Afin de divertir et d'émerveiller les enfants, on leur raconte souvent des histoires qui ne sont pas réelles; comme les contes de fées par exemple. On fait intervenir dans ce type de récit toute sortes d'éléments fantaisistes et surnaturels auxquels les adultes qui les racontent ne prêtent pas foi.
Là-dessus je n'ai rien à redire, bien que je demeure convaincu que l'on peut susciter chez l'enfant de l'émerveillement pour les réalités scientifiques autant que pour des histoires fantastiques. Il me semble que l'on pourrait très bien lui apprendre à s'émerveiller des vraies choses de la vie : l'araignée qui tissent sa toile, le mouvement des planètes ou la complexité de notre organisme. Le faire s'émerveiller de choses grotesques et absurdes le rendra blasé de la vie à l'âge où il saura que toute ces salades sont fausses.
Malgré tout, il n'y a rien de mal là-dedans. Même si l'on sait que l'enfant, tant qu'il n'aura pas atteint un certain âge, ne pourra pas distinguer la réalité de la fiction, et donc qu'il prend très certainement cette histoire fictive pour un fait vécu, on ne lui ment pas en ne faisait que lui raconter l'histoire en question. Lorsqu'il aura acquis la maturité requise, il pourra départager le vrai du faux et nous demander directement ce qu'il en est au besoin.
Toutefois, je trouve qu'il n'est pas correct d'affirmer explicitement que ces histoires sont véridiques. Par exemple, l'histoire du Père Noël ou de la fée des dents. On ne fait pas que raconter une histoire fantaisiste, on tente délibérément de faire croire à l'enfant qu'elle est authentique en manigançant une mise en scène (mettre des cadeaux sous le sapin pendant la nuit) et en falsifiant les preuves. Bien sûr, le mensonge n'est pas mal en soi, mais il faut réfléchir à ses conséquences avant d'en user. Pour moi, cette tradition de raconter des contes à nos enfants en les faisant passer pour vrais n'est pas compatible avec le désir qu'ils développent leur capacité à réfléchir et leur esprit critique. Au contraire, c'est désirer que notre enfant vive dans une joyeuse illusion plutôt que dans la réalité; c'est de l'obscurantisme.
Et c'est encore pire si l'enfant nous pose directement la question «Est-ce que le Père Noël existe vraiment?» et qu'on lui répond par l'affirmative. Qu'espère-t-on en lui mentant ainsi? Qu'il y croit pour toujours? Pourquoi serait-il désirable que notre enfant croie le plus longtemps possible en ce genre de faussetés? Il me semble que l'on devrait au contraire nous réjouir du fait qu'il ait pu remettre en question ses propres croyances au point de nous poser lui-même cette question. On devrait l'aider dans le développement de sa raison plutôt que de l'inhiber de la sorte. Par ailleurs, si on ne lui dit jamais la vérité, l'enfant pourrait aussi bien y croire pour toujours. La preuve c'est que l'on continue souvent d'avoir foi aux croyances irrationnelles qu'on nous a enseigné avant que l'on n'atteigne l'âge de raison.
Je suis toutefois un peu moins à l’aise de dire la vérité à un enfant s’il me demande, par exemple, «Qu’est-ce qui se passe quand on meurt?» Je ne me vois pas lui dire qu'il n'y a rien après la mort, provoquant ainsi une crise existentielle, mais il n'est pas question non plus que je lui dise que l'on va au Paradis. Je pourrais toutefois, si un enfant me demande où se trouve un être décédé, me contenter de lui dire qu'il se trouve «dans le passé». Son esprit d'enfant, ne comprenant pas la signification de mes paroles, considérera le passé comme un lieu, au même titre que le Paradis, et trouvera réconfort en se disant que ses proches décédés s'y trouvent. En vieillissant, il pourra prendre conscience de la réalité lorsqu'il aura acquis la maturité nécessaire; ou alors substituer le mot «passé» par «paradis» s'il choisit la voie de l'obscurantisme. Ce serait donc comme lui raconter un conte de fée sans prétendre que c'est la vérité.
Bref, pour en revenir au sujet de départ, je dirais qu'il est correct de raconter aux enfants l'histoire du Père Noël comme on leur raconte celle du Petit Chaperon Rouge ou de Spiderman, mais que c'est un peu leur manquer de respect que de leur faire croire activement que cette fiction est réelle.
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