mercredi 1 décembre 2010

Au-delà de l'horizon

Autrefois, on croyait qu'il y avait des esprits dans chaque objet. Chaque phénomène de la nature était l'œuvre d'une divinité. Notre propre corps se muait grâce à l'action surnaturelle de notre esprit sur la matière.

Puis la science a avancée. Nous avons appris comment fonctionnait la nature et comment fonctionnaient nos corps. Nous pouvons expliquer comment nos muscles et nos nerfs font bouger notre corps, comment notre cerveau et nos hormones déterminent nos pensées et nos humeurs. Nous savons comment la vie s'est diversifiée pour se répandre sur toute la planète. Comment cette même planète s'est constituée par accrétion de poussière cosmique autour du Soleil il y a environ 4,5 milliards d'années. Comment notre Soleil est né, etc. Et tout cela, de façon purement contingente, par l'action des forces aveugles et inconscientes qui gouvernent notre univers.

Et à mesure que la science progressait et cartographiait les moindres recoins de notre environnement et de notre être, les entités surnaturels, telles que Dieu et l'âme, perdirent de leurs attributs et de leurs fonctions. Dieu perdit son tempérament agressif et jaloux pour devenir une personne parfaite, puis un être impersonnel. Du concepteur direct de toute chose, il devint un être discret qui se contente de «diriger» les transformations au sein de l'univers, d'une façon si subtile qu'elle ne peut être perceptible; à un point tel que l'univers est identique à ce qu'il serait si Dieu n'existait pas. On retira à l'âme sa juridiction sur les émotions et sur l'animation du corps, puis elle perdit également son rôle dans la mémoire et les pensées, qui sont toute l'œuvre du système nerveux, pour ne garder comme attribut que la conscience qui ne peut se percevoir autrement qu'insécable et éternelle. Mais une fois dépouillé de tous leurs attributs originaux et de tous nos modèles explicatifs sur l'univers, les entités surnaturelles, ou plutôt les mots qui les désignent, deviennent des termes creux ne référant à rien. Des concepts flous que l'on se représente intuitivement, moins par l'action de la raison que de celle d'un désir viscéral de s'accrocher à ces traditions.

Nous avons repoussé Dieu au-delà du Big-Bang et l'âme au-delà des particules quantiques. Étant donné que nous ne pouvons assumer que ces entités surnaturelles que se sont inventés nos ancêtres pour expliquer le monde, n'ont en fait jamais existées, nous les cachons derrière l'horizon de la science moderne, à un endroit où leur inexistence est indémontrable, afin d'utiliser un agnosticisme fallacieux pour justifier la persistance de nos croyances en elles. Les seules phénomènes qu'on leur attribut sont des anecdotes non reproductibles qui n'ont pas fait l'objet d'une observation scientifique. Mais y a-t-il plus de chance d'y avoir un Dieu derrière le Big-Bang que des schtroumpfs dans les trous noirs? Nous ne savons pas ce qu'il y a au-delà de l'horizon de la science mais ce ne sont certainement pas les ténèbres de l'ignorance superstitieuse de nos ancêtres qui pourront nous éclairer là-dessus.

11 commentaires:

  1. Excellent résumé, Feel O'Zof.
    J'aime particulièrement ta dernière phrase qui résume parfaitement le grand écart que doit faire tout croyant pour tenter d'accorder les découvertes scientifiques à sa foi.
    J'ai du mal à comprendre comment autant de personnes peuvent se satisfaire de cette très inconfortable situation. ;)

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  2. Très bon !
    Tout est dans le dernier paragraphe.
    Poulpeman

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  3. Excellent texte!
    Nerevar

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  4. Woups. Je disais donc :
    Réflexion intéressante, avec laquelle je suis tout à fait d'accord.

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  5. Même si je suis d'accord dans les grandes lignes avec cet article, je souhaite partager quelques nuances.

    D'abord je ne vois pas au nom de quoi il y a lieu de distinguer des explications "surnaturelles" et des explications "naturelles". Pour moi la démarche scientifique remplace simplement certaines explications par d'autres, ou plutôt elle rend certaines explications caduques, moins pertinentes que d'autres.

    Elle ne répond pas aux questions existentielles. Elle nous aide simplement à reformuler et à préciser ces questions, et montre que certains pré-supposés métaphysiques (les notions d'espace temps, de substance, de causalité) fonctionnent à priori mieux que d'autres (l'élan vital, Dieu, l'âme).

