«Comment sais-tu que c'est ça le Mal? C'est un postulat que tu fais. Tu prends ça pour acquis mais tu n'as aucune preuve que c'est vraiment ça le Mal.»
En fait ce n'est pas un postulat. C'est pire! C'est une définition. Je choisis d'utiliser un mot qui existe déjà mais qui est flou pour définir une réalité qui est couverte par l'étendu de cette définition floue.
Le problème d'après moi c'est que des mots comme «Bien» et «Mal» sont connotés dans notre culture et auront, pour cette raison, une définition plus large que celle que je voudrais leur donner. Implicitement, même si je limite ma définition à «Mal=Souffrance», on leur donnera une signification supplémentaire, associant le bien à ce qu'il est autorisé de faire et le mal ce qui est interdit (selon la loi ou selon une divinité quelconque). Or l'univers n'a pas de charte des droits. Ce qui est permis ou défendu ne le sera qu'à l'intérieur d'une subjectivité quelconque. Il n'y a pas de Mal dans l'absolu. Le Bien et le Mal n'existent pas comme des substances. Ce ne sont que des mots.
Ayant l'expérience de la souffrance, nous savons qu'elle est indésirable. Mon éthique n'est donc que l'extension à autrui de notre quête du bonheur (altruisme). J'utilise le mot «mal» uniquement pour parler d'une transgression de ce principe éthique, sans porter de jugement de valeur ou quoique ce soit du genre.
Mais le pire c'est que les gens seront souvent d'accord avec moi sur le fond mais débattrons sur la forme. Car si je reformule mon affirmation en substituant le mot «mal» par la définition que je lui donne, tous seront d'accord avec moi. Si je dis «Cette action cause davantage de souffrances qu'elle n'apporte de bonheur», on approuvera. Mais si je dis «Cette action est mal» on me reprochera mon manque de relativisme.
J'en conclus que je devrais peut-être simplement cesser d'utiliser les termes «bien» et «mal». Si je me contente de parler de bonheur et de souffrance, j'arriverai tout aussi bien à faire comprendre mon éthique et il me sera plus facile de la défendre. Au pire, j'utiliserai des qualitatifs comme «égoïste», «arbitraire» et «inconsistant», et mon interlocuteur décidera si son éthique personnelle réprouve ou non ce genre de chose.