mercredi 22 juillet 2009

Le péché originel

L'économiste Thomas Malthus (1766-1834) a constaté que les besoins en ressources d'une population croissaient davantage que les ressources elles-mêmes. La population et les ressources doivent être en équilibre. Comme il naît plus d'individus que ce que les ressources peuvent supporter, une quantité d'individus devra mourir pour rétablir l'équilibre. C'est en lisant cette conclusion de Malthus que le célèbre naturaliste Charles Darwin (1809-1882) échafauda sa théorie de l'évolution. Chez les autres espèces, des mécanismes régulateurs de population, tels que la prédation, apparaissent souvent pour contrôler l'équilibre démographique. L'équation est donc balancée :

Population = Ressources

L'humain vivait autrefois, comme toutes les espèces, soumis à cette impitoyable loi de la nature. C'est ainsi que nous étions au Paléolithique, dans cet équilibre primordial, en parfaite symbiose avec l'écosystème, mais au prix de bien des morts et des souffrances pour nous. C'est alors que survint un changement, la Révolution agricole qui marqua la fin du Paléolithique et le début du Néolithique. Avec l'invention de l'agriculture, on pouvait produire plus de ressources. Contrôler cette moitié de l'équation. Mais, comme on ne contrôlait pas l'autre moitié, la population, celle-ci croissait démesurément, jusqu'à ce qu'il manque de ressources à nouveau, nous forçant à produire encore plus de ressources. J'ai tracé un réseau de concept pour expliquer rapidement les différentes variables qui interviennent dans le processus :



À partir du moment où tous les territoires de la Terre furent occupés par l'humain, il n'avait plus d'autre alternative que d'accroître ses moyens techniques pour extraire et produire plus de ressources. C'est ce bris d'équilibre du Néolithique – on pourrait dire, ce «péché originel» – qui a déclenché une réaction en chaîne provoquant tout le progrès technologique mais aussi la division du travail et la stratification sociale, en plus des guerres, du développement du commerce et de l'émergence des États. Pour avoir plus de ressources afin de nourrir notre population qui ne cessait de croître, nous devions étendre notre territoire, maximiser notre usage des ressources disponibles et développer de nouvelles technologies permettant de produire davantage de ressources. Ce qui causait originellement notre évolution biologique causait désormais notre évolution technologique. Mais, sans avoir à payer de tributs en vies humaines.

Le problème anticipé par Malthus c'est que cette croissance ne pourrait pas durer éternellement. Tôt ou tard, on ne pourrait plus nourrir tout le monde. Le système allait nécessairement s'effondrer causant famine et pénuries. Malthus proposa donc une politique de contrôle démographique et la suppression de l'aide aux nécessiteux… afin qu'ils ne survivent pas. Bien sûr, tout cela n'était pas très éthique. Mais je pense que nous disposons, de nos jours, des moyens de contrer l'amplification de ce déséquilibre. En effet, nous avons inventé des moyens de contrôler l'autre moitié de l'équation initiale – la population –, il s'agit de la contraception, de la médecine et de l'hygiène. Grâce aux contraceptifs qui sont devenus facilement accessibles depuis la révolution sexuelle, nous pouvons engendrer un enfant seulement lorsqu'on le désir. Tout enfant qui vient au monde (dans les pays industrialisé) est nécessairement issu d'un choix; même si c'est une grossesse accidentelle, ses parents ont choisi de ne pas l'avorter. L'enfant vient donc au monde, le plus souvent, seulement lorsqu'il a des parents qui désirent qu'il vive et qui ont les moyens de le faire vivre. La médecine et les mesures d'hygiène réduisent quand à elles le taux de mortalité infantile. Conséquemment, on n'est plus obligé de faire une tonne d'enfants pour s'assurer qu'il y en ait au moins un ou deux qui atteignent l'âge adulte, chaque enfant engendré a de bonne chance de vivre jusqu'à sa pleine maturité.

Je pense donc que lorsque les technologies médicales et contraceptives se seront répandues sur toute la Terre, la boucle sera bouclée, l'équation redeviendra équilibrée et la crainte de Malthus ne sera plus fondée. Nous sommes partis d'une situation d'équilibre primordiale incontrôlée, nous avons vécu une situation transitoire de déséquilibre qui dura 12 000 ans, puis nous aboutiront ultimement dans un état d'équilibre contrôlé, où la démographie demeurera stable sans pour autant que cela n'implique mort et souffrance. Une fois rendu à ce stade, notre principal problème sera de déconstruire toutes les contingences culturelles nuisibles qui se sont accumulées dans nos traditions entre la Révolution agricole du Néolithique et la Révolution sexuelle des années soixante.

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