... mais le peut-il réellement toujours? Si la situation sociale fait en sorte que ce poste miséreux dans cette entreprise abusive est le seul auquel il puisse aspirer et que, s'il s'en va, cent autres personnes sont prêtes à le remplacer dès le lendemain, n'est-il pas tout autant prisonnier de sa condition que ne le serait un esclave qu'on enchaîne?

Bref, notre rejet de l'esclavage découle plus du fait que c'est pour nous une aberration qu'un humain puisse en posséder un autre, mais nous ne nous soucions pas du tout du sort réel de l'humain en question.

L'égalité c'est la liberté

Lorsque je fais part à autrui du fait que l'égalité est pour moi une valeur cardinale, je me heurte parfois à une certaine opposition. Une riposte que je pourrais paraphraser en:
Les inégalités sont la conséquences naturelles et inévitables de la liberté dont nous bénéficions. À moins de vouloir vivre dans un État totalitaire, nous n'avons pas le choix d'accepter qu'il y ait des riches et des pauvres.

Cette position est bien évidement héritée de la Guerre Froide, où le monde était polarisé entre le pseudo-communisme des Soviétiques et le pseudo-capitalisme des États-Unis*. Je vais tenter de vous prouver que cet antagonisme est sans fondement. En fait, je vais non seulement essayer de démontrer que liberté et égalité ne sont pas des opposées, mais qu'elles sont, au contraire, indissociables l'une de l'autre.

Tout mon argument ne sera finalement qu'une explication de l'adage: «La liberté de l'un s'arrête où commence celle de l'autre». En fait, il faut aussi comprendre ce que signifie être libres et être égaux

Prenons notre situation, où existent des inégalités. Celles-ci ne sont-elles pas indubitablement des obstacles à la liberté de ceux qui commencent en bas de l'échelle sociale? Comment peut-on dire sérieusement à une personne née dans la misère qu'elle est «libre» alors qu'elle est constamment frustrée dans ses désirs par tant d'embûches, comme autant de clôtures invisibles qui l'emprisonnent dans sa situation médiocre?

Imaginons maintenant une situation analogue à celle de l'Union Soviétique, c'est-à-dire un État totalitaire mais dans lequel tous les individus sont déclarés égaux. Comment prétendre de bonne foi qu'il y a égalité alors que la forte autorité centrale, qui se charge de la redistribution des richesses, est elle-même, de par ce pouvoir qu'elle se donne, supérieure au reste des citoyens? Si les membres du gouvernement vivent dans l'opulence tandis que toute la population est dans la misère, c'est pas mal ce que j'appelle une inégalité.

Si les individus sont égaux, c'est qu'ils disposent tous du même niveau de liberté, c'est-à-dire du niveau maximum de pouvoir qu'un individu peut revendiquer sans porter préjudice à autrui. Donc, comme j'ai dit au début «La liberté de l'un s'arrête où commence celle de l'autre». C'est pourquoi, pour moi, soit on maximise à la fois la liberté et l'égalité, en allant dans cette direction, soit on est une société séparée entre les privilégiés d'un côté – ceux qui ont plus de liberté – et les opprimés de l'autre.

Et, en passant, je ne suis pas nécessairement pour un revenu identique pour tous. Je suis d'accord pour que ceux qui se donnent plus pour la communauté en retirent plus. Mais, pour moi, les plus pauvres doivent vivre dans la simplicité, pas dans la précarité. Et les plus riches doivent n'avoir que l'abondance, pas l'opulence. De doser cette «inégalité méritoire»** pour qu'elle demeure à l'intérieur de balises plus sensées, pour qu'elle se limite à ce qui relève du luxe et pour éviter qu'elle ne s'étende sur les générations suivantes, me semble une nécessité.

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 * Quiconque à lu Marx sait bien que l'Union Soviétique n'était pas réellement communiste. De la même façon, une lecture rapide de l'oeuvre d'Adam Smith suffit pour nous rendre compte que nous ne sommes pas vraiment capitalistes. Dans les deux cas, il s'agit simplement d'une situation où – comme souvent dans l'Histoire – une élite privilégiée justifie son statut par l'adoption d'une doctrine factice alors que, dans les faits, l'autorité a été acquise originellement par coercition et est transmise de façon népotiste. Mais bon, ce sera le sujet d'un autre billet.