    Ensuite, certains points me gênent. Par exemple nous ne savons pas expliquer "comment notre cerveau et nos hormones déterminent nos pensées et nos humeurs". Nous en sommes simplement à observer des corrélations entre certains aspects biologiques et nos pensées et nos humeurs, ce qui pour moi ne tient pas lieu d'explication.

    D'autre part, aucune théorie scientifique n'a jamais affirmé que les forces physiques étaient "aveugles et inconscientes", et on serait bien en mal de prouver qu'elles "gouvernent notre univers" entièrement. Non pas que ces phrases soit forcément fausses, mais c'est plutôt de l'ordre de l'interprétation des faits scientifiques et c'est un positionnement métaphysique parmi d'autres.

    De manière générale, je pense qu'il ne faut pas être trop présomptueux sur la valeur des explications scientifiques actuelles comme description de "ce qui est". D'une théorie à l'autre, les forces physiques deviennent des déformations de l'espace-temps, ou un échange de particules, par exemple, comme quoi ce qui tient lieu d'explication peut être complètement mis à jour sans pour autant changer foncièrement les prédictions qui en découlent. Des concepts bien ancrés comme la causalité stricte ou la localité peuvent aussi être remis en cause.

    Pour finir, on ne peut pas dire que la conscience "ne peut se percevoir autrement qu'insécable". La conscience n'est pas "perçue", c'est ce qui "perçoit"... Et si par insécable il faut entendre un tout qui ne peut être conçu comme un ensemble de parties indépendantes, alors on peut dire que la conscience est effectivement insécable, puisqu'il s'agit là d'une donnée immédiate de la conscience.

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  6. Tu dis: « ...ce ne sont certainement pas les ténèbres de l'ignorance superstitieuse de nos ancêtres qui pourront nous éclairer là-dessus. »

    Ni la science d'ailleurs: car la science ne peut expliquer le « pourquoi » des choses et des êtres. Alors, comment trouver réponse à cette question?

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  7. Et pourquoi y aurait-il un pourquoi?

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  8. Parce que « pourquoi » est LA question fondamentale. C’est la question que les enfants, dont l’esprit n’a pas encore été modelé ou influencé par un système de croyance, posent constamment.

    La science est impuissante devant ces questions: pourquoi l’univers existe, pourquoi il y a eu un Big-Bang, pourquoi il y a de la vie sur terre, etc…

    « Pourquoi » est du domaine de la philosophie: tout ce que la science peut faire, c’est fournir des indices pour nous guider dans notre recherche. C’est une question difficile et on peut choisir de refuser d’y répondre. Ça ne la fera pas disparaître pour autant!

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  9. Certaines questions demeurent sans réponse parce que l'on n'a pas encore trouvé leur réponse. D'autres n'ont pas de réponse tout simplement parce qu'elles sont mal formulées. Un «Pourquoi?» adressé à l'univers et qui voudrait donner un but, un sens et une raison d'être à nos humbles existences me semble être de cette seconde catégorie. Et si les enfants la posent constamment, c'est peut-être justement parce qu'elle est puérile.

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  10. Il y a aussi une troisième catégorie: celle où notre philosophie personnelle et notre vue du monde nous mettent des œillères, de sorte que l’on rejette « a priori » certaines questions comme n’ayant pas de sens. Tant mieux si on peut vivre avec ça…

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  11. Tout à fait, Pépé. En fait c'est l'envers de l'autre catégorie: Une question n'a de sens qu'à l'intérieur d'un paradigme donné. C'est pourquoi, face à une question sans réponse ou face à une question que l'on trouve vide de sens, on doit se poser la question «Suis-je dans le bon paradigme?».

    On peut trouver la réponse en regardant l'univers autour de nous, tel que nos sens nous le montrent et tel qu'il se dévoile sous le regard éclairé de la science, puis nous demander: «Ma vision du monde modélise-t-elle la réalité adéquatement si je me fis aux données recueillies, ou est-elle davantage influencée par mes désirs viscéraux que par mes observations?»

    Personnellement, j'ai l'impression que de croire que l'univers a forcément un sens, un but et une raison d'être, et que ceux-ci sont forcément liés à nos petites existences individuelles, est plus le fait d'un désir viscéral que de quoique ce soit d'autre.

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