- A- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour créer des copies parfaites de lui-même, partageant son apparence, ses souvenirs et sa personnalité, mais n'ayant dans les faits rien à se reprocher dans ses actions.
- B- Une technologie futuriste nous permet de prédire à l'avance, avec une marge d'erreur nulle, quand un crime sera commis et par qui.
- C- Après avoir commis ses crimes, un tueur décide d'utiliser une technologie futuriste pour modifier sa mémoire, effaçant les souvenirs de ses crimes et aussi ses douloureuses expériences de vie qui l'on mis sur le chemin de la criminalité, reprogrammant ainsi son esprit pour devenir un citoyen modèle.
Ces trois expériences de pensée nous présentent différents contextes dans lesquelles la culpabilité de l'individu n'est plus corrélée avec sa dangerosité. Ainsi, si mon but n'est que de punir un coupable, je ne peux pas arrêter les clones du tueur dans le scénario A, ou le futur tueur de mon scénario B, même s'ils présentent le même danger pour la société qu'un meurtrier avéré. Inversement, il faudrait mettre en prison le tueur du scénario C même s'il n'est désormais pas plus dangereux que le citoyen moyen.
Cette justice rétributive n'est pas celle que je prône. Pour moi, justement, c'est la dangerosité qui est à considérer, et non pas la culpabilité comme tel. Cette dernière ne devrait servir que d'un indice nous permettant de déduire qu'un individu a de fortes chances d'être dangereux pour la collectivité. Nous agissons déjà ainsi lorsque nous considérons qu'un individu n'est pas «criminellement responsable» pour des raisons de santé mentale, il échappe alors au système de justice traditionnel et est jugé par la science – si l'on peut dire – puisque ce sont des spécialistes de la santé mentale qui décideront de son sort et s'assureront de lui enlever le pouvoir de nuire à autrui et de le réhabiliter. À l'inverse, lorsque l'on criminalise certaines activités sans victimes directes mais présentant un indice de dangerosité -- telles que de fabriquer une bombe ou de prendre part à un complot -- c'est que l'on reconnaît que ce qui est important pour arrêter quelqu'un n'est pas tant d'avoir causé du dommage dans le passé, mais d'être dangereux dans le futur.
De la façon dont je vois ça, le criminel dangereux devrait être traité comme le porteur d'une maladie contagieuse grave: On lui propose un traitement, avec une mise en quarantaine si nécessaire, en prenant le temps de bien lui expliquer pourquoi cela est pour son bien autant que pour celui de la communauté, puis on le laisse sortir une fois que les risques sont écartés. S'il refuse le traitement, en dépit de nos explications, puisqu'il présente un danger pour la collectivité, il convient de l'isoler et de le traiter contre son gré, qu'il soit ou non «coupable» de sa maladie. C'est pareil avec un criminel dangereux, on veut le réhabiliter, on lui propose de le faire, s'il refuse on le réhabilite de force. Il faut toutefois que les dommages que le criminel pourrait causer constituent un mal supérieur au préjudice que subit sa liberté, d'où la nécessité d'avoir un système carcéral qui minimise la souffrance et maximise la liberté de ses pensionnaires, pour que cette équation soit juste.
À
mon sens on devrait toujours agir ainsi. Identifier le problème, en
cerner les causes, puis les neutraliser (dans la mesure du possible)
et réparer les dommages déjà causés (dans la mesure du possible
aussi). Non plus «juger», comme on aime tant le faire actuellement,
mais juste dédommager les préjudices subis et éviter leur
réitération. La «culpabilité», c'est un concept philosophique
dont je me débarrasserais complètement. Trop lié à la croyance au libre-arbitre, qui elle aussi me semble à laisser tomber. Tout
comportement délinquant devrait être traité comme un problème
psychologique, ou encore comme un bogue dans le système. J'y reviendrai.