Je me dis souvent que, si j'avais vécu au Moyen-Âge en Europe, je serais certainement devenu prêtre ou moine. Ç'aurait été la seule façon pour moi d'échapper aux travaux manuels et de faire usage de mon intellect. D'ailleurs, des fonctions telles que celle de confesseur (version primitive du psychologue) ou simplement de faire un sermon aux foules, m'auraient beaucoup plût. Évidemment, il y aurait eu des inconvénients (le vœu de célibat c'est pas si pire, mais le vœu de chasteté…) mais il aurait sans doute été faisable de déroger discrètement à ces règles arbitraires sans qu'on ne me pogne.
Il ne faut pas oublier qu'à l'époque – que ce soit chez les chrétiens, les juifs ou les musulmans –, pratiquement tous les intellectuels appartenaient aux ordres religieux. La théologie, la métaphysique et la connaissance des écritures sacrées étaient des disciplines au même titre que la médecine et l'astronomie. À un moment donné, face au dédain des grandes religions envers la nouveauté et la remise en question des idées reçues, les sociétés ont du se séculariser pour poursuivre leur progrès scientifique. Les savants devinrent donc des laïcs très souvent persécutés par le clergé, mais leurs apports a toujours fini par être reconnu par les ecclésiastes, habituellement longtemps après avoir acquis l'approbation populaire.
Je me dis que les choses auraient pu être différentes. Aurait-il été possible, pour une religion moins dogmatique et plus scientifique, d'occuper la niche sociologique du christianisme dans l'Empire Romain ou de l'islam dans l'Empire Ottoman? Imaginons le clergé comme une institution qui rechercherait sincèrement la vérité. Remplaçons les confesseurs par des psys et les prêcheurs par des vulgarisateurs scientifiques. Transposons notre émerveillement face au miracle de la transsubstantions par un émerveillement devant les réalités scientifiques. Bref, imaginons que l'institution qu'est le clergé ait été, depuis le début, axée sur des bases progressistes et humbles permettant l'évolution constante de notre rapport au monde et à nous-mêmes, à la lumières des nouvelles données, sans demeurer fixée éternellement sur les bases d'écritures obsolètes. Dans cette uchronie, de quoi aurait l'air la religion aujourd'hui?
Je me dis que science et religion serait alors totalement imbriquée; leur schisme n'ayant jamais eu lieu d'être. La science ferait partie de l'institution religieuse et les deux parties tireraient bénéfice de cette symbiose. L'apport de la science aurait influencé les autres sphères du religieux, tels que l'éthique, de sorte que les tabous et les interdits arbitraires seraient probablement disparus. Les valeurs comme l'égalité sociale et l'environnement auraient certainement préoccupées le clergé autant qu'elles préoccupent les philosophes et les scientifiques dans notre réalité. Bref, si la science avait été notre religion, je pense que j'aurais pu être prêtre…
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