dimanche 11 novembre 2012

Le culte de l'enfance

Je suis allé à un baptême récemment. Un des points qui m'a marqué dans le discours du prêtre, c'est d'à quel point l'enfant et l'enfance sont idéalisés dans la culture occidentale. On les voit comme symbole de pureté, d'innocence. L'enfant est celui qui n'a pas encore été «corrompu» par la société et qui n'est pas encore attiré par le péché de la chair. L'enfant a la foi aveugle en ce qu'on lui dit; il croit à Dieu, aux anges mais aussi au Père Noël ou à tout ce que les adultes désireront lui faire croire. Les enfants s'émerveillent des choses de la vie, tandis que les adultes sont cyniques et blasés.

J'ai des réserves par rapport à cette conception des choses. En fait j'ai deux principales objections:
  • c'est généralement faux;
  • ce ne sont pas nécessairement des vertus.

Les enfants sont souvent méchants. Ils vont persécuter ceux qui sont différents d'eux. Vont arracher les ailes des mouches. Ils seront égoïstes. Leur «éthique» se limite bien souvent à essayer d'éviter d'être punis. La société ne fait pas que les corrompre, elle leur apprend à penser à autre chose qu'à eux-mêmes. À considérer autrui et pas seulement le plaisir personnel.

Par ailleurs, la candeur et l'émerveillement des enfants leur viennent simplement de leur ignorance et de leur inexpérience. Tout pour eux est nouveau. C'est facile de s'émerveiller face à la nouveauté, ce qui est dur c'est de s'émerveiller devant ce que l'on connaît déjà. C'est plus ça que l'on devrait essayer de cultiver, une capacité à l'émerveillement basée sur la connaissance et la compréhension de la complexité des choses, plutôt que fondée sur une totale ignorance.

Leur «foi» leur vient également de leur manque de connaissances. Étant nouveau dans ce monde, ils s"en remettent à ceux qu'ils croient avoir une meilleure expertise sur la vie, c'est-à-dire les adultes. Mais leur foi est loin d'être aveugle et ils demanderont souvent des preuves ou davantage d'explications avant de croire sur parole tout ce qu'on leur dit. Chaque réponse sera suivie d'un nouveau «Pourquoi?» jusqu'à ce que l'adulte se bute à sa propre ignorance. D'ailleurs, comme je l'ai déjà dit, la foi n'est pas une qualité. C'est un mot inventé par les prêcheurs obscurantistes pour faire passer la crédulité pour une vertu.

Le fait que les enfants ne soient généralement pas encore intéressés par le sexe est sans doute une autre raison pour laquelle on idolâtre leur innocence. Il faut cependant pour cela considérer le sexe comme quelque chose de sale et le désir comme une faiblesse ou une tare. Depuis la révolution sexuelle, cet aspect du culte de l'enfance a clairement perdu de son importance, mais il persiste tout de même un peu, comme une survivance culturelle.

Bref, quand le curé au baptême disait «Soyons comme des enfants!», je ne pouvais qu'être en désaccord. J'aurais plutôt prêché l'inverse: «Cessons d'être des enfants!» car c'est plutôt là qu'est le problème. En tant qu'adultes, nous avons conservé quelques uns des vices de l'enfance comme l'égoïsme, la crédulité et la difficulté à maîtriser ses émotions. L'adulte a pour vertus la raison, le sens des responsabilités, la maturité, l'expérience et l'altruisme. Soyons comme des adultes.

4 commentaires:

  1. Je suis plus ou moins d'accord avec toi Phil. Premièrement, ramener cela au culte religieux est un peu biaisé car de grand philosophes ont également préché la ''pureté'' de l'enfance et de l'effet corrupteur de la société. de plus l'enfant a certains défauts qu'il met en premier plan, que nous adultes avons également mais que la loi et la morale nous retiens de faire. L'enfant araches les ailes des mouches... l'adultes fait de l'élevage sauvage et massacre le bétail... l'enfant haïe la différence... combien d'adulte déteste les "turban" et les robineux... La seule différence entre l'enfant et l'adulte c'est hyppocrisie. On fais semblant que ca existe pas pendant que les enfants eux s'assument dans leur défauts. L'adulte vaux pas mieux que l'enfant. Et l'enfant a les memes valeurs que l'adulte et souvent meme plus. De plus les adultes ont oublier d'etre des enfants et c'est important de garder un partie d'eux en nous. Mon altruisme viens de mon coeur d'enfant, mon amour du jeu viens de ce coeur, ma joie de vivre... Trop d'adultes vivent pour travailler et oubli que nous avons une seule vie et que nous devons en profiter, l'enfant lui profite de tout au maximum. Cette "foi" naive qu'il a n'est pas un fardeau car au fond il s'en fou royalement. Ce n'est pas les enfants qui vont dans les eglises et qui prie, c'est les parents qui leur disent de le faire sinon la punision sera plus grande que le fardeau d'un dimanche matin...

