lundi 21 décembre 2009

Les animaux se mangent entre eux

Lorsque je confesse mon végétarisme, il n'est pas rare que j'entende l'argument suivant :
«Mais les animaux se mangent entre eux! Donc c'est correct|naturel|nécessaire qu'on les mange aussi.»

Analysons donc cet argument. On peut en fait l'interpréter de plusieurs manières. Le premier sens possible serait que, compte tenu que les animaux commettent cet acte de tuer d'autres animaux, alors ils ne méritent pas mieux que d'être tuées eux aussi. Comme je vous l'ai déjà mentionné dans ma réflexion sur la justice, pour moi la seule souffrance qu'il soit légitime d'infliger à un individu étant source de souffrances, c'est la souffrance minimum requise pour qu'il cesse lui-même de causer de la souffrance. Donc tuer les animaux pour cette raison est aussi peu légitime que la peine de mort le serait pour l'humain.

Par ailleurs, les animaux que l'on mange ne sont pas des tigres ou des loups. Ce sont des vaches, des poules et des cochons. Ces animaux ont tous une alimentation exclusivement végétale (sauf lorsqu'on ajoute de la farine animale à leur moulée). Pour que cet argument soit cohérent (ce qui ne le rendrait pas plus éthique) il faudrait que celui qui l'utilise se nourrisse exclusivement d'animaux carnivores.

Troisième point, c'est que les animaux qui se nourrissent d'autres animaux n'ont pas vraiment d'autres alternatives. Le loup ne peut survivre sans viande. Et même si ce serait théoriquement possible de lui concevoir des substituts, le loup a la capacité de se pourvoir en viande mais pas celle de cultiver un champ de soya. Cette prédation est un acte de survie, donc de l'égoïsme légitime. L'humain n'a pas cette excuse. Nous pouvons très bien vivre en nous passant de viande.

De toute façon, comme l'animal est un être irrationnel, ses agissements ne sont aucunement régis par une quelconque éthique. Il suit son instinct et son intuition. Un chat peut torturer une souris pendant des heures par pur plaisir. Quelques uns de mes détracteurs s'arrêteront sur ce fait en arguant que l'on n'a aucun devoir moral envers celui qui (en raison de son faible intellect) ne peut prendre d'engagement moral envers nous. Mais si on laissait les vaches ou les poules en liberté, il y a peu de chances pour que, dans leurs activités normales, elles portent atteintes à nos intérêts. Donc si l'on faisait semblant de signer un contrat social avec ces bêtes, aucun de leurs actes ne le transgresseraient.

Par ailleurs, cette vision des choses impliquerait que les humains irrationnels – c'est-à-dire les enfants et les gens atteints d'une déficience intellectuelle – soient également exclus de notre considération éthique pour la même raison. Or, au contraire, on a tendance à être beaucoup plus tolérant envers les humains non doués de raison qui nous causent préjudice, qu'envers ceux qui savent ce qu'ils font. L'irrationalité de la bête impliquerait donc que l'on n'ait moins d'attentes envers sa capacité à respecter nos intérêts, mais pas que l'on ne tienne pas compte des siens.

Une autre façon d'interpréter l'argument intitulant cette réflexion, ce serait qu'il est correct de manger les animaux, non pas pour les punir du fait qu'ils se mangent entre eux, mais parce qu'ils nous montrent l'exemple à suivre. C'est un paralogisme considérant que les actes des animaux sont «naturels» (puisqu'ils ne sont pas «corrompus» par la culture ou la réflexion) et que tout ce qui est naturel est éthique. Il est palpable dans cette déclinaison de l'argument en question:
«Si les vaches étaient carnivores, elles ne se poseraient pas ce genre de questions avant de te manger!»

Interprété dans ce sens, l'argument est fallacieux du fait que les animaux ont moult pratiques que nous ne voudrions jamais prendre en exemple (inceste, viol, etc.). J'ajouterais qu'il est étrange de se vanter d'avoir aussi peu de jugement qu'une vache…

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