Jacques découvre une personne inconnue dans sa demeure. Il lui demande poliment de sortir, mais elle ne l'écoute pas. Au lieu de cela, elle se met à l'agacer en lui donnant de petites tapes sur la figure. Jacques essaie de la faire sortir de chez lui par la force, mais elle réussit à s'esquiver à chaque fois qu'il tente de la maîtriser. Il appelle la police pour qu'on le débarrasse de cet intrus, mais on refuse de l'aider. Las de cet inconnu qui l'agace et qui s'est introduit chez lui, Jacques lui assène un puissant coup de poing… puis constate que ça l'a tué.
Dans ce scénario, on ne peut pas vraiment reprocher à Jacques d'avoir tué l'intrus. Il a fait tout ce qui est en son pouvoir pour que l'intrus cesse de l'incommoder, en s'efforçant de minimiser les conséquences fâcheuses pour celui-ci. Il a utilisé parcimonieusement la coercition mais le meurtre semble avoir été le moindre mal qu'il eut été capable d'infliger à l'intrus pour obtenir sa collaboration. Même si l'intrus en question ne semblait pas menacer la survie de Jacques, celui-ci nuisait fortement à son bien-être. Cette situation fictive n'est pas très fréquente dans la vraie vie… sauf si l'intrus en question n'est pas une personne mais une mouche. Avec la mouche, on ne peut ni négocier ni appeler la police, et il est très difficile de l'attraper pour la remettre dehors, par conséquent on passe directement à l'étape de tuer.
Certains sont réticents à l'idée d'accorder des droits aux animaux parce qu'ils ont peur qu'une telle éthique ne soit trop exigeante et contraignante dans la pratique. Par exemple, ils ne veulent pas avoir à surveiller chacun de leurs pas pour éviter d'écraser un insecte. Ils veulent pouvoir passer l'aspirateur chez eux sans qu'on les condamne pour génocide d'acariens. Bref, ils refusent d'accorder le moindre droit à ce qui n'est pas humain de peur qu'on leur impose de vivre comme les Jaïns. Mais si on tolère qu'un humain puisse en tuer un autre lorsqu'il s'agit d'un cas de légitime défense, que sa survie en dépend ou dans une situation telle que celle de Jacques décrite ci-haut, et que cela ne remet pas du tout en question les principes des droits fondamentaux que l'on accorde aux êtres humains, alors on ne doit pas craindre de donner des droits aux animaux si la reconnaissance de ces droits comporte, elle aussi, les «échappatoires» requises pour qu'elle soit réalisable et accommodante.
De la façon dont je vois ça, il est tout à fait normal qu'un être, par sa seule existence, nuise aux intérêts et à la survie d'autres êtres. C'est une des cruelles lois de la nature. C'est la même chose à l'échelle des espèces. Les individus d'une espèce vont nécessairement interférer avec les intérêts des autres espèces qui partagent son environnement. Je ne dis pas que cela justifie que l'on répande délibérément et inutilement la souffrance autour de nous, mais simplement qu'on ne doit pas s'imposer un mode de vie trop contraignant qui nous empêcherait de jouir de la vie. Nul n'a pour devoir d'être malheureux.
Une autre objection que l'on entend parfois face à la reconnaissance des droits des animaux vient de ceux qui pensent que l'antispécisme implique de donner aux bêtes les mêmes droits qu'aux humains. Étant donné qu'il serait absurde de donner le droit de vote aux chiens, alors on balaye complètement l'idée de donner le moindre droit aux animaux. Pourtant, le fait que l'on refuse de donner le droit de vote aux enfants ne nous empêche pas de leur reconnaître des droits. Il y a beaucoup de situations où, en raison de leurs attributs individuels, il est légitime de ne pas accorder aux bêtes le même statut qu'aux personnes; et il n'y aurait rien de spéciste là-dedans. L'idée est de donner aux êtres des droits à la mesure de leurs besoins.
Finalement, seul le végétarisme est vraiment exigeant dans l'antispécisme que je prône. Pour le reste, c'est un changement de paradigme important mais affectant peu notre quotidien.
Je ne pense pas qu'on doive donner des droits aux animaux, à moins qu'on leur confie en même temps la responsabilité de les faire respecter. Sinon, on aura besoin de toute une cohorte d'avocats, qui se feront payer par qui, je vous le demande?
RépondreEffacerEt quand l'antispécisme s'appliquera aux végétaux, ce sera le paradis sur terre, j'imagine.
Bonjour Fabien (et bonne année 2011)
RépondreEffacerIl n'y a pas lieu de considérer les intérêts des végétaux car ceux-ci, n'ayant pas de système nerveux, ne peuvent ressentir le bonheur et la souffrance, ce qui est la base de toute éthique raisonnable. Même si l'on accordait aux plantes le droit d'être préservé de la souffrance, ces dernières n'ayant pas la faculté de souffrir, rien de ce que nous pourrions leur faire n'outrepasserait ce principe. Ainsi, on ne peut pas vraiment dire que les végétaux sont exclus de notre considération éthique, c'est simplement qu'ils n'ont rien qu'on puisse considérer.
Il est juste de dire que les animaux ne pourront pas eux-mêmes défendre les droits qu'on leur donnerait. En effet, je ne vois pas comment un chien battu pourrait porter plainte. Toutefois, une tierce personne qui assisterait à la maltraitance d'un animal pourrait la dénoncer. Mais il y aurait sans doute encore nombre de situations où les droits qu'on aura donné aux animaux ne seront pas respectés, simplement parce que, comme vous l'avez dit, ils ne pourront pas eux-mêmes faire valoir leurs droits et dénoncer ceux qui les oppressent. Je pense toutefois que le simple fait d'avoir une charte pour reconnaître leurs droits permettrait sans doute de faire progresser les mentalités. Que l'animal ait le même statut juridique qu'un meuble n'aide sans doute pas à ce qu'on le reconnaisse comme un être.
N.B. – Je mettrai en ligne ultérieurement (peut-être dans longtemps) une réflexion qui portera plus explicitement sur l'allure que pourrait avoir une charte reconnaissant légalement les droits de la bête, telle que je la conçois. Je vous dis à l'avance qu'elle devra être très accommodante pour notre mode de vie actuelle.
La science doit suivre plusieurs règlements au sujet de l'utilisation des animaux en laboratoire, mais elles ne sont pas toujours suivit parce qu'économiquement c'est impossible de les suivre parfois. Certains animaux sont tués parce qu'ils ont une anomalie en plus de la maladie étudiée qui leur a été injecté qui affecterait les résultats d'une étude...
RépondreEffacerVoilà. Vu que les animaux utilisés dans la recherche médicale sont sacrifiés pour une noble cause, alors même si les chercheurs doivent obéir à une éthique (la recherche scientifique est probablement le seul domaine dans lequel l'humain est tenu de respecter une éthique envers l'animal), on tolère certaines entorses lorsque nécessaire. Ça illustre assez bien ce que je veux expliquer ici.
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