Une personne A et une personne B se parlent de leurs croyances. A a une croyance forte mais elle n'arrive pas à y convertir B. Alors, A invente une fausse histoire qui prouverait hors de tout doute la véracité de sa croyance, et réussit à convaincre B grâce à ce pieux mensonge. Plus tard, B rencontre C et lui parle de sa nouvelle croyance. Mais C n'est pas convaincu, même avec l'anecdote fictive qu'a ajouté A. Alors, B invente elle aussi une fausse preuve pour valider sa croyance, et réussit ainsi à convaincre C. Plus tard, C rencontre D et lui parle de sa nouvelle croyance…
Supposons que l'histoire se prolonge ainsi jusqu'à la conversion de Z. À chaque fois, l'individu est tellement convaincu que sa croyance est véridique, qu'il considère comme correct de mentir pour convaincre autrui de la validité de cette croyance. Son mensonge lui paraît tout petit par rapport à la grandeur de sa croyance. Ainsi, son converti, même s'il croira à son mensonge, croira aussi à cette immense vérité et en conséquence sa nouvelle opinion contiendra en somme plus de vérité que de fausseté. Mais à chaque fois, l'individu ignore lui-même qu'une partie de ce à quoi il croit est un cumul de pieux mensonges de cette sorte, eux aussi concoctés pour rendre plus crédible ce que l'on postule être la Vérité.
Les exemples de cette pratique sont très variés. Un religieux pourrait donner un faux témoignage d'un miracle ou fabriquer une fausse relique pour que l'on adhère à son culte, un «chercheur» d'une pseudoscience pourrait falsifier les données de ses expériences pour qu'elles collent plus avec ses croyances, un adepte d'une théorie du complot pourrait choisir les sources qu'il sait les moins fiables lorsqu'elles sont celles qui appuient ses délires paranoïaques, un ufologue pourrait faire croire qu'il a vu un ovni, et ainsi de suite.
Évidemment, je désapprouve ce genre de pieux mensonge. Comme on ne peut pas savoir avec une certitude suffisante si notre croyance initiale était véridique, même si on en est viscéralement convaincu, il importe de faire preuve d'intégrité et d'honnêteté intellectuelle lorsque l'on essaie de la défendre. Si notre but est réellement de défendre la vérité, on doit se donner les moyens de s'en approcher le plus possible et, pour cela, permettre une loyale confrontation d'idées plutôt que de protéger notre croyance à tout prix à l'aide d'un bouclier de mensonges. Il m'apparaît énormément présomptueux de croire que l'on a atteint la Vérité, plutôt que d'avoir l'humilité d'admettre que l'on peut toujours progresser. Il y a plusieurs situations dans lesquelles le mensonge est justifiable, mais celle-ci n'en fait pas partie. Cela me rappelle ma réflexion sur l'éthique des gourous qui construisent un ensemble de croyances fausses pour justifier des pratiques qu'ils jugent bonnes; ils commettent la même erreur. Ils prennent pour postulat qu'ils ont raison, donc que tous les moyens sont bons pour amener autrui à adopter cette opinion.
Je pense qu'il faut avant tout se rappeler que l'on doit tirer nos conclusions des faits et non falsifier les faits pour qu'ils soutiennent nos conclusions. Autrement on pense à l'envers. Si nos croyances sont vraiment vraies, alors inutile de mentir pour les protéger : la science finira bien par leur donner raison. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, c'est peut-être que l'on avait tord et que l'on devrait réviser nos opinions. Je conclus avec cette petite histoire de mon crû:
Une femme pleure la mort de son fils qui a été exécuté pour ses idées. Elles vient visiter sa tombe et constate que sa dépouille a été volée par des charognards. C'est trop pour elle, c'est comme si on lui enlevait son fils une deuxième fois. Pourtant, au fond de son cœur de mère, elle a l'impression que son fils est toujours vivant quelque part. Ne pouvant accepter la réalité, elle se dit que son fils est revenu à la vie et que c'est la raison pour laquelle son corps n'est plus là. Elle raconte cela aux amis de son défunt fils qui se moquent de son histoire. Alors pour les convaincre, elle leur fait croire qu'elle a réellement vu son fils ressuscité, ce qui convainc ces hommes qui s'en vont aussitôt rapporter ce miracle à tous. Voyant qu'on ne les croit pas, ils font croire qu'eux aussi ont vus leur ami revenu d'entre les morts… et ainsi de suite, les faux miracles s'accumulent jusqu'à celui du soleil dansant de Fatima en 1917.
Plus l'escroquerie est énorme,plus le degré de crédulité semble augmenter.
RépondreEffacerSalutations.