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  2. Bon commentaire Gratlahad.

    En fait c'est vrai que les adultes manifestent tout autant que les enfants des comportements comme la cruauté et l'intolérance. Je ne le nie pas. Mon point c'est surtout que, ces défauts étant fortement présents chez l'enfant, ce dernier ne correspond pas à l'idéal d'innocence et de pureté que certains veulent voir en lui. Par ailleurs si, dans les situations que tu as données comme exemple, l'adulte semble pire que l'enfant c'est surtout parce qu'il a plus de pouvoirs que lui et peut donc aller plus loin lorsqu'il répand la souffrance.

    L'autre point que je tentais de démontrer c'est que ces défauts qui sont présents chez l'adulte sont, d'une certaine façon, des vestiges de l'enfance ou les manifestations d'une certaine immaturité. Au fond, j'utilise ici l'adulte et l'enfance d'une façon un peu métaphorique, comme le font ceux qui idéalisent l'enfance mais dans le sens contraire. Au départ, donc lorsque l'on est enfant, on commence en étant ignorant, crédule, inexpérimenté, égocentrique, émotif et irrationnel. C'est en prenant de la maturité que l'on va pouvoir acquérir la sagesse requise pour se libérer de ces tares puériles. Bien sûr, on ne le fera pas nécessairement. Donc quand je dis «Cessons d'être des enfants» je veux seulement dire de ne pas faire preuve de la même immaturité que l'enfant si notre expérience de vie nous permet de faire autrement.

    Mais tu as raison de souligner qu'il y a également beaucoup de défauts bien pires qui sont propre à l'adulte. Comme le fait de ne vivre que pour son travail ou de pratiquer une religion.

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  3. Je dois tout d'abord dire que le problème avec les métaphores, c'est que souvent on les interprète comment on veut (en omettant les détails qui nous gênent). Dans ton exemple, le prêtre a dû cité les paroles de Jésus qui disait à ses disciples "d'être comme des enfants". Dans ce contexte, ce qu'il voulait probablement dire (c'est ici qu'il faut interpréter) c'est que ses disciples devaient pouvoir remettre en question toutes leurs croyances actuelles pour pouvoir croire les nouvelles que Jésus leur enseignait. Il aurait été naturellement plus intéressant de le dire directement: "ayez l'esprit ouvert et remettez en question vos connaissances". Car, naturellement, l'enfant a bien d'autres défauts qu'on occulte dans cette métaphore...

    Par contre, j'aimerais nuancer ton point de vue quand tu affirmes que le monde occidental idéalise les enfants. D'une part, oui, dans la culture populaire les gens ont tendance à associer les enfants à une image de pureté. Un peu comme le point vue (que je considère naïf à bien des égards) de Rousseau qui affirmait que la nature de l'homme est bonne, mais que c'est la société qui le corrompt. D'un autre côté, lorsqu'on regarde certains écrits provenant de l'occident on peut voir l'opinion tout à fait inverse: Freud affirmait que les enfants étaient des êtres perfides - dénués de morale - qui n'étaient guidés que par leurs pulsions. Plusieurs philosophes ont affirmé que, du point de vue cognitif, l'ontogenèse récapitule la phylogenèse: soit que le développement d'un individu ressemble au développement de l'espèce humaine. Donc, à l'enfance, l'individu est, cognitivement, comme un homme préhistorique. Piaget de son côté "s'amuse" (c'est tout comme...) à montrer les limitations et les erreurs (qui sont parfois similaire à celles de peuples primitifs. Voir la "Représentation du monde chez l'enfant") des enfants. Et on pourrait allonger la liste... Mais bref, je crois que la réaction à associer l'enfant à la pureté est très émotionnelle et que, suite à une once de réflexion, cette vision s'évapore.

    Et dernièrement, dans le même ordre d'idée que Gratlahad, je considère que la différence, en termes de comportements et de jugements moraux, entre un enfant et un adulte est très mince. Et, en lisant ton dernier paragraphe, j'ai l'impression que tu tombes dans l'inverse extrême des tenants de la pureté de l'enfance, en idéalisant l'adulte. Dire par exemple que les défauts des adultes proviennent des vestiges de ceux de l'enfance me semble incorrect. Je crois que ces défauts font partie de la nature de l'humain et qu'on les observe tout d'abord à l'enfance simplement à cause de la précédence de l'enfance sur l'âge adulte. C'est pourquoi (et selon mon premier point: les métaphores sont souvent mauvaises) je ne crois pas que l'on ne devrait pas prêcher: "Cessons d'être des enfants", mais plutôt qu'on devrait directement dire ce que l'on cherche à faire comprendre... Du genre: "Dépassez la nature brute de l'humain en ayant un esprit critique, ouvert et en vous souciant du bonheur des autres dans toutes vos actions".

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  4. Correction: je ne crois pas que l'on devrait prêcher

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