 ** Je reparlerai également de ce point ultérieurement. Parce que, pour moi, ce n'est pas nécessairement une inégalité que d'avoir des salaires inégaux... ce peut-être simplement bénéficier du fruit de son travail. C'est juste que notre système va vraiment beaucoup trop loin dans sa conception de ce qu'un individu peut s'approprier comme sien et revendiquer comme paye.

lundi 12 janvier 2015

Des incroyants qui s'ignorent

Suite à la tuerie au Charlie Hebdo, nous avons tous été choqués et troublés de voir que la liberté d'expression pouvait être ainsi attaquée par la violence et le meurtre, encore de nos jours, dans un pays occidental. Les commentaires sur l'événement ont rapidement saturé le web en allant dans toutes les directions. Outre les extrémistes de la droite qui se sont rapidement affairé à récupérer l'événement pour laisser sortir leur xénophobie, la plupart des gens ont plutôt manifesté leur solidarité face aux victimes en affichant le label «Je suis Charlie».

L'élément dont je voudrais discuté ici concerne l'opposition entre deux genres de discours spécifiques qui ont suivi l'événement dans les médias sociaux. Deux opinions en apparence contradictoire que j'ai vu diffusé par mes amis facebook ou sur des blogues que je suis. Il s'agit de:

  • A. Il ne faut pas faire d'amalgame. Les actions perpétrées ici ont été commises par des individus isolés et extrémistes. La majorité des musulmans n'a rien à voir avec de tels actes de violence.
  • B. L'islam est une idéologie violente par nature. Il suffit d'ouvrir le Coran pour constater à quel point certains passages incitent explicitement à la haine et à la violence envers les pécheurs, les païens et les blasphémateurs. Il est absurde de se leurrer en disant que la religion n'a rien à voir là-dedans.


Ces deux positions semblent antagonistes. Et pourtant, j'adhère pleinement aux deux. En fait, ce qu'il faut comprendre c'est que les musulmans modérés sont comme les chrétiens modérés ou tous les croyants modérés: ce sont des incroyants qui s'ignorent. Lisez les passages sanglants du Coran à un musulman peu pratiquant et il réagira de la même manière qu'un catholique moyen face à l'Ancien Testament: il sera choqué et s'en dissociera, ou essaiera tant bien que mal de trouver une façon tordue de réinterpréter ce passage de façon à le faire concorder avec ses propres valeurs et sa propre conception de Dieu.

En fait, comme je le disais auparavant, les gens continuent de s'identifier à leur religion natale plus par attachement à une identité commune, et par loyauté envers leur communauté d'origine, que par foi. Les modérés ne croient pas vraiment à la religion à laquelle ils disent croire. Ils ont une spiritualité personnelle, très librement inspirée de celle de leurs ancêtres, mais leurs valeurs progressistes et modernes n'ont rien à voir avec celles que l'on retrouve dans la Bible et le Coran. On peut dire qu'ils sont tout prêt de l'incroyance, à un pas de sortir de la religion. Ils ne sont simplement pas encore prêt à faire ce pas là et, comme ils ont de toute façon de bonnes valeurs malgré tout, je pense qu'il faut respecter ça. Les laisser s'émanciper eux-mêmes et à leur rythme de l'étiquette religieux dont ils se revendiquent mais qu'ils ont totalement vidé de son sens.

Bref, les attentats en question ont bel et bien été commis par des individus religieux au nom de leur religion, selon une interprétation tout à fait juste et cohérente des saintes écritures (c'est le second des dix commandements qui ordonne de ne pas représenter le divin et de tuer ceux qui le font*). Mais cela ne veut aucunement dire que les autres individus prétendant être de la même religion que ces dits individus adhèrent réellement et fervemment aux croyances religieuses de ces individus puisque croyances religieuses et appartenance religieuse sont deux choses.

Pour terminer, je voudrais juste revenir sur un autre élément de la campagne «Je suis Charlie». Quelque chose avec quoi je n'ai pas été à l'aise. Je n'ai rien contre le fait qu'un journal satirique publie des caricatures pour rire de la religion; au contraire! Mais que l'on se mette soudainement à diffuser à plus grande échelle (via les médias sociaux mais certains réclament aussi que tous les journaux fassent de même) lesdites caricatures par solidarité envers les dessinateurs assassinés... moyen. Je comprends que l'on veut montrer aux Talibans et autres fous de Dieu que l'on n'a pas peur d'eux, mais il y a des gens – les croyants modérés dont je parlais tantôt – qui pourraient en être offensés. Dans un journal satirique c'est ok, au pire ils ont juste à ne pas le lire! Mais sur tous les médias sociaux, ça peut devenir insultant. Donc c'est pas pour bâillonner la liberté d'expression ou parce qu'on n'a peur des extrémistes, mais peut-être qu'on devrait desfois essayer de ne pas insulter ou faire de la peine à toute une communauté juste parce qu'on est fâché contre une poignée d'entre eux. C'est pas fin.

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* Deutéronome 5:8